Karl Marx et/ou Friedrich Engels
(1818-1883) / (1820-1895)
Manifeste du parti communiste :
I - Bourgeois et Prolétaires :
"Un spectre hante l'Europe, le spectre du communisme."
"La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes de classes. Elle n'a fait que substituer aux anciennes de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formes de lutte."
"La découverte de l'Amérique, la circumnavigation de l'Afrique offrirent à la bourgeoisie naissante un nouveau champ d'action."
"La grande industrie a créé le marché mondial, préparé par la découverte de l'Amérique."
"Le gouvernement moderne n'est qu'un comité administratif des affaires de la classe bourgeoise."
"Elle* anoyé l'extase religieuse, l'enthousiasme chevaleresque, la sentimentalité du petit-bourgeois dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce." [*la bourgeoisie]
"La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les professions jusque-là réputées vénérables et vénérées. Du médecin, du juriste, du prêtre, du poète, du savant, elle a fait des travailleurs salariés."
"La bourgeoisie n'existe qu'à la condition de révolutionner constamment les instruments de travail, ce qui veut dire le mode de production, ce qui veut dire tous les rapports sociaux."
"Tout ce qui était solide et stable est ébranlé, tout ce qui était sacré est profané ; et les hommes sont forcés, enfin, d'envisager leurs conditions d'existence et leurs rapports réciproques avec des yeux dégrisés."
"Au désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale."
"Le bon marché de ses produits* est la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine et fait capituler les barbares les plus opiniâtrement hostiles aux étrangers. Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode de production bourgeois ; elle les force à introduire chez elles la prétendue civilisation, c'est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle modèle le monde à son image." [*ceux de la bourgeoisie]
"Voici donc ce que nous avons vu : les moyens de production et d'échange servant de base à l'évolution bourgeoise furent créés dans le sein de la société féodale."
"La société bourgeoise moderne, qui a mis en mouvement de si puissants moyens de production et d'échange, ressemble au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu'il a évoquées."
"Les armes dont la bourgeoisie s'est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd'hui contre la bourgeoisie elle-même."
"La bourgeoisie vit dans un état de guerre perpétuelle ; d'abord contre l'aristocratie, puis contre cette catégorie de la bourgeoisie dont les intérêts entrent en conflit avec les progrès de l'industrie, toujours, enfin, contre le bourgeoisie des pays étrangers."
"La classe moyenne, les petits fabricants, les détaillants, les artisans, les paysans combattent la bourgeoisie parce qu'elle compromet leur existence en tant que classe moyenne. Ils ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservateurs ; qui plus est, ils sont réactionnaires ; ils demandent que l'histoire fasse machine arrière."
"Les prolétaires n'ont rien à eux à assurer ; ils ont, au contraire, à détruire toute garantie privée, toute sécurité privée existantes."
"La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, bien qu'elle ne soit pas au fond une lutte nationale, en revêt cependant tout d'abord la forme."
"Toutes les sociétés antérieures, nous l'avons vu, ont reposé sur l'antagonisme de la classe oppressive et de la classe opprimée. Mais, pour opprimer une classe, il faut, au moins, pouvoir lui garantir les conditions d'existence qui lui permettent de vivre en esclave."
"Le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d'appropriation."
II - Prolétaires et communistes :
"Les propositions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées et des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde. Elles ne sont que l'expression, en termes généraux, des conditions réelles d'une lutte de classes existante, d'un mouvement historique évoluant sous nos yeux."
"Le caractère distinctif du communisme n'est pas l'abolition de la propriété en général, mais l'abolition de la propriété bourgeoise."
"En ce sens, les communistes peuvent résumer leur théorie dans cette proposition unique : abolition de la propriété privée."
"Le capital n'est donc pas une force personnelle ; il est une force sociale."
"Vous êtes saisis d'horreur parce que nous voulons abolir la propriété privée. Mais, dans votre société, la propriété privée est abolie pour les neuf dixièmes de ses membres. C'est précisément parce qu'elle n'existe pas pour ces neuf dixièmes qu'elle existe pour vous."
"En outre, on accuse les communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité. Les ouvriers n'ont pas de patrie. On ne peut leur ravir ce qu'ils n'ont pas."
"Abolissez l'exploitation de l'homme par l'homme, et vous abolissez l'exploitation d'une nation par une autre nation."
"Les idées dominantes d'une époque n'ont jamais été que les idées de la classe dominante."
"L'histoire de toute société se résume dans le développement des antagonismes des classes, antagonismes qui ont revêtu des formes différentes à différentes époques."
"Les antagonismes des classes une fois disparus dans le cours du développement, et toute la production concentrée dans les mains des individus associés, le pouvoir public perd son caractère politique. Le pouvoir politique, à proprement parler, est le pouvoir organisé d'une classe pour l'oppression d'une autre. Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue forcément en classe, s'il s'érige par une révolution en classe régnante et, comme classe régnante, détruit violemment les anciens rapports de production, il détruit, en même temps que ces rapports de production, les conditions d'existence de l'antagonisme des classes ; il détruit les classes en général et, par là, sa propre domination comme classe."
III - Littérature socialiste et communiste :
"Rien n'est plus facile que de recouvrir d'un vernis de socialisme l'ascétisme chrétien."
"Une partie de la bourgeoisie cherche à porter remède aux maux sociaux dans le but d'assurer l'existence de la société bourgeoise. Dans cette catégorie se rangent les économistes, les philanthropes, les humanitaires, les améliorateurs du sort de la classe ouvrière, les organisateurs de la bienfaisance, les protecteurs des animaux, les fondateurs des sociétés de tempérance, les réformateurs en chambre de tout acabit. Et l'on est allé jusqu'à élaborer ce socialisme bourgeois en systèmes complets."
"Le socialisme bourgeois n'atteint son expression adéquate que lorsqu'il devient une simple figure de rhétorique. Libre échange ! dans l'intérêt de la classe ouvrière ; droits protecteurs ! dans l'intérêt de la classe ouvrière ; prisons cellulaires ! dans l'intérêt de la classe ouvrière : voilà son dernier mot, le seul mot dit sérieusement par le socialisme bourgeois. Car le socialisme bourgeois tient tout entier dans cette phrase : les bourgeois sont des bourgeois dans l'intérêt de la classe ouvrière."
IV - Position des communistes vis-à-vis des différents partis d'opposition :
"Les communistes ne s'abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs buts. Ils proclament hautement que ces buts ne pourront être atteints sans le renversement violent de tout l'ordre social du passé. Que les classes régnantes tremblent à l'idée d'une révolution communiste. Les prolétaires n'ont rien à y perdre, hors leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner."
"Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"
Misère de la philosophie :
I - Une découverte scientifique :
"Vint enfin un temps où tout ce que les hommes avaient regardé comme inaliénable devint objet d'échange, de trafic et pouvait s'aliéner. C'est le temps où les choses mêmes qui jusqu'alors étaient communiquées, mais jamaiséchangées ; données, mais jamais vendues ; acquises, mais jamais achetées - vertu, amour, opinion, science, conscience, etc. - où tout enfin passa dans le commerce. C'est le temps de la corruption générale, de la vénalité universelle, ou, pour parler en termes d'économie politique, le temps où toute chose, morale ou physique, étant devenue valeur vénale, est portée au marché pour être appréciée à sa plus juste valeur."
"Le commerce de l'univers coule presque entier sur des besoins, non de la consommation individuelle, mais de la production."
"Ainsi, la valeur relative, mesurée par le temps du travail, est fatalement la formule de l'esclavage moderne de l'ouvrier, au lieu d'être, comme M. Proudhon le veut, la 'théorie révolutionnaire' de l'émancipation du prolétariat."
"Ce n'est pas seulement le travail qui se définit qualitativement par l'objet, mais c'est encore l'objet qui est déterminé par la qualité spécifique du travail."
"[...] dans une société fondée sur la misère, les produits les plus misérables ont la prérogative fatale de servir à l'usage du plus grand nombre."
II - La métaphysique de l'économie politique :
"En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux."
"Les mêmes hommes qui établissent les rapports sociaux conformément à leur productivité matérielle produisent aussi les principes, les idées, les catégories, conformément à leurs rapports sociaux.
Ainsi ces idées, ces catégories sont aussi peu éternelles que les relations qu'elles expriment. Elles sont des produits historiques et transitoires."
"L'esclavage direct est le pivot de l'industrie bourgeoise aussi bien que les machines, le crédit, etc."
"C'est l'esclavage qui a donné leur valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le commerce de l'univers, c'est le commerce de l'univers qui est la condition de la grande industrie."
"Hegel n'a pas de problèmes à poser. Il n'a que la dialectique. M. Proudhon n'a de la dialectique de Hegel que le langage. Son mouvement dialectique, à lui, c'est la distinction du bon et du mauvais."
"Ce qui constitue le mouvement dialectique, c'est la coexistence des deux côtés contradictoires, leur lutte et leur fusion en une catégorie nouvelle. Rien qu'à se poser le problème d'éliminer le mauvais côté, on coupe court au mouvement dialectique."
"Les économistes ont une singulière manière de procéder. Il n'y a pour eux que deux sortes d'institutions, celles de l'art et celles de la nature. Les institutions de la féodalité sont des institutions artificielles, celles de la bourgeoisie sont des institutions naturelles. Ils ressemblent en ceci aux théologiens, sui, eux aussi, établissent deux sortes de religions. Toute religion qui n'est pas la leur est une invention des hommes, tandis que leur propre religion est une émanation de Dieu."
"[Pour les économistes bourgeois] Ce sont des lois éternelles qui doivent toujours régir la société. Ainsi il y a eu de l'histoire, mais il n'y en a plus."
"La misère n'est à leurs yeux que la douleur qui accompagne tout enfantement, dans la nature aussi bien que dans l'industrie."
"L'école philantrope est l'école humanitaire perfectionnée. Elle nie la nécessité de l'antagonisme ; elle veut faire de tous les hommes des bourgeois ; elle veut réaliser la théorie en tant qu'elle se distingue de la pratique et qu'elle ne renferme pas d'antagonisme. Il va sans dire que, dans la théorie, il est aisé de faire abstraction des contradictions qu'on rencontre à chaque instant dans la réalité ; cette théorie deviendrait alors la réalité idéalisée. Les philantropes veulent donc conserver les catégories qui expriment les rapports bourgeois, sans avoir l'antagonisme qui les constitue et qui en est inséparable. Ils s'imaginent combattre sérieusement la pratique bourgeoise, et ils sont plus bourgeois que les autres."
"[...] M. Proudhon se flatte d'avoir donné la critique et de l'économie politique et du communisme : il est au-dessous de l'une et de l'autre. Au-dessous des économistes, puisque comme philosophe, qui a sous la main une formule magique, il a cru pouvoir se dispenser d'entrer dans des détails purement économiques ; au-dessous des socialistes, puisqu'il n'a ni assez de courage, ni assez de lumières pour s'élever, ne serait-ce que spéculativement, au-dessus de l'horizon bourgeois.
Il veut être la synthèse, il est une erreur composée."
"Dans le principe, un portefaix diffère moins d'un philosophe qu'un mâtin d'un lévrier. C'est la division du travail qui a mis un abîme entre l'un et l'autre."
"Et pour prouver que cette réduction des salaires convient à une âme dépravée, M. Proudhon dit, par acquit de conscience, que c'est la conscience universelle qui le veut ainsi. L'âme de M. Proudhon est-elle comptée dans la conscience universelle ?"
"Ce ne furent pas, comme dit M. Proudhon, des stipulations à l'amiable entre des égaux qui ont rassemblé les hommes dans l'atelier. Ce n'est pas même dans le sein des anciennes corporations que la manifacture a pris naissance. Ce fut le marchand qui devint chef de l'atelier moderne, et non pas l'ancien maître des corporations. Presque partout il y eut une lutte acharnée entre la manufacture et les métiers."
"La machine est une réunion des instruments de travail, et pas du tout une combinaison des travaux pour l'ouvrier lui-même."
"A mesure que la concentration des instruments se développe, la division se développe aussi et vice versa. Voilà ce qui fait que toute grande invention dans la mécanique est suivie d'une plus grande division du travail, et chaque accroissement dans la division du travail amène à son tour de nouvelles inventions mécaniques."
"Grâce à l'application des machines et de la vapeur, la division du travail a pu prendre de telles dimensions que la grande industrie, détachée du sol national, dépend uniquement du marché de l'univers, des échanges internationaux, d'une division du travail internationale."
"Après chaque nouvelle grève tant soit peu importante surgit une nouvelle machine."
"En somme, par l'introduction des machines la division du travail à l'intérieur de la société s'est accrue, la tâche de l'ouvrier à l'intérieur de l'atelier s'est simplifiée, le capital a été réuni, l'homme a été dépecé davantage."
"Ce qui caractérise la division du travail à l'intérieur de la société moderne, c'est qu'elle engendre les spécialités, les espèces et avec elles l'idiotisme du métier."
"La concurrence n'est pas l'émulation industrielle, c'est l'émulation commerciale."
"M. Proudhon ignore que l'histoire tout entière n'est qu'une transformation continue de la nature humaine."
"Que dire de ce génie [M. Proudhon] qui, étant à jeun, se promène en zigzag ? et que dire de cette promenade qui n'aurait d'autre but que de démolir les bourgeois par les impôts, tandis que les impôts servent précisément à donner aux bourgeois les moyens de se conserver comme classe dominante ?"
"Ce sont les errements de tous les économistes, qui représentent les rapports de la production bourgeoise comme des catégories éternelles."
"La terre, tant qu'elle n'est pas exploitée comme moyen de production, n'est pas un capital."
"De tous les intruments de production, le plus grand pouvoir productif, c'est la classe révolutionnaire elle-même."
"La condition d'affranchissement de la classe laborieuse, c'est l'abolition de toute classe, de même que la condition d'affranchissement du tiers état, de l'ordre bourgeois, fut l'abolition de tous les états et de tous les ordres."
"Ne dites pas que le mouvement social exclut le mouvement politique. Il n'y a jamais de mouvement politique qui ne soit social en même temps.
Ce n'est que dans un ordre de choses où il n'y aura plus de classes et d'antagonisme de classes que les évolutions sociales cesseront d'être des révolutions politiques."
La Commune de Paris :
Introduction, de Friedrich Engels :"Et ne s'est-elle pas réalisée à la lettre la prédiction que l'annexion de l'Alsace-Lorraine 'jetterait la France dans les bras de la Russie' et qu'après cette annexion l'Allemagne ou bien deviendrait le valet servile de la Russie, ou bien serait obligée, après un court répit, de s'armer pour une nouvelle guerre et, à vrai dire, 'pour une guerre raciale contre les races latines et slaves coalisées' ?""D'une guerre dont rien n'est sûr que l'absolue incertitude de son issue, d'une guerre raciale qui livrera toute l'Europe aux ravages de quinze à vingt millions d'hommes armés ; et si elle ne fait pas encore rage, c'est uniquement parce que le plus fort des grands Etats militaire est pris de peur devant l'imprévisibilité totale du résultat finale.""Le développement économique de la France depuis 1789 a fait que, depuis cinquante ans, aucune révolution n'a pu éclater à Paris sans revêtir un caractère prolétarien, de sorte qu'après la victoire, le prolétariat, qui l'avait payée de son sang, entrait en scène avec ses revendications propres.""Mais à elle seule, si indéterminée qu'elle fût encore dans sa forme, la revendication contenait un danger pour l'ordre social établi : les ouvriers qui la posaient étaient encore armés ; pour les bourgeois qui se trouvaient au pouvoir, le désarmement des ouvriers étaient donc le premier devoir."
"De plus en plus contraints dans leur lutte contre le gouvernement à faire appel au peuple, ils [les bourgeois libéraux] furent obligés de céder peu à peu le pas aux couches radicales et républicaines de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. Mais, derrière elles, se tenaient les ouvriers révolutionnaires, et ceux-ci, depuis 1830, avaient acquis beaucoup plus d'indépendance politique que les bourgeois et même les républicains n'en avaient idée."
"Pour la première fois, la bourgeoisie montrait jusqu'à quelle folle cruauté dans la vengeance elle peut se hausser sitôt que le prolétariat ose l'affronter. Et pourtant 1848 ne fut encore qu'un jeu d'enfant comparé à la rage de la bourgeoisie de 1871."
"Le même jour, les étrangers élus à la Commune furent confirmés dans leurs fonctions car 'le drapeau de la Commune est celui de la République universelle'."
"Le plus difficile à saisir est certainement le saint respect avec lequel on s'arrêta devant les portes de la Banque de France. Ce fut d'ailleurs une lourde faute politique. La Banque aux mains de la Commune, cela valait mieux que dix mille otages."
"[...] la Commune fut le tombeau de l'école proudhonienne du socialisme."
"Ce n'est que dans la bourgeoisie 'radicale' qu'on trouve encore des proudhoniens."
"La société avait créé, par simple division du travail à l'origine, ses organes propres pour veiller à ses intérêts communs. Mais, avec le temps, ces organismes, dont le sommet était le pouvoir de l'État, s'étaient transformés, en servant leurs propres intérêts particuliers, de serviteurs de la société en maîtres de celle-ci. On peut en voir des exemples, non seulement dans la monarchie héréditaire, mais également dans la république démocratique."
"C'est précisément en Amérique que nous pouvons le mieux voir comment le pouvoir d'État devient indépendant vis-à-vis de la société dont, à l'origine, il ne devait être que le simple instrument."
"Dans la conception des philosophes, l'État est la 'réalisation de l'Idée' ou le règne de Dieu sur Terre traduit en langage philosophique, le domaine où la vérité et la justice éternelles se réalisent ou doivent se réaliser. De là cette vénération superstitieuse de l'État et de tout ce qui y touche, vénération qui s'installe d'autant plus facilement qu'on est, depuis le berceau, habitué à s'imaginer que toutes les affaires et tous les intérêts communs de la société entière ne sauraient être réglés que comme ils ont été réglés jusqu'ici, c'est-à-dire par l'État et ses autorités dûment établies."
"Mais, en réalité, l'État n'est rien d'autre qu'un appareil pour opprimer une classe par une autre, et cela tout autant dans la république démocratique que dans la monarchie ; le moins qu'on puisse en dire, c'est qu'il est un mal dont hérite le prolétariat vainqueur dans la lutte pour la domination de classe et dont, tout comme la Commune, il ne pourra s'empêcher de rogner aussitôt au maximum les côtés les plus nuisibles, jusqu'à ce qu'une génération grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres soit capable de se défaire de tout ce bric-à-brac de l'État.
Le philistin social-démocrate a été récemment saisi d'une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de 'dictature du prolétariat'. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l'air ? Regardez la Commune de Paris. C'était la dictature du prolétariat."
"La guerre pour une question de prépondérance ou de dynastie ne peut être, aux yeux des travailleurs, qu'une criminelle folie."
"L'empire finira, comme il a commencé, par une parodie."
"Une guerre défensive peut, certes, ne pas exclure des offensives dictées par les 'événements militaires'."
"Si les frontières doivent être fixées suivant les intérêts militaires, il n'y aura pas de fin aux revendications territoriales, parce que toute ligne militaire est nécessairement défectueuse, et peut être améliorée en annexant un peu de territoire."
"Il en est des nations comme des individus. Pour leur enlever leurs possibilités d'attaque, il faut leur enlever tous leurs moyens de défense."
"En Allemagne, comme partout ailleurs, les adulateurs des puissants du jour empoisonnent l'esprit populaire par l'encens de louanges mensongères."
"Telle est la loi du vieux système politique. A l'intérieur de son domaine, le gain de l'un est la perte de l'autre."
"Jules Ferry, avocat sans le sou avant le 4 septembre, réussit comme maire de Paris pendant le siège à tirer par escroquerie une fortune de la famine."
"Thiers, ce nabot monstrueux, a tenu sous le charme la bourgeoisie française pendant plus d'un demi-siècle, parce qu'il est l'expression intellectuelle la plus achevée de sa propre corruption de classe."
"Thiers n'a été conséquent que dans son avidité de richesse et dans sa haine des hommes qui la produisent."
"Après chaque révolution qui marque un progrès de la lutte des classes, le caractère purement répressif du pouvoir d'État apparaît de façon de plus en plus ouverte."
"L'antithèse directe de l'Empire fut la Commune."
"L'existence même de la Commune impliquait, comme quelque chose d'évident, l'autonomie municipale ; mais elle n'était plus dorénavant un contre-poids au pouvoir d'État, désormais superflu."
"Mais, certes, la Commune ne prétendait pas à l'infaillibilité, ce que font sans exception tous les gouvernements du type ancien. Elle publiait tous ses actes et toutes ses paroles ; elle mettait le public au courant de toutes ses imperfections."
"La civilisation et la justice de l'ordre bourgeois se montrent sous leur jour sinistre chaque fois que les esclaves de cet ordre se lèvent contre leurs maîtres. Alors cette civilisation et cette justice se démasquent comme la sauvagerie sans masque et la vengeance sans loi."
"Les atrocités des bourgeois en juin 1848 elles-mêmes disparaissent devant l'indicible infamie de 1871."
"Glorieuse civilisation, certes, dont le grand problème est de savoir comment se débarrasser des monceaux de cadavres qu'elle a faits, une fois la bataille passée."
"La Commune a employé le feu strictement comme moyen de défense. Elle l'a employé pour interdire aux troupes de Versailles ces longues avenues toutes droites que Haussmann avait expressément ouvertes pour le feu de l'artillerie ; elle l'a employé pour couvrir sa retraite de la façon même dont les Versaillais, dans leur avance, employaient leurs obus qui détruisaient au moins autant de bâtiments que le feu de la Commune."
"La domination de classe ne peut plus se cacher sous un uniforme national, les gouvernements nationaux ne font qu'un contre le prolétariat !"
"Et la classe ouvrière française n'est que l'avant-garde du prolétariat moderne."
"L'entendement bourgeois, tout imprégné d'esprit policier, se figure naturellement l'Association internationale des travailleurs comme une sorte de conjuration secrète dont l'autorité centrale commande, de temps à autre, des explosions en différents pays. Notre association n'est, en fait, rien d'autre que le lien international qui unit les ouvriers les plus avancés des divers pays du monde civilisé."
"Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d'une société nouvelle. Le souvenir de ses martyrs est conservé pieusement dans le grand coeur de la classe ouvrière. Ses exterminateurs, l'histoire les a déjà cloués à un pilori éternel, et toutes les prières de leurs prêtres n'arriveront pas à les en libérer."