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Amour, émeute et cuisine
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  • Quelques pensées sur la civilisation, considérée dans ses aspects politiques, "philosophiques", et culinaires, entre autres. Il y sera donc question de capitalisme, d'Empire, de révolte, et d'antiterrorisme, mais aussi autant que faire se peut de cuisine.
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23 novembre 2018

Le Dieu rond (Gille est jaune ?)

« Certains de ces gilets jaunes sont dans un monde parallèle, il y en a même qui pourraient devenir autonomes » (un journaliste de BFM-TV)

paru dans lundimatin#166, le 21 novembre 2018

Gilets jaunes motards

Olivier Long est peintre et maître de conférence à la Sorbonne, il s’est rendu à la mobilisation des gilets jaunes sur le périphérique parisien puis à la tentative avortée de prendre d’assaut l’Élysée. Il nous raconte cette journée surprenante.

(Merci à Serge D’ignazio de nous avoir laissé utiliser ses photos.)

Au commencement règne le Dieu. Le Dieu a la forme d’une sphère, elle exclut la Haine. La Haine est au dehors, ce qui permet au Dieu de savourer sa vie tranquille. Mais voilà que sans crier gare (et surtout sans prévenir personne), la Haine s’attaque au Dieu. Le Dieu est obligé de faire une sortie, il se concentre, se prépare, puis se sépare ; et voilà que le Dieu est double. C’est parce qu’il se dédouble que le monde advient racontait le penseur grec Anaximandre. C’est la raison pour laquelle le monde est tragique et ambivalent : ce qui le structure, c’est ce mélange d’amour et de haine qui fait que tout est dialectique et que rien ne se conclut jamais, parce que c’est de la lutte et du combat que naît toute chose. La naissance du monde est séparation.

Gilets jaunes et CRS

Mais voilà qu’aujourd’hui, vingt cinq siècles plus tard, le cercle se referme. Le Dieu sphérique veut tout rejouer. Il veut revivre sa complétude pour que tout redevienne tranquille. Et pour cela, il lui faut que toute lutte disparaisse. Nul affrontement n’a plus lieu dans les neurocraties autoritaires, il n’y a plus de places pour les luttes, ne reste que l’échange commerçant et la concurrence pacifiée des égaux. C’est l’histoire d’un vieux rêve : celui de faire disparaître dans un chapeau tout ce qui fait l’ordinaire d’une opposition : le débat, les cégétistes, les assos, les corps intermédiaires, les militants, les lanceurs d’alerte, les luttes sociales et l’humanité qui va avec. Pour réaliser ce crime parfait, il est impératif de faire disparaître les corps, mettre tous les gueulards en taule et coincer n’importe quelle forme d’opposition dans des procédures judiciaires interminables. Tout ce qui résiste rentre dans le chapeau, pendant que sur scène, sous les feux de la rampe, l’homme aux dents blanches se charge de faire disparaître n’importe quel lapin en un tour de passe-passe. Tout humain qui rentre dans le chapeau, en ressort entrepreneur de start-up radieux : le miracle s’accomplit, le Dieu sphérique exprime ainsi sa toute-puissance tranquille, le public ne peut qu’applaudir.

Aujourd’hui tout se fissure à nouveau, rien ne tourne plus rond, le Dieu sphérique est obligé de sortir de chez lui. Il y a eu une première alerte. Issue des communes étudiantes du printemps et de la lutte des cheminots, une émeute éclate au pont d’Austerlitz. Elle déclenche le soir du 1er mai 2018 le scandale Benalla. À vouloir transformer sa garde prétorienne en police politique, le roi perd toute crédibilité. La ficelle est trop grosse et la magie n’opère plus. Le roi n’en garde pas moins son petit sourire narquois de Dieu sphérique, si prompte à énerver la foule.

Gilets jaunes et barricades

Et voilà que quelques mois plus tard, après avoir chassé les classes populaires des facs avec le dispositif Parcoursup, (ces étudiants pauvres si promptes à d’enflammer depuis Villon, Abélard et les goliards du Moyen âge), le Dieu-magicien tente un nouveau tour de passe-passe pour sphériser son monde à nouveau. Le Dieu-magicien va maintenant faire surgir l’argent de son chapeau en imposant une taxe écologique aux travailleurs pauvres. Sans être forcément complotiste, chacun cherche maintenant à comprendre où est le trucage. Ne s’agirait-il pas, par hasard, de faire rembourser aux travailleurs-pauvres les cadeaux fiscaux faits aux plus riches ? (Fin de l’impôt sur la fortune, détaxation de l’exil fiscal et de la Flat-tax, Crédit impôt recherche directement versé sur la compta des entreprises, etc…). Une goutte d’essence enflamme la plaine.

BFM-TV s’ingénie à répéter « -Attention les gauchos ne sont pas invités, c’est une partouze réservée aux Jacquie et Michèle des campagnes, aux complotistes racistes obsédés d’identité nationale ! ». Que faire de ça ? Ne rien faire c’est abdiquer et laisser le terrain à des officines qui commercialisent la simple haine des autres. Alors on y va pour vérifier, histoire de ne pas laisser la rue et la misère aux fachos Par principe, je me méfie des appels à rester chez soi, ils attirent forcément dehors. La question n’est donc de savoir si l’on doit sortir ou pas ce samedi 17 novembre, mais de quelle manière l’on doit sortir, et aussi de se demander ce que cet appel engage à discuter. Même si ça ne va pas être facile de se parler d’une voiture à l’autre.

Manifester contre le prix de l’essence, cela ressemble à une colère de bouseux mal orientée. Mais le vieux Bakounine n’a-t-il pas écrit : « Seuls les individus et seulement un très petit nombre d’individus se laissent déterminer par une idée abstraite et pure. Les millions, les masses ne se laissent entraîner que par la puissance et la logique des faits, ne comprenant et n’envisageant pour la plupart que leurs intérêts immédiats et leur passion du moment », alors pourquoi ne pas aller à la rencontre de ceux qui ne connaissent que de très loin le Dieu sphérique d’Empédocle ?

Pour ne pas venir les mains vides, je fais une banderole, afin de proposer quelque chose d’un peu festif et artistique. Le prince Philippe a annoncé, « mettre un gilet jaune va encore, mais tout bloquer, c’est interdit ! ». Le Grand chambellan Castagnette claironne partout « Et surtout tout doit se faire dans la plus grande légalité ». Résultat nous irons suspendre un grand rideau sur les ponts du périphérique : « Ni Macron, ni fachos, Black Blocage TOTAL du périf ». « -Pouet, poète ! » : quelques automobilistes klaxonnent joyeusement et ralentissent pour lire la pancarte. « TOTAL », ce n’est pas cette multinationale qui ne paie jamais ses impôts ni aucune taxe écologique, cette entreprise qui fait la guerre un peu partout sur la planète et qui fait payer au prix fort ses station-sévices en retour ?

Gilets jaunes Black bloquons tout

Nous rejoignons la place de la Concorde. Un africain immense brandit très haut la banderole du « Black blocage TOTAL ». Elle est très chaleureusement applaudie. Les Jacquie et Michel du grand soir sont effectivement tous là mais pas qu’eux. Ceux qui font du tuning dans des garages de banlieue toute l’année exhibent fièrement des carrosseries rutilantes qu’ils polishent chaque dimanche. Des motards font chauffer la gomme sur l’asphalte, façon concentration Speedway de Daytona Beach… sous l’obélisque de la Concorde. Le vrombissement des Harley énervées, (aux plaques d’immatriculation soigneusement maquillées), rejoint vite les vitrines de la rue du Faubourg Saint-Honoré via la rue Royale.

Une quinzaine de CRS tente de s’interposer, une barricade est érigée. Comment nasser le peuple des crevards, tous les larbins des premiers de cordée ? Aux quatre coins de la place, leurs groupes hétéroclites se forment, des centaines de rassemblements s’improvisent partout dans Paris. Les contenir est une tâche impossible. De jeunes flics ont le regard perdu sous les casques, les visières se baissent, puis se relèvent, ne sachant plus que faire. Profitant de l’effet de surprise la foule électrique s’engage dans la rue du Fauboug Saint-Honoré, les motos vrombissent en cortège de tête dans une ambiance incroyablement déter. La foule scande « Paris, debout, soulève toi ». Nous ne sommes plus qu’à 300 mètres de l’Elysée. Comment a-t-on pu arriver jusque là ?

C’est alors que survient un ordre définitivement maladroit. Les mobiles gazent une foule de provinciaux-chanteurs-de-marseillaise complètement stupéfaits de ce qui leur arrive. C’est leur première manifestation, être pris en photo, filmés, fichés, gazés, violenté, ils n’y sont pas habitués. Ça les rend fous. C’est ce que dit cette jeune fille qui est venue de la côte d’azur avec ses parents, électeurs de Macron, parce que selon eux, « -C’est à Paris que tout se passe ». Ils ne comprennent pas, et n’ont plus que leurs yeux rougis par les gaz pour pleurer de rage. Ils croyaient la police amie. Ils croyaient qu’on a quand même « le droit de manifester en démocratie quand on paie des impôts ». Un monsieur âgé en vélo veut protéger sa hanche de titane, il confie à la cantonnade « -il faudrait qu’il y ait les casseurs, ils feraient moins les malins avec toutes ces vitrines ». Et si la foule recule, ce n’est pas à cause des gaz ni de la police en sous-effectif (car occupée ailleurs), mais c’est par pur calcul politique. Un monsieur rondouillard l’exprime ainsi : « -Premier avertissement, mais attention à la semaine prochaine ». La plupart découvrent ce que c’est que de manifester dans la sphère marchande quand règne le Dieu Rond et que rien ne tourne plus rond.

Gilets jaunes manif rue

Aurions-nous affaire à un troupeau de racistes ou aux émeutes des ligues de février 1934 ? Oui mais comment expliquer que les quartiers soient descendus sur Paname pour l’occasion, sans parler des autonomes qui se mêlent en nombre à la foule. Les gilets jaunes, contrairement à ce que raconte le géographe Christophe Guilluy, ce n’est pas simplement le petit peuple des campagnes contre celui des villes, c’est le peuple de tous les larbins qui en ont marre. Loosers des villes, des campagnes et des quartiers réunis convergent dans la même rage : tous perdants des tours de passe-passe d’un porn-capitalism obscène et global.

Et si « Gilles est jaune », c’est parce que le « Gille », est le personnage le plus célèbre du carnaval de Binche en Belgique. Le Carnaval est un rituel de rupture, qui manifeste, comme l’ont constaté nombre d’historiens de la culture populaire médiévale, une intense dimension subversive. Le Gille représentait dans la Belgique des années 1795 la figure de la révolte contre le régime politique français du Directoire. Ce dernier voulait simplement interdire dès cette époque « le port du masque » (sic). Que penser de cette mascarade des « Manu la sens-tu ? » ? Certaines personnalités se dédoublent quand elles sont au volant de leur voiture parce que c’est le dernier habitacle qui les protège des maltraitances du monde extérieur. D’où la violence des réactions au volant dans les époques de hard capitalisme. Ce qui nous mène à cette réflexion emblématique et pleine de sens d’un journaliste de BFM-TV (qui a pris en direct ce soir de fête un œuf sur la tête) : « Certains de ces gilets jaunes sont dans un monde parallèle, il y en a même qui pourraient devenir autonomes ». « Gille-le-Niais » est également dénommé « le Guilleret », parce qu’il manifeste sa gaieté de manière un peu fracassante sur la scène du carnaval ; en s’autonomisant le peuple rabelaisien des gilets jaunes va-t-il rejoindre l’enjoyement des multitudes de gilets noirs ?

Olivier Long (à l'origine publié dans lundimatin)

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1 juillet 2018

Communiqué de quelques chouettes hiboux de Bure suite à la vague de perquisitions et d'arrestations

Communiqué de quelques chouettes hiboux de Bure suite à la vague de perquisitions et d’arrestations

 

Bure, le 28 juin 2018

« On est à Bure, on fait ce qu’on veut ! » (entendu lors d’une perquisition du 20 juin 2018 de la bouche d’un gendarme)


Entre le mercredi 20 et le jeudi 21 juin 2018, 14 perquisitions ont eu lieu dont 12 simultanées dans des lieux de vie de militant.e.s anti-CIGEO. Ces perquisitions, parfois menées dans la plus complète illégalité, (en l’absence de mandat présenté aux occupant.e.s,) semblaient cibler des personnes particulières afin qu’elles soient auditionnées ou placées en garde à vue. Ainsi plus d’une douzaine de convocations pour des auditions ont été distribuées, et 9 interpellations ciblées ont eu lieu. Après des gardes à vue de 36 à 60h, 2 personnes sont relâchées sans suite pour le moment, 2 personnes obtiennent le statut de témoin assisté et 5 personnes sont mises en examen avec un contrôle judiciaire. Ce contrôle comprend des interdictions de territoire, des interdictions de se voir entre personnes concernées par l’instruction et une interdiction de quitter le territoire national.

L’État et son lobby nucléaire ont montré une fois de plus que la seule réponse qu’il savent apporter aux critiques légitimes des opposant.e.s à CIGEO, la méga poubelle de Bure, est une réponse répressive. Cet acharnement répressif se manifeste au travers de l’ouverture d’une instruction pour association de malfaiteurs, pilotée par le juge d’instruction Kevin Lefur . Ce dernier, obéissant aux logiques des nucléocrates, peut ordonner des perquisitions de tous lieux et des arrestations, des écoutes et des filatures de toute personne étant liée de près ou de loin avec la lutte contre CIGEO, et ce jusque la fin de l’instruction qui devrait durer au moins un an et s’étendre plus probablement sur plusieurs années. Une première vague de perquisitions avait déjà eu lieu dans ce même cadre le 20 septembre 2017.
La peine, c’est la procédure

Quand l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) et l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) pointent du doigt les risques énormes liés au projet CIGEO, quand près de 3000 personnes se retrouvent dans les rues de Bar-le-Duc pour dénoncer ce projet absurde, demander la fin du nucléaire et affirmer leur solidarité aux militant.e.s locales, l’État abat sa dernière carte pour imposer sa poubelle nucléaire : la répression. Pour les personnes vivant à Bure et dans les environs, la vie est déjà rendue complexe par une présence policière accrue : plusieurs patrouilles par heure, contrôles et fouille de véhicules et des personnes… Sortir sans sa carte d’identité, c’est risquer une vérification d’identité de 4h ; laisser traîner un couteau suisse (et même une pelle à tarte) dans la portière de sa voiture, c’est risquer une garde à vue et des poursuites pénales pour transport d’arme. Quand on parle d’État d’exception à Bure, on fait état de toutes ces mesures qui rendent pénible la vie au quotidien afin que ce bout de territoire se vide toujours plus de ses habitant.e.s et surtout de ses opposant.e.s à la poubelle nucléaire.

L’’instruction ouverte pour association de malfaiteurs décuple les activités répressives contre les militant.e.s, et, en brisant des vies, tente de broyer cette lutte. Ainsi, des personnes installées depuis des années, se retrouvent avec des interdictions de territoire qui les privent de leur vie sociale tissée sur la durée. Des personnes qui luttent depuis des années contre ce projet se retrouve dans l’interdiction de se voir, cassant toute possibilité d’organisation politique. En recherchant jusqu’aux personnes participant aux approvisionnement de nourriture et en mettant en place des filatures et des écoutes généralisées, l’État diffuse la peur parmi tou.te.s les opposant.e.s et tou.te.s les habitant.e.s. La défense collective contre cette attaque judiciaire est d’autant plus compliquée que les personnes concernées n’ont pas le droit de se voir et que le dossier d’instruction est protégé par le « secret d’instruction ». La procédure en cours est chronophage, mobilise des personnes pour la parer, diabolise les mis.e.s en examen aux yeux de voisin.e.s et des personnes qui découvrent les chefs d’inculpation. Elle prend ce temps si utile pour lutter. Cette instruction a pour unique but de paralyser la lutte et d’imposer le projet mortifère de la poubelle nucléaire à Bure.

Mais la lutte n’est plus une lutte locale : avec des comités de soutien et d’action qui se forment et se consolident partout en France et au delà, la résistance prend une tournure internationale. Ainsi, 55 rassemblements ont eu lieu mercredi 27 juin 2018. Ielles veulent museler l’opposition locale à CIGEO, mais ielles n’ont pas compris que cette opposition est totale ! Les comités de soutien et d’action, les milliers de personnes présentes lors de la manifestation du 16 juin à Bar-le-Duc, sauront boycotter la concertation organisée par les pouvoirs publics autour du nucléaire à la rentrée pour organiser leurs propres concertations autogérées ; sauront suivre l’exemple des MONSTRES de CIGEO (campagne lancée sur le site lesmonstresdecigeo.noblogs.org) et prendre pour cible partout où ils sont atteignables les sous-traitants et soutiens de CIGEO ; et saurons enfin se retrouver nombreu.x.ses du 3 au 10 septembre autour de Bure pour une semaine d’ateliers et de mobilisation afin de stopper la construction de la voie ferrée qui servira aux transport des déchets, l’installation du transformateur électrique qui alimentera CIGEO et le défrichement du bois Lejus.

Plus d'info sur : Expansive.info

24 mai 2018

Communiqué du groupe presse de la ZAD

Les mensonges de la gendarmerie sur les circonstances du tir de grenade qui a mutilé Maxime

 

Alors que l'opération de gendarmerie en cours sur la zad venait de commettre une faute aussi dramatique que prévisible, le premier réflexe du parquet comme du ministère de l'intérieur a été de dégainer au plus vite dans les médias le récit adéquat dans le but de couvrir les faits, se justifier de la mutilation de Maxime et tenter de neutraliser les réactions. M. Collomb ou le procureur général s'y sont employés immédiatement de la manière la plus affirmative possible, sans la moindre décence ni le moindre regret. C'est l'usage. Au-delà des considérations générales sur la brutalité de l'opération policière en cours, de la dangerosité avérée des grenades explosives et de leur usage immodéré sur la zad ces dernières semaines, nous avons souhaité pour notre part attendre d'avoir pu croiser différents témoignages avant d'être aussi affirmatifs sur les faits.

Il nous apparaît aujourd'hui que la version gouvernementale selon laquelle les gendarmes auraient lancé des grenades pour se dégager en urgence d'un groupe d'une cinquantaine de manifestants les attaquant avec des cocktails molotov est une fiction. Les communiquants de la gendarmerie pouvaient aisément le vérifier : chacune des interventions des gendarmes sur la zone a été filmée par leurs services. D'après les témoignages que nous avons recueillis, le drame est au contraire intervenu dans un moment décrit comme calme où quelques dizaines de personnes faisaient face de manière statique depuis environ 45 minutes aux gendarmes mobiles. Ceci alors que le déblaiement d'habitats de la Chateigne était en cours derrière la ligne policière. Les gendarmes étaient alors très nombreux face à un groupe réduit de manifestants. Un effectif de gendarmes mobiles, en embuscade, est alors sorti à l'improviste de la forêt. Ils ont chargé les manifestants pour le dégager du champs et susciter un mouvement de panique. Cette charge subite a effectivement causé une fuite immédiate des personnes présentes, en direction de l'unique et étroit passage de sortie au bout du champs. C'est à ce moment là qu'une série de grenades a été lancée sur quelques personnes à la queue du groupe tentant d'échapper à la charge. Après l'explosion, plusieurs personnes se sont retournées et ont vu la victime, debout, dos aux gendarmes, se tenant le poignet droit avec la main gauche. Celle-ci a ensuite été plaquée au sol et tirée plusieurs mètres plus loin. Les témoins disent avoir vu les gendarmes "nettoyer" autour de la victime, enlever les morceaux de chair et mettre de la terre sur les traces de sang.

Ce qui ressort de l'ensemble des témoignages est clair : contrairement à ce qu'ils affirment, les gendarmes ne sont pas intervenus avec des grenades explosives pour se dégager d'un groupe d'assaillants et se sortir d'une situation de danger grave, mais bien pour disperser des manifestants statiques et en sous-nombre d'un champs. Ceci n'a d'ailleurs malheureusement rien d'inhabituel dans cette opération policière. Au cours des dernières semaines, chacun aura pu témoigner que les grenades GLI-F4, entre autres armes mutilantes, ont été utilisées à de multiples reprises comme simple outil de dispersion et de terreur, et non pour faire face à des attaques réelles d'opposants. Soulignons en passant que du côté même des gendarmes, les seules blessures graves dans leurs rangs - à l'automne 2012 comme lors de cette nouvelle vague d'expulsion - ont été causées par un mauvais usage et l'explosion de leurs propres grenades.

Nous appelons à réagir partout pour dénoncer les mutilations causées par les armes de la police et la brutalité de l'opération toujours en cours sur la zad.

24 mai 2018

Pour Maxime

Pour Maxime, mutilé sur la ZAD le 22 mai 2018

Lettre de Robin, mutilé à Bure le 15 août 2017

Robin est un jeune père de famille blessé grièvement à Bure en Août dernier par une grenade explosive GLI-F4. Il nous a fait parvenir une lettre qu’il a transmis à Maxime, dont la main a été arrachée par une grenade explosive GLI-F4 hier sur la ZAD. "Il est tombé près de 4000 grenades explosives sur la ZAD depuis le début de son invasion par les gendarmes mobile". Elles avaient déjà fait plusieurs centaines de blessés depuis le début de l’opération.

Explosion grenade à la ZAD 2018


"Mettre des mots sur l’horreur. Ne pas céder à la résignation. Au terrorisme d’État. Malgré le stylo qui tremble, écrire. Témoigner. Ne pas se laisser écraser par le concert d’opérations sémantiques, de propagande préventive et de censure qui cherche à nous couper de notre empathie et de la révolte qu’elle devrait spontanément engendrer.

Maxime vient de perdre sa main. Sa main droite. Pour toujours. Il rejoint bien plus gravement encore, l’enfer que j’ai vécu durant 9 mois. Le 15 août 2017, à Bure, l’explosion d’une grenade GLI-F4 tirée par les gendarmes mobiles creusait mon pied gauche sur un diamètre de 13cm et jusqu’à 3cm de profondeur arrachant peau, veines, nerfs, muscles et pulvérisant les os. C’était pendant une manifestation contre le projet Cigéo d’enfouissement de déchets radioactifs à 500m de profondeur. Il y a eu 30 blessés dont 4 graves.

Contrairement à ce que leur nom indique, les grenades GLI-F4 contiennent de la TNT et explosent ! Leurs déflagrations font 1m de diamètre et peuvent tuer si elles touchent une partie vitale. Les appellations de « lacrymogènes » ou d’« assourdissantes » que la préfecture et les ministres leur donnent dans les médias servent à masquer la vérité à leur sujet : CE SONT DES ARMES DE GUERRE !

L’État utilise des armes de guerre pour terrasser le peuple. Dans le cas présent, les conséquences sont bien pires qu’un tir à balle réelle.

Déjà, à l’époque, j’avais alerté sur les dangers des grenades explosives en organisant une manifestation pour exiger leur interdiction mais les grandes chaînes ont cantonné l’information à la région Lorraine. La majorité des français ignore encore la vérité sur ce sujet. Il est tombé près de 4000 grenades explosives sur la ZAD depuis le début de son invasion par les gendarmes mobiles. Provoquant des centaines et des centaines de blessés notamment à cause des éclats de métal qu’elles projettent. Où est la violence ?

Maxime est actuellement à l’hôpital.

Outre les intenses douleurs et le fort traumatisme qui le suivront nuit et jour, il devra désormais supporter ce handicap inimaginable : vivre avec une seule main. Cette main, que l’explosion lui a arraché sur le coup, l’État lui a volé pour prix de son combat, pour prix de notre combat. Dans les dernières décennies, la militarisation du maintien de l’ordre a fait couler trop de sang.

Combien d’éborgnés ? Combien de mutilés ? Combien de vies déchirées par l’utilisation criminelle des flashballs et des grenades explosives ? La violence de l’État pour mater toute résistance est extrême. Elle cherche à nous terroriser, à nous acculer à la résignation. Face à cela, la solidarité est notre arme et jamais la peur ne doit nous arrêter.

Proches, moins proches et tous ceux qui croiseront la route de Maxime, prenez soin de lui ! Tenez bon ! Il y a mille et une manières de lui apporter ce qui lui permettra de vivre. Écoutez-le, cherchez, trouvez !

La vie continue, le combat pour elle aussi. Maxime tiens bon !"

Source : Nantes Révoltée

5 mai 2018

Le MILI n'est plus, vive le MILI !

Communiqué de presse

 

Nous connaissons les communiqués de la préfecture de police autant qu'elle nous connait, nous nous sommes finalement habitués à y apparaître, à y être cités de manière opportune. Les diffamations médiatiques et gouvernementales ne nous étonnent plus depuis longtemps, bien qu'elles ne puissent être laissées sans réponse. Mais que de la diffamation le ministre de l'intérieur en vienne aux menaces, cela exige une correction claire et immédiate. Voici donc, concernant la journée du 1er mai, plusieurs corrections :

1 - Le problème qui s'est posé en ce 1er mai aux politiques comme aux policiers, ce n'est pas le rassemblement de 1200 émeutiers, mais les 14 500 personnes qui les accompagnaient et sympathisent avec leurs pratiques. On ne spécule tant sur le "black bloc" que pour masquer l'existence, autrement plus embarrassante, du cortège de tête. Cet embarras, il est perceptible jusque dans le chiffrage de la péfecture, qui doit désormais admettre qu'il y a presque autant de manifestants "hors du cortège déclaré" que dedans. Déjà, en 1968, la menace politique réelle, ce n'était pas les milliers d'émeutiers, mais la compréhension qui les entourait, et qui d'ailleurs les entoure toujours.

2 - Que le ministre de l'intérieur en soit à traquer "celles et ceux qui appellent à l'insurrection" dit assez combien tout y appelle. Encore une fois, il s'agit de trouver des organisateurs, les organisateurs du désastre face aux organisateurs du désordre. Or, il semble ne toujours pas vouloir l'admettre, il n'y a pas d'organisteurs mais des manières de s'organiser, de mettre en jeu des sensibilités et des affinités. Déclarer que ce qui s'est passé ce 1er mai est le résultat d'un quelconque appel n'est qu'un énième procédé visant à altérer la réalité : s'il y a un groupe d'incendiaires à l'oeuvre en ce moment en France, c'est bien le gouvernement lui-même. En matière de radicalité politique, le projet macroniste n'a pas d'équivalent. En matière de violence déchaînée, rien n'égale la brutalité du traitement policier réservé en ce moment à tout ce qui se lève. On n'avait pas vu un gouvernement aussi déterminé dans son désir d'affrontement avec la population depuis bien longtemps. Allumer dix foyers de révolte simultanément et se scandaliser que cela crame, c'est toute la pause hypocrite du pouvoir en place. Nous ne ferons pas au ministre de l'intérieur l'injure de lui rappeler qu'une constitution française, celle de l'an 1, stipule : "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs". Vous avez bien lu, monsieur le ministre : pour chaque portion du peuple.

3 - Dans les années 1970 comme pendant le mouvement contre le CPE ou contre la loi Travail, le retour de l'éternelle rhétorique anti-casseurs ne témoigne que d'une chose : la fébrilité du gouvernement. Le niveau de rage diffuse contre la mise au pas macronienne n'a d'égal que le sentiment d'impuissance qu'elle cherche à produire. La logique d'écrasement déployée dans les universités, à la ZAD ou envers les syndicats appelle, en ce mois de mai, à se hausser au niveau de radicalité posé par le gouvernement. De fait, face à une offensive technocratique aussi massive, seule une insurrection peut nous sauver ; le festif ne suffira pas. L'enfer, ce n'est pas ce qu'ont vécu les forces de l'ordre le 1er Mai, c'est le monde que vous nous préparez. Nous ne comptons pas vivre dans un monde de crevards avec pour seul horizon la gestion sécuritaire du désastre écologique et économique.

4 - Vous pouvez bien parler de nous dissoudre, il est trop tard : nous nous sommes depuis longtemps déjà dissous dans l'ensemble des complicités que nous avons tissées au fil des ans. Même vos compteurs professionnels s'en sont avisés : nous n'avons jamais été aussi nombreux ni aussi divers. Nous sommes littéralement partout. Aucun "retour à la normale" ne nous enlèvera les rencontres qui se multiplient à la faveur de ce mouvement. Les bulles sociales explosent, et c'est tant mieux. Ce monde nous appartient, car c'est nous qui allons y vivre.

MILI - Mouvement Inter Luttes Indépendant

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5 mai 2018

Lâche l'Appel, prends la pioche

Lâche l’Appel, prends la pioche
Publié le 5 mai 2018 | Maj le 4 mai
ZAD | rassemblement
Critique anti-autoritaire sur la ZAD de NDDL et appel à rassemblement les 12 et 13 mai.

Compagnon.ne.s, copa.in.e.s, compas, complices, camarades, c’est le moment de faire face aux forces armées de l’état capitaliste, aux tenant.e.s de la régularisation et aux gouvernances auto-proclamées de l’intérieur. Partout nous subissons leur domination et leur dédain. Partout nous luttons pour qu’ielles ne dirigent pas nos vies.

Le 14 mai 2018 a été fixé par l’état comme date limite pour les occupant.e.s « illégaux.ales » ne souhaitant pas se régulariser pour quitter les lieux… Cela pose la question de ce qu’est une occupant.e « illégal.le » ? Et quels sont ces « lieux » ? Et vers où ces personnes sont censées aller ? La « zone » deviendrait elle un territoire d’accès contrôlé ? Qui y aura accès ? Qui donnera les autorisations ? Sur quelles bases ? Dans quelles limites géographiques ? Que cela implique t’il comme mesures de contrôle social ? Qu’adviendra t’il des personnes jugées « illégales » ?

Une partie du mouvement contre l’aéroport et pour son monde a imposé sa vision au reste des occupant.e.s : si on est gentil.le, si on signe, si on barricade pas les boulevards de flics, si on acquiesce aux ordres de la police zadionale et de ses zadiocrates, l’état nous laissera tranquille…

Après avoir vendu à prix libre la route des chicanes (RD281) et imposer par la force la destruction de Lama Fâché, le dépôt de fiches (non communiquées auparavant à l’ensemble du mouvement ni à l’ensemble des occupant.e.s) a été fait malgré les désaccords profonds sur cette stratégie grâce à une campagne de lobbying dans l’urgence (avec en arrière plan les risques réels de sanctions physiques en mode « coffre et coups de pression »).

Depuis des années déjà, les coups de forces et les prises de pouvoir gangrènent la vie sur la Zad. Longtemps, les anti-autoritaires ont rongé leur frein pour ne pas compromettre la lutte contre l’aéroport. Aujourd’hui, le temps n’est plus à la compromission avec les franges « capitalist-friendly » ou hiérarchiques. L’aéroport est mort, vive les luttes !

Depuis la Zad, nous nous organisons pour lutter contre toutes les dominations et contre toutes les hiérarchies. Parce que nous ne tolérons pas que la Zad soit appropriée par des groupes qui imposent leurs vues à tou.te.s, s’approprient les moyens de production et cadenassent les organes de décisions politiques. Parce que la Zad est à tou.te.s, qu’elle se maintien grâce aux solidarité de tou.te.s, nous refusons sa gentrification.

Nous invitons tou.te.s les anti-autoritaires, les rebelles, les insurgé.e.s, les autonomes, les non-enfiché.e.s, les minorisé.e.s, les marginal.e.s, les cas sociaux, les loosers, les galèrien.ne.s, les schlags à se retrouver sur la Zad de Notre Dame des Landes les 12 et 13 mai 2018 (si tu veux venir avant, welcome) pour organiser de façon horizontale les ripostes les plus imprévisibles aux attaques autoritaires, étatiques et capitalistes.

La peur n’évite pas le danger.
Nous sommes résolu.e.s à ne pas céder sous les menaces d’où qu’elles viennent. Évidemment tout est autogéré et nos résistances seront ce que nous en feront.
Venez avec vos idées, vos analyses, vos points de vue, vos divergences, vos ateliers, votre matos, vos cagoules…

Soyons incontrôlables.

PS : Les comportements sexistes, validistes, homophobes, et généralement tous les comportements « relous » et oppressifs n’ont rien à faire de ce coté de la barricade ; ils sont les instruments de nos oppressions !

24 avril 2018

Résolus de tout recommencer

« Résolus de tout recommencer »

Un joli hommage de Raoul Vaneigem à ce que représente la Zad. À 84 printemps, le situationniste historique, auteur du « Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes genérations » est toujours aussi printanier, attentif tant à l'usage qu'aux jeunes générations. Viva la résolution !

« Ce qui se passe à Notre Dame des Landes illustre un conflit qui concerne le monde entier. Il met aux prises, d’une part, les puissances financières résolues à transformer en marchandise les ressources du vivant et de la nature et, d’autre part, la volonté de vivre qui anime des millions d’êtres dont l’existence est précarisée de plus en plus par le totalitarisme du profit. Là où l’État et les multinationales qui le commanditent avaient juré d’imposer leurs nuisances, au mépris des populations et de leur environnement, ils se sont heurtés à une résistance dont l’obstination, dans le cas de ND des Landes, a fait plier le pouvoir. La résistance n’a pas seulement démontré que l’État, "le plus froid des monstres froids", n’était pas invincible – comme le croit, en sa raideur de cadavre, le technocrate qui le représente – elle a fait apparaître qu’une vie nouvelle était possible, à l’encontre de tant d’existences étriquées par l’aliénation du travail et les calculs de rentabilité. Une société expérimentant les richesses de la solidarité, de l’imagination, de la créativité, de l’agriculture renaturée, une société en voie d’autosuffisance, qui a bâti boulangerie, brasserie, centre de maraîchage, bergerie, fromagerie. Qui a bâti surtout la joie de prendre en assemblées autogérées des décisions propres à améliorer le sort de chacun.
C’est une expérience, c’est un tâtonnement, avec des erreurs et ses corrections. C’est un lieu de vie. Que reste-t-il de sentiment humain chez ceux qui envoient flics et bulldozer pour le détruire, pour l’écraser ? Quelle menace la Terre libre de ND des Landes fait-elle planer sur l’État ? Aucune; si ce n’est pour quelques rouages politiques que fait tourner la roue des grandes fortunes. La vraie menace est celle qu’une société véritablement humaine fait peser sur la société dominante, éminemment dominée par la dictature de l’argent, par la cupidité, le culte de la marchandise et la servitude volontaire.
C’est un pari sur le monde qui se joue à ND des Landes. Ou la tristesse hargneuse des résignés et de leurs maîtres, aussi piteux, l’emportera par inertie ; ou le souffle toujours renaissant de nos aspirations humaines balaiera la barbarie. Quelle que soit l’issue, nous savons que le parti pris de la vie renaît toujours de ses cendres. La conscience humaine s’ensommeille mais ne s’endort jamais. Nous sommes résolus de tout recommencer. »


Raoul Vaneigem, 23 avril 2018

(à voir aussi sur La lettre à Lulu)

13 avril 2018

De la vergence des luttes soixante-huitardes et dix-huitardes

De la vergence des luttes soixante-huitardes et dix-huitardes
Une brève « poésie » contributive à la guerre en cours


Et puisque l'époque semble soudain vouloir faire anniversaire en rejouant cinquante ans plus tard un fameux mois de mai du siècle dernier, puisque le réel, qui n'a cessé d'être relégué toujours un peu plus au loin depuis cinquante ans au moins, semble vouloir faire retour sur la scène-monde, autrement dit puisqu'en ces temps troublés la révolution refait quelque peu parler d'elle alors même que le spectacle-marchant n'en finissait plus devant ça d'annoncer sa victoire définitive, en particulier médiatiquement, il nous a semblé de quelque importance, ici, d'interroger la situation présente dans ce qui la lie ou la distingue de l'année 1968.


A dire vrai, l'évidence veut que 1968 et 2018 ne soient comparables qu'à bien peu d'égards ; comment pourrait-il en être autrement étant donnés les 50 ans qui les séparent, et ce, qui plus est, quand ces 50 ans ont vu une contre-révolution s'engager dans une marche en avant qui n'a guère rencontré d'oppositions que partielles et momentanées.
Là où sévissaient le plein emploi et les afflictions qui l'accompagnent, sévissent aujourd'hui le chômage l'intérim le « techno-travail » l'uberim et les ruines de l'âme qui les accompagnent. Là où la rue les bars les amicales et nous en passons étaient parmi les principaux lieux où s'exerçaient la palabre et d'haptiques rencontres, la télévision les réseaux sociaux et les téléphones portables ont présentement séparé les êtres au point d'en faire de simples atomes digérés dans d'infinis flux numériques, ou coagulés dans des images. Enfin, pour aller vite, là où la campagne la ville et la nature « sauvage » traversaient encore les consciences au point d'y faire demeurer quelques insignes beautés, l'industrie l'architectonique policière et la pollution sauvage, elles, frappent seulement les esprits de leurs désespérantes laideurs nihilistes ; l'événement n'est plus depuis longtemps qu'un coucou régulier géré par la domination, la festivité a remplacé la fête, et nous en sommes là.
Le tableau, pourtant, n'est pas si sombre, qui voit maintenant se dresser face à lui des résistances toujours plus nombreuses et profondes. Il n'est pas si sombre, non, ne serait-ce qu'en ceci que c'est paradoxalement sa noirceur même qui, en ayant atteint un certain paroxysme, finit par écœurer ses « ouailles » à un tel degré qu'elles commencent justement d'en devenir révolutionnaires.
Le dégoût marque le début d'un renouement avec l'être, dont les Zones A Défendre, qui n'ont cessé de se multiplier ces dernières années, sont comme une expérience active et pratique entre terre et ciel ; la poésie du vivant s'y manifeste à nouveau, et ce d'autant plus qu'au contraire des tentatives communautaires post-soixante-huitardes, qui ne furent bien souvent qu'une retraite entérinant la défaite, un refuge, les ZAD ont pour elles d'avoir été d'emblée aussi bien offensives, c'est-à-dire pour le moins des praxis ne s'en tenant pas à l'isolement. Or cette combativité, en ayant tôt fait de se trouver en affinité avec la quiétude et la beauté quotidienne d'une vie s'affirmant enfin hors du spectacle de l'avoir permanent, a su faire naître des amitiés sans pareilles, lesquelles amitiés, rencontrant dès lors une auto-organisation immanente, embrassent dans la lutte une spontanéité plus efficiente que celle que connurent les soixante-huitards ; les cortèges de tête en témoignent, et ce malgré l'armement policier sans commune mesure avec celui de la fin des années soixante qui leur fait face. Bien entendu, les « zadistes » ne constituent qu'assez rarement l'essentiel des animateurs d'un cortège de tête, mais les formes de vie qu'ils expérimentent et les actions qui en découlent ont fini par inspirer beaucoup parmi celles et ceux qui luttent, en particulier concernant le champ humain des affinités électives, au travers desquelles naissent les spontanéités nouvelles dont nous parlions plus haut, et que la belle résistance actuelle au force de l'ordre des occupants de Notre-Dame-des-Landes ne pourra manquer d'animer encore et encore.

NDDL lutte 01Le mouvement universitaire, quant à lui, ou du moins celui d'une partie de la jeunesse, si il a eu son importance en 1968 en étendant le domaine de la lutte jusqu'à son point d'embrasement révolutionnaire - en particulier par la grâce des enragés ouvrant le bal et de l'influx situationniste dans son ensemble -, a connu toutefois dans le même temps bien des difficultés a rencontrer réellement ce que chacun alors convenait d'appeler le « monde ouvrier ». Il y eut bien une grève générale, et pas des moindres, mais hormis surtout quelques jeunes parmi eux, la plupart des travailleurs, plus ou moins contenus par leurs principaux syndicats et le partie communisto-stalinien, s'en tinrent à des revendications partielles qui n'invitaient en rien à sortir du capitalisme. Revendications que les accords dits de Grenelle, quoique non adoptées par les salariés, entérineront. Or là encore la situation actuelle se distingue positivement en ceci que l'union de la jeunesse en lutte - étudiante ou non - avec le salariat semble se réaliser plus vivement qu'en 1968, sinon idéalement. Car, entre autres, le mouvement de lutte contre la loi travail du printemps 2016 l'a déjà bien montré, c'est dans l'action que se crée cette convergence, bien plus qu'à longueur de discussions qui, pour nécessaires qu'elles soient, eurent trop souvent le malheur par le passé de s'éterniser en d'inutiles combats entre idéologues de tout poils. Si cependant l'actuelle convergence des luttes ne parvenait pas à dépasser la seule défense des acquis sociaux où elle traîne encore trop largement ses guêtres, elle pourrait bientôt s'avérer plus infructueuse encore que la maigreur de son aînée soixante-huitarde, et ne pas même obtenir un « grenelle ». Une convergence authentique ne peut guère en effet se réaliser minimalement qu'en outrepassant les habituelles réclamations corporatistes, et maximalement en tendant tous ensemble vers un objectif commun nécessairement général, et par là même nécessairement révolutionnaire ; mai 68 a sans doute connu quelques jours de convergence minimale, il s'agit à présent d'inscrire une telle convergence dans la durée tout en s'acharnant à la porter à son degré maximal de conflagration, dont l'insurrection n'est qu'un moment spécifique.

Qui dit que la révolution en tant qu'elliptique n'a d'autre option qu'un éternel retour à son point d'origine veut négliger par là que rien jamais ne repasse au même endroit. Nous mouvant sur l'ellipse révolutionnaire, nous empruntons d'un même trait le chemin de l'Histoire sur lequel elle se meut elle-même immanquablement. En quoi nous commençons nerveusement de sentir que la révolution ne peut plus nous laisser consentir ni à un simple changement de pouvoir ni à nous emparer d'icelui, mais à son abolition, absolument.

Léolo, du Comité A.E.C. Le 13 avril 2018

28 mars 2018

Un Appel

Le 22 mars dernier au soir, des étudiantes et étudiants en grève de l'université de Montpellier ont été violemment agressés par un groupe de fascistes cagoulés qui cherchaient et parvenaient ainsi à évacuer la fac de ses occupants en lutte contre la loi Vidal, entre autres choses. Trois grévistes ont fini à l'hôpital, pendant que les membres du groupe fasciste, où semblerait-il sévissait au moins un professeur de droit, étaient exfiltrés par la police, sans être inquiétés le moins du monde et après avoir été applaudis par une partie de l'administration universitaire locale.

A quelques temps et encablures de là, dans les universités de Bordeaux, Lille, Strasbourg, Dijon, et nous en passons, c'est la police qui se chargeait elle-même de la sale besogne et évacuait plus ou moins violemment les étudiantes et étudiants grévistes, pendant que l'université de Toulouse, en grève depuis trois mois et finalement jugée « ingouvernable » par la ministre de l'enseignement supérieure, était mise sous la tutelle du ministère – fait sans précédent dans l'histoire de ces 50 dernières années au moins.

Partout ailleurs, dans toutes les luttes actuelles contre la tyrannie impérialo-marchande, de la SNCF à la fonction publique dans son ensemble, comme dans chaque entreprise où des salariés sont en lutte pour de meilleures conditions de travail ou seulement pour sauver leurs emplois, la répression se fait chaque jour plus violente.

C'est pourquoi nous appelons chacune et chacun à se joindre au combat, non seulement en bloquant et occupant son université ou son lieu de travail, mais aussi en l'ouvrant à toutes les rencontres, afin d'achever enfin dans la diversité des actions communes ce que d'autres avaient commencé en Mai 68, voire en 1871. CONTINUONS LE DÉBUT, LA COMMUNE REFLEURIT DÉJÀ !

Comité AEC, le 26/03/2018

26 février 2018

Tout bloquer devient VIDAL !

TOUT BLOQUER DEVIENT VIDAL !
Collectif pour la création de la M.I.F.A.(Mouvance Inter-Facs Autonome)

paru dans lundimatin#135, le 26 février 2018

Depuis quelques semaines, le début de mouvement contre la loi Vidal sur la sélection à l’université et la réforme de la plateforme Parcours sup peine à trouver des formes offensives et à établir un rapport de force digne de ce nom. Pourtant, encore une fois, ce ne sont pas les raisons qui manquent de se soulever, et elles sont loin d’être cantonnées à des enjeux purement universitaires : comme à chaque fois, la loi signifie plus qu’elle n’en dit. Avec elle, c’est un monde qui est engagé ou plutôt un certain rapport au monde qui promeut la sélection et la mesure de toute chose, des migrants aux étudiants en passant par les travailleurs, à l’aide d’outils adaptés (en l’occurence, un algorythme). Pourtant, la lutte reste pour le moment de basse intensité et cantonnée à l’université. Nous publions ici un appel qui tente d’expliquer pourquoi une mobilisation qui rejoue tous les codes d’un « mouvement » au sens syndical du terme est pauvre en esprit et en actes tout en appelant à la constitution d’une force plus intéressante, la MIFA.

« Notre seule existence prouve que le principe démocratique du vote à la majorité est contestable, que le mythe de l’assemblée générale souveraine peut être une usurpation. Il appartient à notre lutte de limiter autant que possible la tyrannie du vote majoritaire. Trop d’espace accordé aux assemblées générales nous paralyse, et ne sert qu’à conférer une légitimité de papier à quelques bureaucrates en herbe. Elles neutralisent toute initiative en instituant la séparation théâtrale entre les discours et les actes. »

À chaque début de mobilisation, c’est la même rengaine. Un gouvernement sort de son chapeau un énième projet de loi qui n’est qu’une avancée de plus dans la contre-révolution néo-libérale. Une inter-orga convoque une assemblée générale étudiante pour gérer la lutte sous prétexte d’« initier la mobilisation » et exhorte à la « massifier » au moyen de diff’ de tracts, de barrages « filtrants », de printemps des chaises, et de débrayages en amphis. De cette logique découle que toute initiative non conforme au rôle structurant et policier des organisations réformistes est dissuadée, freinée ou empêchée. De fait, toute émergence d’une conflictualité proprement politique se voit neutralisée au motif d’un souci de légitimité, de représentativité, de « massification ». Nous voulons à travers ce texte démonter les fausses évidences qui leur servent d’arguments et proposer quelques pistes pour sortir du cadre du militantisme politique classique et construire une mobilisation qui assume l’aspect conflictuel de la lutte.

Tout bloquer devient vital



LA MASSIFICATION AURA DIX MINUTES DE RETARD

« Aujourd’hui, nous sommes soixante, il faut que demain nous soyons six cent, six mille », nous dit-on. Deux postulats ressortent de cette injonction, qui érigent le dogme de la « massification » comme préalable à toute lutte : le nombre fait la force ; le nombre est nécessaire à l’action.

Au premier, nous rétorquons que le nombre n’est pas le seul déterminant du rapport de force. Nous pensons au contraire que c’est notre détermination qui sera à même de l’inverser.

Au second, nous répliquons que l’espérance quasi-messianique de la venue d’obscures « conditions objectives » numéraires a pour seul effet de nous enfermer dans l’attente passive et neutralisante d’un improbable grand soir.

Aux deux, nous répondons que les raisons de se soulever n’ont jamais manqué. À la question des « conditions objectives », nous opposons celle des pratiques adéquates à la lutte. Des pratiques qui seraient immédiatement appropriables et rejoignables, à penser au sein d’un contexte. Il n’y personne à « convaincre » ou à « informer », seulement de nouveaux espaces politiques à faire émerger, en dehors du carcan syndical. Tel fut le cas du « cortège de tête » et de Nuit Debout au printemps 2016. Celles et ceux pour qui, comme nous, la marche de ce monde est insoutenable, rejoindront ces espaces, que blocages, cantines, sabotages, graffitis, manifs sauvages, carnavals et occupations peuvent contribuer à faire surgir. Ces pratiques ne requièrent pas forcément un grand nombre de participant·e·s. et sont pertinentes dès lors qu’elles nous permettent d’accroître notre autonomie et d’entraver les desseins de celles et ceux qui nous gouvernent. Le nombre détermine donc moins l’efficacité de nos actions que la forme que nous leur donnerons.

Les conditions objectives sont réunies



GÉNÉRATION IRREPRÉSENTABLE

« On ne peut pas bloquer la fac car l’assemblée n’est pas représentative de tous les étudiants ». Lorsque l’on ne nous rabâche pas l’argument de la massification, on nous serine avec celui de la « représentativité », Saint Graal de la « démocratie ». La diversité qu’il s’agirait de représenter n’est qu’un enfumage de plus. « Les étudiants » ne représentent pas un tout homogène ou une classe unifiée qu’il faudrait « conscientiser » avant de pouvoir agir. C’est une collection abstraite d’individu·e·s aux origines sociales et aux intérêts divers – sinon divergents – dont les choix d’orientation préfigurent bien souvent le camp dans lequel illes se trouveront.

Nous ne cherchons ni à convaincre, ni à conscientiser. Nous cherchons à être offensif·ves. Si nos actions « gênent » d’autres étudiant·e·s, cela nous montre de quel côté de la barricade illes se situent. Un blocage, par exemple, tout en établissant un rapport de force, permet des discussions, des rencontres. Il donne aussi l’opportunité à certain·e·s de se mobiliser plutôt que de suivre un cours qu’illes n’auraient pas séché. Nous ne prétendons représenter personne, sinon nous-même : il n’y a plus à attendre pour s’organiser, nous le faisons déjà.

Quand tout s'arrête tout commence

 


LÉGITIMITEUSE

On nous dit qu’il faut que l’assemblée générale soit « légitime » pour que soit prise une quelconque décision. Nous disons que la question de la légitimité est une question mal posée. Ce n’est pour nous ni le nombre, ni une supposée représentativité qui nous rendent légitimes à contester une loi, mais l’existence même de cette dernière.

Si les organisations réformistes tiennent absolument à ce que l’assemblée générale soit légitime, c’est dans le seul but d’être souveraines sur la mobilisation. Le cadre « démocratique » citoyenniste est ce qui leur permet, d’une part, l’exercice de leur pouvoir pastoral sur la contestation, de l’autre, la neutralisation de ce qui pourrait agir en dehors de ce même cadre – et donc potentiellement le détruire. Pour ces raisons, et par leurs pratiques autoritaires, elles empêchent l’émergence d’un espace politique de débat et de rencontres, dont pourrait naître une puissance autonome. L’assemblée en est réduite à un espace de lutte pour le pouvoir et d’in-décision, donc d’impuissance.

Le gouvernement par le principe « majoritaire » masque la domination d’une minorité – celle des bureaucrates en herbe – sur la majorité de celles et ceux qui veulent lutter par leurs propres moyens. Moyens que nous ne retrouverons que par la réappropriation de l’assemblée générale et la destitution des apprenti·e·s gouvernant·e·s. Comme dirait Booba, « leurs règles ont toutes une tombe ».

« Il y a un conflit interne à l’assemblée, qui cherche à se traiter par la parole ; et il y a un conflit avec le capital, qui requiert des actions [1] ». Il nous faut assumer les deux. Pour cela, il nous faut de sortir de l’isolement que créé l’éloignement géographique de nos campus respectifs. Nous appelons donc toutes celles et ceux qui partagent ces constats et ces désirs, à se constituer en une force autonome, et pour cela, à se coordonner entre différentes universités.

Collectif pour la création de la M.I.F.A.(Mouvance Inter-Facs Autonome)

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