Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Amour, émeute et cuisine
Amour, émeute et cuisine
  • Quelques pensées sur la civilisation, considérée dans ses aspects politiques, "philosophiques", et culinaires, entre autres. Il y sera donc question de capitalisme, d'Empire, de révolte, et d'antiterrorisme, mais aussi autant que faire se peut de cuisine.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
19 novembre 2014

Une réponse à Forez Info, en attendant sa souhaitable dissolution

Bonjour, nous avons lu l'article écrit par FI concernant le rassemblement du lundi 10 novembre à 18h place de l'hôtel de ville à Saint-Etienne, publié sur votre site internet Forez Info, et titré "Un petit rassemblement contre les logiques de profit et les guerres qui en découlent". Aussi en appelons-nous, étant donnée la teneur assez captieuse de celui-ci, à un légitime droit de réponse pour vous demander d'éditer la présente rectification* [y compris bien entendu ce qui vient d'être susdit] : Il nous semble en effet que dire d'un jeune homme qu'il "a trouvé la mort" s'avère être ici une formule assez rusée qui vise à cacher ceci que c'est bien plutôt la mort qui l'a trouvé que le contraire. Nul ne trouve jamais la mort, sinon à l'avoir cherchée ; or nous ne sachions pas que ceux qui luttent aient déjà eu l'audace imbécile de se lancer dans une telle quête. Rémi Fraisse ne s'est pas suicidé, il n'a donc pas cherché la mort, il l'a prise en pleine gueule. Qu'entend-on ensuite par "quelques dizaines de personnes" ? Une trentaine, une centaine, plus, moins, le flou ne tend-il pas à réduire l'importance d'un rassemblement qui, pour ne pas avoir été 'grandiose' n'en a pas moins été remarquable, ne serait-ce qu'au regard d'un passé récent où ce genre d'action avait rarement lieu, et plus rarement encore avec un tel nombre de participants. Que plus de cent personnes se réunissent régulièrement depuis trois semaines pour manifester devant la préfecture ou l'hôtel de ville n'est pas anodin dans une ville comme Saint-Etienne, ville dont la situation veut 'logiquement' que beaucoup n'entretiennent qu'un rapport très lointain avec des luttes telles que celle du Testet ou celle de Notre-Dame-Des-Landes. Nous passerons sur un "à cause de" qui, quoique mis entre parenthèse, cache fort peu l'absurde et odieuse hypothèse qu'il sous-tend : qu'une certaine idée-de-la-vie dont Rémi Fraisse aurait été l'un des malheureux portefaix serait plus mortelle encore qu'une grenade.

Enfin, et c'est le point le plus étrange, que vient faire dans un tel article - qui prétend en rester à une objectivité de simple constat -, une phrase telle que : "La police a parfois bon dos...", sinon laisser entendre qu'elle n'aurait aucune responsabilité dans la mort de Rémi Fraisse, en confirmant par là l'énoncé précédent qui voulait déjà que ce dernier ait bien seulement "trouvé la mort", à force donc de l'avoir tant cherchée.

Bref, il nous semble que cet article essaie de cacher sous une apparence anodine, due entre autres à sa concision, l'authentique ineptie du propos qu'il cherche d'un même trait à faire entendre en douce, et selon lequel il serait acceptable, voire presque normal, de mourir lorsqu'on manifeste une idée-de-la-vie - mais laquelle ? - pareille à celle qu'aurait portée Rémi Fraisse et ses compagnons de lutte sur la ZAD du Testet. Qu'un tel discours soit obscène, c'est l'évidence, mais plus obscène encore la façon d'essayer d'en faire passer l'essentiel clandestinement, en simulant une impartialité qui n'a pourtant jamais été là, tout en clignant de l’œil. L'indécence de cet article forezinfoiste devait être dévoilée, c'est fait. Nous en appelons maintenant à l'intelligence, au cœur et à l'esprit de chacun pour nous rejoindre dans la lutte.

Le collectif de soutien à la lutte contre les grands projets inutiles et imposés

Ce "droit" de réponse nous a été refusé par la "rédaction" de Forez Info, c'est pourquoi nous le publions ici, tel que nous le leur avions proposé. Forez Info n'avait jamais été jusqu'ici pour nous que bien peu de choses, ce n'est maintenant plus rien.

Publicité
3 juin 2014

De la haute absurdité du concept de "croissance" expliquée par un grain de riz !

  Que sert donc à l'homme de gagner le monde entier, s'il se perd ou se ruine lui même ?

Luc, Le nouveau testament, l'évangile selon Saint Luc

  On ne cesse de nous expliquer, dans les médias et les lieux d'aisances dominants de la scène politique, combien le retour de la « croissance économique » uniquement serait susceptible de nous sortir de la « crise économico-sociale » où nous sommes plongés, en occident au moins. Or la « croissance » n'est que l'une des nombreuses mystifications du capitalisme, l'un de ses fétiches usants, l'une de ses marchandises conceptuelles qui vise à garantir notre aliénation au pseudo-progrès humain plus encore qu'elle ne cherche en-soi à se faire aimer ; le crédit qu'on lui porte ne lui est plus lui-même accordé qu'à crédit.
  La « croissance » se présente à la fois virtuellement en tant qu'infini possible d'un monde infini, concrètement en tant que création exponentielle de richesses « matérielles » et d'emplois salariés(1), et religieusement en tant que ciel thaumaturgique et eschatologique des lendemains qui chantent. Elle ne nous est pas donnée à proprement parler comme fin dernière de notre existence ici-bas, mais comme l'alpha et l'oméga ontologique de l'ordre naturel des « choses » dont la fin dernière serait l'avoir. Autrement dit la « croissance » affirme ceci que l'être n'est que dans l'avoir, et c'est là sa contradiction interne la plus essentielle. L'être, en effet, ne peut guère s'envisager dans l'avoir, sinon en tant qu'être-manquant, inlassablement frustré et toujours « contraint » par là d'augmenter son avoir : « travailler plus pour gagner plus ! », en quelque sorte, et consentir au néant tous les jours davantage. Car l'avoir ne peut pas répondre de l'être, sinon comme éternel retour de son insatisfaction qui appelle la « croissance ». Pour le dire simplement, chaque nouvelle marchandise achetée n'est qu'un aveu de l'insatisfaction provoquée par la précédente, illusoirement résolue par la « croissance » ; la publicité en témoigne, qui doit toujours pour convaincre « laver plus blanc que blanc », ou promettre « la femme » à qui se payera « la voiture » : la « croissance économique » n'est donc toujours bientôt rien plus que celle de l'insatisfaction, où l'être-en-soi se manque à soi-même en se reléguant et s'atomisant aussi bien religieusement dans des marchandises.
  La « croissance » a donc tout d'une mystification, qui ne se distingue des autres religions que par l'apparence utilitaro-matérialiste qu'elle se donne, alors même qu'elle ne peut opérer et subsister autrement qu'en consacrant à l'infini la dépossession, parce que cette dépossession seule garantit le « désir d'avoir », et de telle sorte qu'il lui faut nécessairement substituer au réel-monde qualitatif des êtres une réalité quantitative-monde des « choses ».
  L'auxiliaire de l'être, aujourd'hui, est devenu l'avoir ; d'où il appert que tout ce qui a été n'est plus, et n'a plus pour objet que l'été touristique du loisir sans qualité d'avoir quantité de « choses ». Et la « volonté de croissance », en tant que « prolongement » de la mystique économico-capitaliste, est ce qui entretient ce pouvoir de « l'avoir » sur « l'être » et justifie par là même toutes les dominations ; non seulement idéologiquement, mais aussi pratiquement, dans l'emploi des moyens répressifs et coercitifs qu'offre objectivement « l'avoir-beaucoup » contre « l'avoir-peu ». En d'autres termes, la « volonté de croissance » est une « Jérusalem céleste » de la négation du vivant comme « puissance d'être », et cette inepte négation ne peut être à son tour niée que par l'heureux limon de la « communauté de l'être »(2), dont la plèbe est comme la racine.
Qu'une telle plèbe soit présentement partout est ce qui menace plus que jamais la domination, et ce d'autant mieux que les contradictions internes du capitalisme ont maintenant atteint ce point de non retour où ce dernier ne se reproduit plus que comme contradictions ; la « croissance » étant parmi les plus aiguës d'entre elles.

  Mais cette domination et l'ensemble de nos détracteurs capitalistes n'admettant qu'assez rarement de disputailler sur un plan ontologique du concept de « croissance » - comme du reste ils n'admettent de discuter ontologiquement sur rien(3) -, il nous semble bon de cesser ici de le traiter nous-mêmes sous cet angle et, pour une fois, de continuer sur un terrain de prime abord plus hostile à notre « écœurement poétique » : l'économie. Cette attaque en territoire censément ennemi nous apparaît d'autant plus fondée qu'elle ne réclamera pas le moindre effort de notre part, et qu'un simple grain de riz sur un tel terrain suffira presque tout à fait à démontrer l'absurdité de la « volonté de croissance ».

Grain de riz 01 copier


  Bref, contentons-nous à présent de considérer deux nations : F et Z. Admettons, pour plus de clarté, que chacune d'elles soit habitée par 10 personnes, et qu'en l'an 01 de notre démonstration la première possède 1 grain de riz pour toute richesse quand la seconde en possède 100.

  Si, à la fin de l'an 02, F a fait passer sa propre richesse de 1 à 2 grains de riz, alors F a connu une énorme croissance de 100% [soit 2 (richesse de l'an 02) - 1 (richesse de l'an 01) x 100 ÷ 1 (richesse de l'an 01) = 100], sans avoir pour cela aboli la misère de ses 10 habitants.
  Si, en cette même fin de l'an 02, Z a fait passer sa propre richesse de 100 à 101 grains de riz, alors Z a connu une faible croissance de 1% [soit 101 (richesse de l'an 02) - 100 (richesse de l'an 01) x 100 ÷ 100 (richesse de l'an 01) = 1], mais n'en reste pas moins incroyablement plus pourvu en nourriture pour ses habitants.

  Ce seul exemple montre déjà deux choses : 1 – le taux de croissance n'est pas recevable en tant qu'indicateur de la richesse réelle d'une nation. 2 – plus un pays s'avère misérable, plus il a de chance de se voir affublé d'une forte croissance.

Grain de riz 01 copier

Mais continuons :

  Si, à la fin de l'an 03, F est passée de 2 à 3 grains de riz, alors F a encore connu une croissance importante de 50%, puis de 33,33% si elle passe de 3 à 4 grains de riz à la fin de l'an 04, de 25% si elle arrive à 5 grains de riz à la fin de l'an 05, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'ayant 101 grains en l'an 101 elle n'ai plus qu'une croissance de 1%. De la même façon, en augmentant sa production d'un grain de riz par an jusqu'en l'an 101, la nation Z n'aura connu en cette fin d'année qu'une croissance de 0,5%, puisqu'elle sera passée de 200 à 201 grains. En sorte qu'avec une croissance deux fois moins forte, Z aura encore presque deux fois plus de richesses que F.

  Quoique l'absurdité du concept de « croissance » apparaisse d'ores et déjà là dans toute son ampleur, on pourra toutefois nous rétorquer assez justement que, malgré tout, une « croissance » plus grande indique un enrichissement plus rapide des habitants. Cependant s'il est vrai que chaque résident de F aura vu sa richesse multipliée par 10 en cent ans pendant que ceux de Z ne l'aurons vu se multiplier que par 2, il n'en reste pas moins que non seulement ces derniers restent incroyablement plus riches, mais aussi et surtout que l'écart entre les deux s'avère quasiment infranchissable, puisque nous l'avons vu, le taux de croissance diminue d'autant plus facilement que la richesse augmente. Durant la même période en effet, le « taux de croissance » de F a été divisé par 10 pendant que celui de Z ne l'a été que par 2 ; l'égalité n'a donc aucune chance d'advenir, à moins que Z n'entre en « récession » ou connaisse pour le moins un 0% de croissance pointé, ou encore que la nation F ne cesse plus d'augmenter le nombre de grains qu'elle produit année après année jusque parvenir à entrer en concurrence directe avec Z... mais c'est une autre histoire !

Grain de riz 01 copier

  Il nous faut admettre, toutefois, que pour la simplicité de notre démonstration, nous n'avons pas ci-dessus pris en compte un certain nombre de paramètres, tels que l'augmentation de la population d'un pays – qui peut considérablement réduire le « taux de croissance » dès lors qu'il est calculé par habitant -, la limitation des ressources mondiales – dont découle une impitoyable concurrence internationale dès lors que chacun veut garantir sa « croissance » -, et la « plus-value » ou la « valeur ajoutée », entre autres – à partir desquelles on calcule l'essentiel du P.I.B.(4) (Produit Intérieur Brut) et qui ne peuvent s'obtenir autrement que par l'exploitation des « travailleurs », c'est-à-dire par le vol infiniment répété d'une plus ou moins grande part de leur salaire(5).
  C'est que, plutôt que de refaire inutilement un travail déjà si bien effectué par Karl Marx dans Le Capital, nous avons préféré faire apparaître ici combien même à demeurer dans la plus simple et brève analyse économique possible, la « croissance » laisse bientôt voir les premières contradictions qui lui sont propres, et irréductibles, absolument ; son autre contradiction essentielle restant, à nos yeux, objectivement ontologique.

Isabeau de Loère


Notes

1 – Que ces emplois soient dits écologiques ou non importe assez peu d'ailleurs au regard de l'écologisme canaille qu'on nous promet, qui a tout d'une néo-industrie ayant pour principal objet de sauver l'exploitation capitaliste. En sorte que les solutions qu'un tel écologisme se propose de mettre en œuvre pour répondre à la « crise » ne peuvent que ressembler à s'y méprendre aux anciens problèmes.

2 – La « communauté de l'être » n'a rien de cette abstraite communion religieuse qui abolit les singularités ; elle est au contraire cette pleine assomption des singularités existantes qui s'accomplit dans l’écœurement amoureux. Car l'amour, parce qu'il unifie le séparé tout en le maintenant comme séparé, n'a d'autres lois que soi-même.

3 – Comment le pourraient-ils, l'être – la puissance d'être – étant sensiblement d'emblée ce qui s'oppose le plus intensément à leur « économie ».

4 – Ce P.I.B. étant le facteur à partir duquel on calcule le « taux de croissance ».

5 – Lire et relire à cet égard la troisième section du livre premier, tome I, du Capital de Karl Marx : La production de la plus-value absolue, en particulier le chapitre X : La journée de travail.

16 avril 2014

Viticulture et culte de la vitesse à l'heure du réchauffement climatique

Viticulture et culte de la vitesse à l'heure du réchauffement climatique

« Il y a une civilisation du vin, celle où les hommes cherchent à mieux se connaître pour moins se combattre. »
Gabriel Delaunay

« Dans le temps, même le futur était mieux. »
Karl Valentin

A l'heure où l'Empire s'apprête encore à réduire l'espace en le convoquant dans un immense tunnel sous vide voué à recevoir un TTGV (Train à Très Grande Vitesse)1capable d'atteindre les 2000 km/h, le « temps long » de la culture du vin, la précieuse lenteur attentionnée nécessaire à sa confection, sont peut-être là pour nous rappeler combien la réalité moderne, à force d'accélération, ne cesse d'entrer toujours plus en dichotomie avec le réel. Qu'une telle dichotomie ait dès à présent atteint son point de non retour, c'est l'évidence : la réalité actuelle et le réel en sont d'ores et déjà à un tel degré de disjonction qu'ils ne peuvent plus guère espérer de renouer harmonieusement sans passer par un conflit « fratricide » où l'un des deux belligérants devra abdiquer pour longtemps. Il suffit, pour saisir ne serait-ce que sommairement cette nouvelle inconciliabilité réalité/réel, de comparer les deux cartes qui suivent, la première représentant une « topographie » des vignobles, la seconde une « topographie » des néo-distances en France :

Carte vins de France 01 copier

Nouvelle Carte de France de la SNCF

Jean Cocteau disait que « le temps des hommes est de l'éternité pliée » ; nous voyons maintenant combien celui de la modernité est avant tout de l'espace replié sur lui-même, de l'espace en voie de disparition, du réel se néantisant tel une lumière irrésistiblement attirée vers un centre vide – l'Empire -, vers le trou noir insensé d'un « progressisme » dont on ne cesse de nous dire qu'il est la seule « alternative possible ». Or c'est cette même « alternative », dont l'accélération constante des flux constitue l'un des principaux traits, qui, outre qu'elle a provoqué les « accidents » de Tchernobyl et Fukushima, le réchauffement climatique et tant d'autres catastrophes, achève aujourd'hui d'en finir avec le voyage en le remplaçant par le tourisme, avec l'agriculture en la remplaçant par des ogm, avec l'objet en le remplaçant par la marchandise, avec l'usage en le remplaçant par l'échange, avec l'air en le remplaçant par l'ozone, et avec l'amour en le remplaçant par une pornologie Meetic, pour ne donner là que quelques exemples significatifs. Il y a donc un impensé du « progrès » comme effacement progressif du réel, que la seule carte des vignobles de France ne suffit évidemment pas à surmonter, tant il est vrai que le réel ne se laisse pas réduire à une planisphère, fut-elle dessinée par Atlas. Aussi sûrement que la carte du tendre ne dessine la relation des amants qu'en en diminuant la réelle beauté, notre carte des vins n'est qu'une représentation tronquée du réel géographique français, et n'a d'intérêt ici que d'être comparer à l'aberrante représentation du pays effectuée par la SNCF ; aberrante représentation qui a toutefois le mérite évident d'en dire assez long sur ce que l'impérialisme moderne veut réaliser : mobilisation générale, abolition des écarts, des distances, des différences, effacement de l'Histoire au profit d'un néo-naturel rendu indiscutable. « Le temps c'est de l'argent ! » nous dit-on, et il s'agit naturellement dès lors de ne pas en perdre. Or Tocqueville avait raison de dire ceci que « ce que le vulgaire appelle du temps perdu est bien souvent du temps gagné », en quoi conséquemment nous comprenons sans mal à quel point l'accélération sans arrêt plus vive qu'on nous impose, elle, ne peut guère se concrétiser autrement que comme temps perdu, littéralement, et de telle façon que Marcel Proust aurait probablement grand mal aujourd'hui à en retrouver la saveur, sinon peut-être encore au cœur de quelques bons piots, dont le beau bouquet doit réellement toujours beaucoup au réel du temps que le vigneron et la terre ont su y imprimer.
L'accélération ne pollue pas, elle épure l'espace en lui retirant d'un trait la distance. Et cette distance anéantie, elle la relègue sans frein dans une obscène mobilité, que d'ailleurs des vignes pourtant séculaires doivent elles-mêmes subir à présent à cause du « réchauffement climatique », entre autres. Les villes elles-mêmes, autrefois vouées à nous maintenir dans une certaine sédentarité, exigent maintenant de nous que nous y soyons « nomades », fluctuants, c'est-à-dire inlassablement mobilisés pour aller d'un point A vers un point B2 plus ou moins prédéterminé à l'avance par les dispositifs mis au point depuis quelques décennies par les urbanistes. Aussi devient-il de plus en plus difficile, en dehors de nos appartements3, de s'y manifester dans une position stable, sauf à ne pas redouter les contrôles policiers ; le contemporain doit courir d'un néant à l'autre, en néantisant tout ce qui eût pu encore entre les deux avoir le bon ton d'arrêter cette « folie ».
Il y a, derrière la logique apparemment historique de cette accélération, une véritable idéologie du temps, un dogme, une croyance, un catéchisme de la temporalité, dont la « durée » est au premier abord assez paradoxalement le concept paradigmatique. À y regarder de plus près toutefois, que le temps ne soit plus guère envisagé autrement qu'en terme de « durée » n'a rien de paradoxal dans le cadre du culte de la vitesse : c'est bien plutôt justement parce qu'il est envisagé en tant que « durée », « durabilité », que le temps peut être considéré comme accélérable. La « durée » ?, mais voilà bien ce qui permet de disposer le temps à être réduit, et d'abord à être réduit à une « durée », fort notoirement linéaire. La « durée » est donc au temps le mensonge de sa mesurabilité, tyranniquement réalisé par des horloges.
Comment mesurer en effet ce qui réellement ignore si superbement la « durée », ce qui est défini par cela même qu'il est sans « durée » : l'instant, cet indivisible « atome » du temps. Que par ailleurs ce temps soit le résultat d'un cumul ou d'une succession d'instants ne change décidément rien à l'affaire : ce qui est sans « durée » ne peut jamais en se succédant ou se cumulant générer de la « durée ». C'est donc en tant qu'il est frappé d'instants que le temps réel est irréductible à la « durée », et que les « êtres des choses » y trouvent l'espace de leurs persistances existentielles propres, conscientes ou non. Le temps réel est un instantané des corruptions du passé que j'éprouve présentement, et c'est seulement par là que ma puissance advient, comme advient le séveux d'un vin, par quoi nous entendons que le temps réel n'est rien plus que de l'histoire en présence, non limitée par de la « durée ». Le passé ne revient pas, il est ; absolue présence qui ne prédétermine en rien quelque avenir, puisqu'il est patent que l'avenir, lui, ne fait jamais office de présence, pas même dans l'imaginaire. Imaginer la saveur d'un vin en goûtant le raisin qui en constituera l'essence, c'est toujours déjà rendre cette saveur présente à soi, en lui retirant aussitôt par là même toute postériorité. Peut-être est-ce d'ailleurs ce « retrait » que nous avons coutume de nommer « postérité », ceci dit pour engager la pensée dans une bugne, puisqu'il est patent qu'au moment où j'écris ces mots on me propose d'en goûter une, dont le doux présent maintenant de sa présence à mon palais ne pourra plus manquer de connaître quelque immortalité, et d'abord je l'espère en tant que présent absolu de la beauté d'un don de Marie-F. B.

Comme l'a montré Bergson4, le présent – le temps réel - n'est pas mesurable, et d'abord en ceci qu'il n'est pas réductible à l'espace. Toute mesure n'acquiert en effet sa possibilité factuelle qu'à s'inscrire dans un espace donné, considéré comme « homogène » et continu. Or le « temps pur » - qu'il s'agirait d'envisager comme une corruption d'instants5  – ignore toute surface d'inscription, et une horloge n'a jamais été à la mesure du temps que l'imposture d'une convention spatialisée ; dont le caractère « pratique » ne doit pas cacher qu'elle est sans rapport avec le temps : après tout, que se passe-t-il entre tic et tac ?
Cependant pourquoi dès lors Bergson continue-t-il d'appeler « durée » ce qui à l'évidence et selon sa propre « intuition » apparaît comme essentiellement non-mesurable ? La « durée » n'est-elle pas précisément la mesure du temps ?

Mais c'est que par « durée », justement, Bergson n'entend pas la mesure, mais la conscience du temps, ou, pour le dire vite, la conscience d'une continuité – d'une persistance – non spatiale, que nous qualifions de temps. Le présent, en tant que persistance, est le précipité « chimique » « alchimique » et conscient des instants, aussi sûrement que la qualité d'un vin est un précipité « chimique » de terres et de minéraux, de soleil d'eaux et de fruits, entre autres, et de lenteurs et de temps. L'erreur de Bergson, pourtant, c'est d'avoir limité le non-mesurable à la conscience, alors même qu'il procède aussi bien d'un réel absolument « physique », dont les instants sont comme les quantum « eschatologiques », en ce sens qu'en tant qu'essences premières du temps ils en constituent à la fois la substance dernière ; et l'éternité n'est probablement rien d'autre au fond que cette coïncidence essentielle. Si le temps, donc, nous est donné, ce n'est pas seulement intérieurement, comme conscience pure, « durée », mais aussi comme réelité objective - non seulement une intériorité psychique, un moi, mais une extériorité sensible à laquelle nous sommes convoqués par corruption, et que nous écœurons à l'avenant.

En cantonnant le temps réel à quelque état de la conscience, Bergson parvient mal a le sortir du mensonge de sa mesurabilité, parce qu'il se voit contraint par là de rester sourd à sa « qualité » d'instants ; et c'est pourquoi finalement il ne peut s'empêcher de l'envisager « durable ». Dès lors qu'elle s'imagine pure, en effet, la conscience n'entretient de rapport avec la « nature » que quantitativement, parce qu'il lui faut nécessairement mesurer6 la puissance des qualités qu'elle ne comprend pas, pour se rassurer. Une conscience privée de qualités est une conscience sourde, et comme telle elle en vient toujours bientôt à réinscrire le temps dans l'espace, aussi assurément qu'un sourd-muet isolé s'y voit obligé par son langage des signes.

Langage du sourd

La création gestuelle des individus sourds isolés7

 Plutôt que de « durée », il faudrait à l'extrême limite parler de « mémoire », à condition de l'entendre au présent, autrement dit comme puissance qualitative im-médiate et toujours déjà là de l'endo-exosmose des instants dont l'être est le vin des âmes. Une telle puissance n'engage aucune vitesse ou accélération, très précisément parce qu'elle est toujours déjà là, « pure » présence de la corruption éternelle : vie ; vie qu'une célérité trop grande ne peut que réduire, nier, voire anéantir, de même que le pseudo-temps-réel de la technologie abolit la « mémoire » en la virtualisant.

 Ainsi en effet qu'il y a un lien étroit entre l'engrenage industriel et le temps faux de l'horloge, il y a un lien étroit entre l'accélération des flux marchands et le temps faux de la technologie ; le premier soumet l'Homme à la « durée » et le second à la « vitesse »8, autrement dit d'abord à l'enfer du temps de travail9 et ensuite à celui d'une réalité toujours plus virtuelle. Or l'absence de réelité consubstantielle à cette vitesse/durée doit nécessairement devenir une fin en soi pour « exister », pureté, et, comme fin en soi, comme pureté, elle doit nécessairement aussi s'augmenter sans fin, comme accélération/durable, pour ne pas succomber à d'éventuels corruptions du réel et de la limite10.

 Le vrai, c'est la pensée elle-même, et parce qu'il n'est pas impensable, le faux ne peut jamais connaître de repos, sinon à s'évanouir bientôt, aussi sûrement qu'un vin perd parfois le mensonge de son étiquette au moment que je le goûte avec attention. C'est pourquoi le mouvement « révolutionnaire » ne doute plus de son devenir victorieux.

LéoloLéolo AEC copier01

Notes :

1 – cf à cet égard les recherches en Chine, aux USA (hyperloop) et en Europe.
2 – Par exemple de son lieu de travail à son logement.
3 – Encore faut-il préciser qu'actuellement rares deviennent les appartements qui n'ont pas à subir la célérité des flux, ne serait-ce que télévisuels ou informatiques. Là où il y a peu encore l'isolement des murs de ma demeure m'offrait la liberté de m'en tenir à une salutaire démobilisation, la cybernétique ne manque d'ores et déjà maintenant presque plus jamais de me contraindre à recomposer avec la vitesse des flux électroniques.
4 – Essai sur les données immédiates de la conscience.
5 – C'est-à-dire une « rencontre » au sein de laquelle aucun des éléments n'est susceptible d'en contenir un autre, et où chacun d'entre-eux se voit modifié qualitativement. Nous pourrions dire, pour aller un peu plus loin que Bergson dans son essai, que les instants agissent les uns sur les autres par endo-exosmose constante. Autrement dit, la constante – au sens mathématique du terme en quelque sorte – du temps, c'est l'endo-exosmose des instants.
6 – Au sens « d'évaluer, déterminer une taille », et de « restreindre, limiter ».
7 - Voir à ce sujet le site internet AILE (Acquisition et Interaction en Langue Étrangère), à cette adresse : http://aile.revues.org/537.
8 – Vitesse qui avait d'ailleurs besoin d'être précédée par l'abstraction de la durée pour apparaître, comme nous l'avons vu plus haut.
9 - ...ou des loisirs.
10 – C'est pourquoi il n'est pas jusqu'au langage qui ne se voit détruit par l'Empire en vu de son adaptation à la mobilité et à l'accélération.

 

26 février 2014

Lettre ouverte du mouvement armé au préfet de Loire Atlantique, M. Christian de Lavernée.

Lettre ouverte du mouvement armé au préfet de Loire Atlantique, M. Christian de Lavernée. Sur la ZAD, le lundi 24 février 2014.

Cher Christian,

Vous avez déclaré hier, « L’opposition institutionnelle à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes doit cesser d’être la vitrine légale d’un mouvement armé ». Il nous serait facile de vous reprocher, M. Le Préfet, de vouloir à votre tour briser des vitrines. Mais après la manifestation de samedi, autant l’avouer tout net et cesser enfin de nous cacher : nous sommes bel et bien un mouvement armé.
Nous sommes un mouvement armé de bon sens remuant et d’idées explosives, de palettes et de vis, de pierres parfois - même s’il y a ici plus de boue et de prairies, de carottes et de poireaux, d’humour et de tracteurs, d’objets hétéroclites prêts à former spontanément des barricades et d’un peu d’essence au cas où, d’aiguilles à coudre et de pieds de biche, de courage et de tendresse, de vélos et caravanes, de fermes et cabanes, de masques à gaz ou pas, de pansements pour nos blessés, de cantines collectives et chansons endiablées, de livres, tracts et journaux, d’éoliennes et de radios pirates, de radeaux et rateaux, de binettes, marteaux, pelles et pioches, de liens indestructibles et d’amitiés féroces, de ruses et de boucliers, d’arcs et de flêches pour faire plaisir à Monsieur Auxiette, de salamandres et tritons géants, de bottes et impers, de bombes de peinture et de lances à purin, de baudriers et de cordes, de grappins et de gratins, et d’un nombre toujours plus important de personnes qui ne vous laisseront pas détruire la zad. Vous ne nous ferez pas rendre ces armes.
Et vous, M. Le préfet, quand cesserez vous d’être la vitrine légale d’un mouvement armé ?

Mouvmt armé légumier ZAD

Sincèrement,

Les Black Ploucs

23 janvier 2014

In-corporation techno-tic

Formation et emploi
La somme des con-formés est égale à la masse des con-sommateurs. Cette masse est l'instrument de l'inertie du système.

1 - L'incapacité à dévisser un siphon s'apprend ; l'être ainsi apprêté est un consommateur. Au nom de l'égalité de tous face au savoir, on crée le socle commun dont la diffusion entraîne mécaniquement le recul de l'apprentissage par chacun de ce que les autres ne savent pas. Le socle commun diminue la somme totale des savoirs au sein de l'humanité.(1)
La « pollution » de chacun par des savoirs jugés universellement nécessaires entraîne une uniformisation générale, autrement dit l'épuration du tout.(2) L'universalisation des savoirs s'accompagne d'un morcellement des savoir-faire, lequel a pour fin que chacun soit toujours obligé d'en passer par la sphère marchande pour satisfaire le moindre de ses désirs ou besoins.(3)

2 - À l'école, le remplacement des travaux manuels par le cours de technologie montre assez déjà combien la société de consommation a besoin que les seuls savoirs pratiques enseignés aux futurs consommateurs soient ceux dont la mise en œuvre suppose des outils qu'ils ne posséderont jamais.(4)
Les enfants toucheront à toutes les technologies, sans jamais revenir sur aucune, si bien qu'ils oublieront immédiatement ce qu'ils ont fait.(5)
L'initiation à tout est de mise. Parce qu'il s'agit d'éveiller en lui de faux « désirs » tout en rabaissant l'estime qu'autrement il eût pu avoir de lui-même,(6) on souhaite que le consommateur sache ce qu'on sait faire, tout en lui interdisant de savoir le faire lui-même.
Un travailleur sans estime de soi se révèle toujours plus facilement exploitable à merci.
Le sans-emploi (l'inutile) se fait chercheur d'emploi (mendiant).
Dans le monde réellement renversé, il y a des bénéficiaires de l'Obligation d'Emploi,(7) cette sous-catégorie des obligés de bénéficier d'un emploi.(8)
Au cours d'une lutte massive et égoïste sur le marché du travail, l'inutile ne peut qu'apprendre à estimer qui serait généreusement susceptible de lui offrir un emploi (l'exploiteur), aussi sûrement qu'il apprend à combattre une bonne part de ses camarades inutiles (prolétaires).(9)
Les utiles (em-ployés), eux, haïssent les inutiles parce qu'ils sont assistés,(10) et haïssent les accédant à l'utilité, en tant que futurs occupants probables d'un poste équivalent au leur, mais dans des conditions inférieures qui menacent leur propre emploi ou au moins le peu de qualité de vie qu'un tel emploi leur offrait encore.
Ces mêmes utilisés n'oublient qu'assez rarement de faire à la fois le procès d'un supposé laxisme exercé envers ceux qui ne détiennent que leur puissance d'agir et osent en user, et l'apologie de la flexibilité de celui qui vend cette puissance.

Le sensible et l'in-formation
L'accélération des uns rend de plus en plus criante la relative lenteur des autres, et bientôt la plupart des Hommes ne serviront plus que de support agricole et industriel à la domination transhumaine informatisée.

1 – Des cinq ou huit sens que possède l'être humain, on ne sait en stimuler artificiellement que deux – l'audition moins que la vue. Les progrès de la technologie pour nous donner l'illusion d'autres stimuli n'avançant pas assez rapidement, on s'applique à en effacer l'existence au sein du réel ; par le lissage on nous retire le toucher, par l'irrigation et le sucre on nous prive du goût, par l'hygiène des odeurs, par la climatisation de la chaleur et du froid, par l'anesthésie de la douleur et de toute activité supposant un certain sens de l'équilibre ou une proprioception tant soit peu développée.

2 – Il est devenu inadmissible, à la campagne, de n'avoir ni autoroute ni haut-débit.(11) Une personne valide habitant en milieu rural, (in)soumise à la fracture numérique, se retrouve en situation de handicap.
Or la compensation du handicap suppose, pour que la personne handicapée n'ait aucun besoin d'amis, non seulement l'augmentation de ses capacités naturelles, mais aussi le lissage du monde afin que la situation de handicap soit elle-même liquidée. L'égalité des chances suppose que la boue, la neige, les travaux de voirie, mais également la montagne et la nuit,(12) soient normalisés afin de permettre « à l'envi » la circulation permanente de tous à une égale vitesse, que l'on voudra toujours plus élevée.
L'abolition de la nuit a d'ailleurs pour objet, entre autres, de forclore en nous toutes possibilités de développer un autre sens que celui de la vue.

3 – Pour assurer un transit fluide, régulier, prévisible, insoumis aux aléas mécaniques, les outils de notre mobilité nous sont bientôt retirés : l'électronique embarqué remplace la manivelle, les dynamos de moyeu conquièrent les vélos même non électriques, le covoiturage remplace le stop, l'autopartage la voiture familiale, et le leasing se substitue au garagiste. Pour que ça « aille », il faut constamment augmenter la puissance des laxatifs administrés.
Dans un monde visuel-virtuel, peu importe que l'on se déplace ou pas : l'augmentation concomitante de la vitesse de déplacement physique et des masses de données nécessaires à une illusion de plus en plus réaliste identifie toujours plus le déplacement physique à la transmission de données, sur un plan énergétique et aussi bien pratique.
La suppression des distances concourt à l'in-formatisation des hommes – et vice versa -, et en premier lieu celle des habitants riches des villes ayant accès aux moyens de transports performants ; l'idéal vers lequel tendre étant la téléportation.(13)
S'ils nous laissaient vivre, nous pourrions laisser les transhumains (in-formés) « transhumer » comme ils veulent, mais la tendance n'est malheureusement pas à la tolérance vis-à-vis des objecteurs de mobilité.(14)

4 – Le consommateur n'est jamais en empathie avec l'autre ; il est en empathie avec la marchandise.
Si les mannequins sont maigres, ce n'est pas parce qu'on exige d'eux qu'ils soient les représentants d'un certain sex-appeal, mais bel et bien les V.R.P. d'une esthétique de cintres. Si jadis la beauté de celui-là qui portait un vêtement visait encore à mettre en valeur ce dernier aussi sûrement que la beauté du vêtement cherchait à mettre en valeur celle de son porteur, tout de nos jours consiste à effacer l'humain.
En sorte que les mannequins, en tant qu'avant-garde efflanquée de l'être-humain informatisé, doivent nécessairement en présenter toutes les « informités » ; ils ne sont plus, en dernière analyse, que des supports publicitaires, et c'est en quoi au même titre que le tablettes informatiques ils se doivent d'être ultraplats.(15)

Croissance et mobilité
Inertie de l'accélération et pas de côté.

Dans le système capitaliste, l'intérêt des dettes doit être compensé par la croissance, et la survie d'un tel système suppose dès lors une constante accélération.(16)
L'utile doit rester employé pour demeurer consommateur : l'inertie d'une telle (im)posture ne peut guère faire autrement que le pousser à courir toujours plus vite pour sou-tenir la croissance et main-tenir son emploi.(17)
La professionnalisation de la solidarité n'est pas une solution à la disparition des liens,(18) ne serait-ce qu'en ceci qu'elle remplace l'autonomie par de la croissance et de l'emploi.(19)
Plus la masse des consommés (produits) est grande, plus aussi l'inertie du système est importante, et plus il nous faut de forces, de puissances, pour changer de cap.(20)
Pour provoquer un changement de direction dans un système, il est nécessaire d'exercer une force d'attraction, ou de répulsion de l'extérieur sur ce système. Il s'agit donc autant que faire se peut de quitter la masse des conformés, la somme des consommateurs des inutiles et des employés, en commençant par faire un pas de côté.
On nomme depuis quelques temps les employés collaborateurs ; l'injonction à s'insérer ne peut plus dès lors que nous inciter à résister par la désertion : le pas de côté, aujourd'hui, c'est le maquis.

La Capuchine 03 copier

La Capuchine, janvier 2014

Publicité
19 décembre 2013

AEC et cuisine

La pune

L'immense violence dirigée à l’encontre du vivant n'est pas affaire d'opinion. Elle est effective. Que l'on croit ne pas prendre part à la guerre de notre temps est même sans importance : elle en veut à l’intensité de l’existence de chacun, et n’épargne pas les neutres.

En ceci, la cuisine n'est pas non plus une affaire d'opinion. C'est une question de qualité. La table est une barricade tout comme elle est une taverne de l’amitié. Sur son terrain se joue la bataille de l’autonomie. Celle de notre équilibre (au cas où certains doutent encore de la tendre relation qui lie notre alimentation et notre puissance de vie), de la conversation bouillonnante, de la Pune inaltérable, et du politique qui s’y élabore nécessairement – par la simple existence d’un assaisonnement de haut goût dans les assiettes.

Cuisiner, c’est parler. Manger, c’est partager, c’est aimer. L’art culinaire, comme toute autre parole authentique, nous est peu à peu retirée pour laisser place à la tiède alimentation falsifiée. Mais les écœurés que nous sommes n’ignorent pas que le tiède se vomit. La cuisine présentée ici est irréconciliable avec le camp de la mort, et provient du jardin inviolable où nous nous tenons, qui abrite les saveurs franches, l’insoumission radicale du savoir-faire et surtout de son don. Sur tout cela, je n’abdique pas.

 

Le ViandierLe Viandier

 

_______________________________________

NB : dans les recettes à suivre :

-       -  par « froid » nous entendons réfrigérateur, par « grand froid » congélateur ;

-       -  le temps de réalisation n’est pas indiqué, ne se soumettant à aucune autre Tyrannie de l’horloge que celle de la cuisson de nos aliments – ou tout aussi bien de leur épanouissement. Prenez le temps d’aimer, devenez oisifs et désœuvrés ;

-  -   -  les recettes ne mentionnent à aucun point le moment d’assaisonner : il s’agit avant tout de goûter les différents éléments au fur et à mesure de leur élaboration et d’assaisonner en conséquence, tout en anticipant la suite de la recette (exemples : lorsqu’une sauce va réduire, il est préférable de la sous-assaisonner légèrement, car elle va se concentrer en sel ; si l’on incorpore un jus de cuisson de coquillages, le salage se fera après son ajout car il apportera une dose importante de sel …).

26 novembre 2013

De quoi Badiou est-il le nom ?

Jean-Pierre Garnier AEC copier01

On trouvera peut-être réducteur sinon arbitraire pour répondre à la question ci-dessus de ne s’appuyer que sur les propos recueillis dans un entretien radiophonique d’un penseur dont l’œuvre théorique monumentale, à défaut d’être magistrale, se situe à cent coudées au-dessus de cet exercice médiatique (1). Mais ce qu’il a exprimé au cours de cette émission devrait d’autant plus suffire à résumer sa pensée politique, qu’il s’adressait à un public, l’auditorat sélect de France Culture, dont l’identité de classe constitue justement une réponse possible à la question posée.

« Soleil noir de la pensée », « philosophe le plus lu, le plus traduit, le plus commenté dans le monde ». Donnant « des conférences dans toute l’Europe, en Amérique, au Japon ou en Australie », il serait « l’un des derniers à avoir élaboré un système philosophique complet ». Bref, intrépide « défenseur de l’hypothèse communiste et pourfendeur du capitalisme », il serait tout simplement « un révolutionnaire » comme on n’en fait plus. N’en jetez plus, la cour est pleine… de courtisans. Le culte de la personnalité, unanimement répudié depuis plusieurs décennies, y compris par ceux qui s’y adonnaient avec le plus de zèle à la belle époque de la « contestation », se porte apparemment bien en France. La personne qui en est l’objet et qui ne répugne d’ailleurs pas à aider ses adulateurs à la hisser plus haut sur son piédestal, serait-elle hors du commun ? Sans doute, à la voir régulièrement sortir gagnante avec brio du petit jeu de « plus radical que moi, tu meurs », redevenu en vogue dans une partie de l’intelligentsia à nouveau en proie aux vieux démons de la « contestation » de l’ordre établi. Sauf que, parce que c’est précisément un jeu des plus répandus dans ce milieu, Alain Badiou — car on aura deviné que ce ne peut être que de lui qu’il s’agit ici — ne fait qu’ajouter son nom à la liste déjà longue des héros de la pensée critique morts au champ des honneurs officiels qui leur ont été rendus de leur vivant même, dont regorge l’histoire de la philosophie française.
Pourtant, ce serait avoir la vue un peu courte que de ne discerner dans ce personnage haut en couleurs (rouges) qu’un gourou narcissique ou un bouffon gonflé d’importance voire les deux à la fois, alors que les penseurs de haute volée partageant peu ou prou ce profil se pressent en assez grand nombre au portillon de la rue d’Ulm, pour ne rien dire d’autres hauts lieux de la pensée incarnée. À cet égard, A. Badiou ne dépare pas le lot. Ce qui le distingue néanmoins est, d’une certaine façon, ce qui le rend semblable à ses pareils, mais porté à un paroxysme qui fait de lui un représentant emblématique — on n’ose dire symptomatique — de la classe qui se reconnaît en lui tout en se méconnaissant elle-même comme telle : la petite bourgeoisie intellectuelle. Ou, du moins, une partie d’entre elle, celle qui, repartie en guerre contre l’ennemi de classe supposé, a résolument choisi de mener un combat aussi acharné que sans risques dans les amphithéâtres universitaires et les salles de séminaires.

À la différence des néo-petits bourgeois « degôche » qui ont l’habitude de s’avancer déguisés sous des oripeaux divers, dont celui du « citoyen », ectoplasme impalpable mais omniprésent revenu à la mode depuis quelque temps déjà, Badiou rappelle au détour d’un entretien qu’il appartient à la « tranche supérieure des classes moyennes ». En se gardant bien toutefois de poser la question — ce qui supposerait qu’il se la soit posée au préalable lui-même — d’un lien éventuel entre cette appartenance, la Weltanschauung qu’il professe et son succès auprès d’un public qui voit à juste titre en lui un miroir flatteur lui renvoyant l’image avantageuse qu’il se fait de lui-même. Bien sûr, une telle mise en relation ne manquerait pas de renvoyer, aux yeux de l’intéressé et de ses groupies, à un « sociologisme » qui, pour être d’inspiration bourdivine, ne lui apparaîtra pas moins éminemment primaire voire vulgaire. Et pourtant…
Unanimes par définition à considérer comme une évidence le fait que « nos démocraties » sont des sociétés de classes, les marxistes de la chaire et assimilés répugnent pourtant paradoxalement à parler de celle à laquelle ils appartiennent, en particulier de la place et du rôle dévolus à celle-ci dans ces sociétés. Classe médiane et médiatrice, la petite bourgeoisie intellectuelle est préposée par la division capitaliste du travail aux tâches de médiation destinées à assurer le relais entre dirigeants et exécutants, publics ou privés : conception, organisation, contrôle et inculcation. Une position et une fonction délicates, pour ne pas dire difficiles, à « gérer », notamment lorsque la conjoncture socio-historique conduit cette fraction dominante des classes dominées à passer au statut de fraction dominée des classes dominantes. De fait, le paradoxe évoqué plus haut n’est qu’apparent : le néo-petit bourgeois ne peut faire ce qu’il est structurellement amené à faire qu’à la condition d’ignorer, de manière volontaire ou inconsciente, ce qu’il est : un agent subalterne mais indispensable de la reproduction des rapports de production capitalistes. En d’autres termes, il ne peut « assurer », comme on dit, qu’à la condition ne pas assumer. Ce qui l’amène à vivre dans le déni et la mauvaise foi, l’« inauthenticité » aurait dit Sartre, les contradictions qui résultent de sa situation de go between assis le cerveau entre deux classes, la bourgeoisie et le prolétariat.
Dans la plupart des cas, c’est en faisant l’impasse sur son identité de classe et tout ce qu’elle implique sur les plans idéologiques et politiques, que l’intellectuel néo-petit bourgeois — si tant est que l’on puisse recourir à ce pléonasme — résout le problème qu’il se refuse à poser. Il en va en revanche autrement pour celui qui se proclame progressiste ou, à plus forte raison, révolutionnaire, confronté dès lors à l’ambiguïté et à l’ambivalence de son engagement. Il usera alors des aptitudes quasi illimitées à la rationalisation acquises grâce à un cursus scolaire enviable pour tourner autour du pot aux roses. Ainsi mettra t-il sur orbite de nouveaux « concepts » tels, par exemple, ceux de « multitude » ou de « classe créative » pour, dans un cas, que s'estompent les différences et les antagonismes de classes dans une nuit opaque mais rassurante où tous les chats, néo-petits bourgeois ou prolétaires, seront gris ou plutôt rouges, ladite multitude étant censée s’opposer de manière irréductible à un « empire » aux contours tout aussi indistincts, et, dans l’autre cas, pour regrouper bourgeois modernistes et bobos branchés dans une même catégorie de happy few urbains et cultivés dont la « création » serait la vocation, en omettant de signaler que celle-ci a partie liée avec la production de plus-value et l’exploitation.
Alain Badiou, cependant, qu’une approche sociologique du monde social insupporte, préfère renouer, tout matérialiste qu’il prétend être, avec la tradition philosophique la plus classique: l’idéalisme. Foin d’« analyse concrète de situation concrète », comme le recommandait Lénine auquel il aime de temps à autre à se référer ! Pour lui comme pour ses semblables, la petite bourgeoisie intellectuelle n’existe pas puisqu’il ne l’a jamais rencontrée dans les écrits à partir desquels il a l’habitude de gloser, ou feint de ne pas la voir quand certains auteurs, Marx en tête, pourraient aider à déceler son existence. Mais, comme dit le proverbe, chassez le naturel — encore que l’on ait affaire, avec Badiou et consorts, à un ensemble de traits socialement déterminés —, et il revient au galop.
Interrogé par un faire valoir médiatique sur l’implication des classes populaires françaises dans la lutte anticapitaliste, Badiou leur dénie sans autre forme de procès toute capacité et toute volonté d’en être partie prenante et agissante. En effet, être intégré à une société du capitalisme avancé en ferait un groupe social relativement privilégié et ne la prédisposerait donc guère à avoir des visées révolutionnaires. On retrouve ici l’argument éculé de l’« embourgeoisement » des ouvriers des pays développés, bien que le mot ne soit tout de même pas prononcé. Comme nombre d’anciens gauchistes néo-petits bourgeois qui s’étaient réclamés jadis du prolétariat pour donner une allure démocratique à leurs ambitions et leurs aspirations, Badiou ne s’est visiblement pas encore remis du rendez-vous manqué qu’ils lui avaient imprudemment et impudemment fixé.
Certes, il admet que les conditions d’existence des ouvriers et des employés sous nos cieux n’ont cessé de se dégrader au cours des dernières décennies, et plus encore les perspectives d’avenir de leur progéniture. « Les classes populaires ne sont plus en état de penser que leurs enfants vont poursuivre leur ascension sociale », note cet observateur au regard acéré qui semble découvrir la lune, comme si pareil souci n’était pas aussi, jusqu’à l’obsession, celui de la petite bourgeoisie intellectuelle qui envoie ses héritiers boire les paroles de Badiou et ses pareils dans les établissements d’enseignement de choix réservées à la future élite de la nation. Bien plus, non seulement les prolos français et des contrées voisines ne sont pas mûrs pour la révolution, avertit Badiou, mais, taraudés par la « peur de perdre ce qu’ils ont », ils sont prêts, pour beaucoup d’entre eux, quand ils ne s’abstiennent pas lors des élections, à se jeter dans les bras de Marine Le Pen, c’est-à-dire de la réaction. Le diagnostic du philosophe de la rue d’Ulm est sans appel : ils sont « réactifs » pour ne pas dire réactionnaires. Le mépris de classe typiquement néo-petit bourgeois a en tout cas de beaux jours devant lui.
Heureusement, tout n’est pas perdu dès lors que l’on tourne les regards vers la classe ouvrière des économies capitalistes « émergentes », émergente elle aussi, où l’exploitation la plus féroce aide celles-ci à émerger. Là résideraient les forces sociales qui vont balayer le vieux monde pour peu qu’une « nouvelle internationale » soit mise en chantier. Par qui ? Devinez ! À l’échelle mondiale, qui est celle à prendre désormais en considération, « notre tâche est de saisir toute occasion pour organiser les milieux populaires », proclame Badiou qui ne doute de rien et surtout pas de lui-même. Et l’on ne s’étonnera guère de le voir entonner une fois de plus le vieux refrain avant-gardiste d’une intelligentsia toujours prompte à « s’appuyer sur les masses » pour prendre le pouvoir avant de les écraser une fois parvenue aux sommets. En attendant, le prolétariat hexagonal ayant failli à la mission que Marx lui avait assignée, on pourra toujours réimporter le tiers-mondisme à domicile en misant par exemple, comme le préconise Badiou, sur les travailleurs africains immigrés, avec ou sans papiers, pour qu’ils se laissent convertir par leurs nouveaux bergers marxistes. Comme si le slogan « une seule solution, la révolution » qui avait autrefois retenti aussi dans leurs pays d’origine n’avait pas été remplacé depuis belle lurette dans leurs esprits par un autre, plus implicite mais aussi plus effectif : « Un seule solution, l’émigration ». Non pour y poursuivre en exil la lutte anticapitaliste et anti-impérialiste, mais pour survivre tant bien que mal, avec pour horizon l’accès au paradis consumériste.
Peu importe : « Nous entrons dans une période inventive et merveilleuse », s’exclame Badiou. « Je sens des signes d’une réapparition d’idées hostiles au capitalisme » prophétise-t-il, annonciateurs d’« une atmosphère idéologique et politique profondément modifiée dans les années qui viennent ». Le « système philosophique complet » qu’il serait le seul à avoir réussi à élaborer depuis Jean-Paul Sartre, si l’on en croit la rumeur, a trouvé son pendant politique : le communisme auto-sugestionnaire.
Vénéré plus que jamais par Badiou avec une persévérance coquette qui a le don de faire sortir de leurs gonds pourtant bien huilés les renégats gourmés du maoïsme, le Président Mao, à qui l’on peut imputer bien des choses sauf d’avoir manqué de réalisme, se plaisait à rappeler aux bonnes âmes rêvant de l’accouchement sans douleur d’un monde nouveau que « la révolution n’est pas un dîner de gala ». Une vérité difficilement contestable. Mais, ce que Alain Badiou laisse transparaître, avec un contentement évident, d’un agenda mondain surbooké, donne plutôt l’impression qu’elle constitue surtout pour lui un thème de discussion très prisé dans les dîners en ville.
Il lui arrive aussi quand même de déchoir en tenant des propos que l’on pourrait qualifier de comptoir, fût-ce celui de La Coupole ou du Balzar. Ainsi à propos du terrorisme, expédié à l’aide de quelques appréciations à l’emporte-pièce. Il ne serait que « l’envers du parlementarisme », une « calamité », une « niaiserie ». Sans que l’on sache exactement si Badiou se réfère aux dérives du gauchisme européen, à la résistance palestinienne ou attentats islamistes. Pour ne pas parler du terrorisme d’État qui tend à devenir une composante de l’action des « États de droit », dont Badiou ne parle d’ailleurs pas, à la différence d’un Noam Chomsky, plus « connu dans le monde entier » que Badiou, n’en déplaise à celui-ci, et plus modeste aussi, qui s’emploie à en disséquer patiemment les ressorts (2).
Et voilà qu’après avoir, comme tant d’autres, à son tour relu et surtout révisé Marx, sous couvert d’« actualiser sa pensée », Badiou s’attaque à Platon, dont « on a besoin aujourd’hui », et dont il reconnaît pour s’en vanter avoir fait un « usage personnel ». Comme si ce n’était pas la règle pour toutes les relectures autorisées ! Qu’il ait jugé bon de « réécrire » La République est somme toute dans l’ordre des choses : le philosophe-roi ne pouvait être remis au goût du jour que par le roi des philosophes. « Je l’ai rendu théâtral », précise Badiou, avouant à qui veut bien l’entendre, pour en faire un titre de gloire supplémentaire, qu’« en tant que conférencier », il se sent « acteur », et qu’il avait été tenté dans sa jeunesse de faire carrière sur les planches avant de décider de battre l’estrade en faveur de la révolution.
On évitera donc, en guise de conclusion, tout rapprochement, en dépit de leur origine de classe commune et des déterminations qui en résultent, entre ce maître à penser l’« hypothèse communiste » et les transfuges diplômés passés dans le camp de la contre-révolution. À la différence d’un BHL ou d’un Glucksmann dont le pouvoir de nuisance ne saurait être négligé, le seul reproche qu’Alain Badiou pourrait finalement encourir, pour peu que l’on se refuse à se gargariser de mots pour s’intéresser plutôt aux choses, est d’être, contrairement à ce qu’il imagine — il se dit « dangereux », mais « pas assez » — totalement inoffensif. Encore que cette innocuité pourrait être considérée comme une qualité majeure si l’on adopte le point de vue des dominants que Badiou se fait fort d’affronter. « Je ne suis pas dans la tradition communiste. J’y vais », proclame-t-il. Sans s’apercevoir, pas plus que ceux qui le suivent, qu’il ne fait — avec un talent certain, reconnaissons-le — que du surplace.

Jean-Pierre Garnier

Notes :_______________

1 -  Tête à tête, émission sur France Culture de Dominique Taddei, dimanche 11 décembre 2011.

2 -  Noam Chomsky, Autopsie des terrorismes Les attentats du 11-sepembre & l’ordre mondial, Agone, 201

15 novembre 2013

Banalités de base 1

Couverture bdb I révisé (orange) copier

Cliquez sur l'image pour obtenir le livre en PDF

"Banalités de base 1/3", de Léolo, est le premier tome du second ouvrage de la trilogie "théorique" (encore inachevée) "l'écoeurement". Composée d'une suite d'aphorismes rédigés entre 2005 et 2008, il s'agit là de la version originale de l'ouvrage, à peine retouchée en 2013.

4ième de couverture : Je n'ai pas pour autant la naïveté de croire que le passé fût toujours plus "glorieux" et vivable que ne l'est le présent. Il s'agit d'observer toutefois qu'il a rarement été plus mauvais, et souvent sur de meilleures bases, où les rapports sociaux entre les hommes trouvaient de quoi s'épanouir plus humainement que ne le permet même la meilleure des situations dans notre époque de disgrâce. Nous subissons en effet une telle déshumanisation des rapports qu'il devient même incertain que nous puissions encore d'ici quelques années parler d'humanité sans y mettre au moins quelques guillemets.

26 octobre 2013

On the university mall of banalities

Couv orange net Dans le patio anglais

click the image above to have the PDF of the book

Voici enfin la version anglaise de "Dans le patio universitaire des lieux communs" dans son intégralité et mise en page. Jordan et Le Viandier (merci à eux, la difficulté était grande) ont traduit cet ouvrage de la Cellule H1N1. Nous essaierons bientôt, à partir de cette traduction, de sous-titrer le film qui en a été tiré .

Here is finally the English version of "Dans le patio universitaire des lieux communs" ("In the university mall of banalities") in its entirety and layout. Jordan and Le Viandier (thanks to them, the difficulty was big) translated this work of the Cellule H1N1. We shall soon try to subtitle the movie, by means of this translation.

Here is allways the movie in VF

5 juillet 2013

L'empathie de la non vie, Design-on l'ennemi

L’empathie de la non-vie (1)

Design-on l’ennemi


Le design, c’est cool, c’est sympa, n’est-ce pas ? C’est Trendy diront certains pour être dans le coup. Ça rime avec le beau, l’innovation, le progrès. Parfois il y a un petit côté fascinant, magique dirons-nous. Si ça va trop loin alors c’est de la science-fiction, «mais c’est avant tout pour poser des questions» répondront les naïfs la bouche en cœur. Un concept fourre-tout : design environnemental, design commercial, design social, design numérique, design humanitaire… Bref, rien de bien méchant dans ce «quelque chose perdu entre l’art et l’industrie» que nul ne sait trop définir avec précision. Nous allons donc tenter d’expliquer, ici, ce que recouvre ce terme et ce qu’il implique réellement sur et dans nos vies.


Un projet totalitaire

L’anglicisme design, issu du vieux français desseing (1556), conjugue en son sein deux concepts : le dessin et le dessein. C’est-à-dire qu’il est une représentation mais également un projet qui nous parle de notre présent (tel un miroir) et nous permet de saisir ce qui se dessine (ou se projette) dans un futur plus ou moins proche. Le design est donc un projet ; un projet de vie, ajouterons-nous pour être plus exact. Il est considéré comme l’un des grands métiers de la conception avec ceux de l’urbaniste et de l’ingénieur (2). Tous des métiers totalitaires car totalisants : ils inventent, façonnent, gèrent, rationalisent, planifient et s’imposent à nous, sur nos vies, sans que nous leur ayons demandé quoi que ce soit. Le design n’est pas neutre mais bien notoirement politique ; et ce d’autant plus qu’il flirte constamment avec la domination et qu’il glorifie perpétuellement le système technico-logisticien.

Le design est né au XIXe siècle avec la révolution industrielle, processus historique, qui a fait basculer radicalement les sociétés d’un statut à dominante agraire et artisanal vers un statut commercial et mécanisé, statut qui va forger (renforcer et accroître) à son tour la domination capitaliste, et déposséder progressivement les sans-pouvoirs de la maigre prise qu’ils pouvaient encore avoir sur le monde et son décors. Ainsi le design prend-il son essor dans les puissances capitalistes et impérialistes de l’époque : la Grande-Bretagne et la France, avant l’Allemagne et les États-Unis. A l’origine du design, nous retrouvons la conjugaison de certains mouvements artistiques qui ont tenté de critiquer la montée de l’industrialisation. Si l’industrialisation impliquait une modification accélérée de leur environnement et des rapports sociaux, ces mouvements artistiques avaient en germe une certaine mission émancipatrice. Ils ont, d’une certaine façon, essayé de rendre, au moins partiellement, plus vivable le monde tel qu’il était en le délivrant de l’ennui d’une réalité quotidienne déjà de plus en plus envahie par la marchandise. Ainsi, face à la concentration des individus (population ouvrière) dans les villes et les usines, avec leur lot de misère et d’environnement noirâtre, l’Art & Craft tentera d’améliorer le quotidien de l’ouvrier en lui créant un espace de vie agréable et beau (la maison et l’ensemble des objets qui la meublent), mais aussi en lui proposant un retour à la nature et la réappropriation d’un certain savoir-faire (l’artisanat). Toutefois, si à sa manière ce mouvement critiquait bel et bien le nouveau système de production, il ne manquait toutefois pas de s’y associer en rapprochant les Beaux-Arts et l’industrie, par le biais des Arts appliqués. Les mouvements qui suivront – Art nouveau, Bahaus et la plupart des avant-gardes artistiques du vingtième siècle – ne cesseront dès lors de mener cette danse entre répulsion et attirance où vont s’échafauder des concepts abstraits qui, aisément récupérables et aisément récupérés par le système, n’omettront pas d’aggraver l’immondisme ambiant : telle l’idée d’Art total qui s’applique à tous les aspects de la vie, quoique la plupart de ces mouvements avant-gardistes aient d’abord voulu tout autre chose. Le design, lui, poursuivra son avancée avec les crises économiques, la société de consommation et les nouvelles technologies. Quant aux artistes, ils ne cesseront d’accroître leur connivence, voire leur entier ralliement, avec le système capitaliste industriel, ce que montre assez bien aujourd’hui le misérable spectacle que nous offre le (pseudo)-art contemporain. Deux exemples frappants et significatifs : – Le designer Brooks Stevens qui popularise, dans les années 50, la notion « d’obsolescence programmée», créée par le riche philanthrope américain Bernard London pour sortir le pays de la grande dépression des années 30. – Le Pop Art et son chantre Andy Wharol qui, de sa Factory 3, n’a fait que glorifier le système – sous couvert d’en questionner les dispositifs – en rendant artistiques les produits qui colonisaient en masse nos sociétés et nos têtes, autrement dit en fétichisant la marchandise. Standardisation, sérialité, technologie et marchandisation : le spectacle et sa société à leur apogée.


De l’Art dans la ville à la ville Art : design moi des moutons !


L’art de la guerre

«Saint-Étienne, Capitale internationale du design». Pour ce faire, elle crée la Cité du design dans l’ancienne manufacture d’armes de la ville : 33 000 m2, trois ans de travaux pour un coût de 40,7 millions d’euros avec l’aide de l’État, la région et l’argent du contribuable. Un lieu en soi assez symptomatique de la continuation et du recyclage d’un certain savoir-faire morbide. Tel le fameux «Clairon» ou FAMAS (Fusil d’assaut de la manufacture d’armes de Saint-Étienne), et ses lignes ô combien designées pour répandre leur «démocratie», ou en maintenir l’existence aux quatre coins du globe. Au même titre que la technologie, le design est une continuation de la guerre, c’est-à-dire de la politique, par d’autres moyens, pour s’exprimer comme Clausewitz. Pourquoi irait-on, sinon, jusqu’à parler de Cité du design ? Et d’ailleurs que doit-on entendre par Cité du design ? Uniquement ce lieu qui se veut la vitrine d’une pratique particulière ou l’espace générale de la ville où cette pratique a lieu ? Donc de Saint-Étienne dans son ensemble, comme ville designée.



Réenchantons donc tout ça

Une chose est sûre, ce n’est pas gagné d’avance et c’est tant mieux. A l’instar de villes comme Marseille (capitale européenne de la culture 2013 (4)) où se conjuguent résistance et une certaine image collant à la peau qui obstruent les plus mégalos désirs des élites en place. «Redresser l’image de Saint-Etienne ? Il existe des défis plus aisés. Aujourd’hui encore, la préfecture de la Loire souffre d’une mauvaise réputation. Ville froide, ville noire, ville grise et austère, qui ne vaudrait guère le détour… Quelle que soit sa véracité, ce constat accablant demeure un lourd handicap. Surtout dans un contexte de concurrence entre les territoires. Qu’on s’en félicite ou qu’on le regrette, les villes sont en compétition lorsqu’il s’agit d’attirer des chefs d’entreprise, des touristes ou de nouveaux habitants. Et, dans cette bataille, l’image joue un rôle décisif» (5) Le design est donc bien à entendre comme une marque, un logo, mais aussi un médium et un cheval de Troyes. Dans le monde réseau et à l’heure de la transnationalisation du capitalisme, on nous somme de nous vendre et de nous associer pour mieux combattre contre des métropoles voisines, d’autres états ou d’autres régions du monde. Autrement dit, il s’agit bien d’une guerre dont l’un des principaux objectifs est de coloniser nos esprits et nos territoires. Qu’on se le dise toutefois : de cette guerre, nous n’en voulons pas, pas plus que nous ne voulons de ces nouveaux habitants qu’elle charrie avec elle, ces néo petits-bourgeois à forts revenus qui nous relégueront, volontairement ou non, à des fonctions subalternes. A force d’être designée, Saint-Étienne finira par ressembler à n’importe quel quartier d’une mégalopole telle que Shangai, c’est-à-dire par ressembler à rien ou à ce qui se fait maintenant presque n’importe où sur le globe, ce qui revient au même : «modernisation» disciplinaire d’un côté, muséification touristique de l’autre, et néantisation du vivant partout. Notre territoire est donc devenu le terrain d’un incessant conflit de basse intensité que nous nous devons de défendre ; non pour ce qu’il devrait être aux yeux de nos gestionnaires mais bien pour ce qu’il est et ce que nous en faisons au quotidien. Si nous nous battons, c’est pour conserver le peu de vie réelle qui y subsiste encore face à ce dessein mortifère qui nous est destiné. Et tous ces tours de passe-passe qu’on emploie, soit disant pour nous civiliser, ne parviendront pas à nous faire oublier les antagonismes de classe et les conflits sociaux en cours. Du nouveau logo de la ville au nouveau slogan pour se vendre au-dehors – «Saint-Étienne atelier visionnaire» –, Saint-Étienne s’est fait un petit lifting promotionnel. Sur le plan local, il s’agit de redorer un passé industriel glorieux (quitte à nier une grande part d’une certaine réalité économique et sociale qui lui est consubstantielle) en changeant par tous les moyens possibles et imaginables (communication, grands travaux, emprunts toxiques, participation citoyenne, accueil de grands événements...) cette image stigmatisante (6). Saint-Étienne tente de se rattacher à la mégalopole en cours de construction dans la région Rhône-Alpes, ou au minimum de s’y faire une place. C’est que pour peser dans la concurrence mondiale, il faut du nombre et de la technologie. C’est ce à quoi travaillent nos trois blaireaux socialistes régionaux (Messieurs Vincent, Collomb pour Lyon et Destot pour Grenoble) : donner à la région Rhône-Alpes une dimension internationale ou, au moins, une envergure européenne avec d’un côté la métropole Lyon-Saint-Étienne et de l’autre le Sillon Alpin (7). Quelle place peut alors jouer notre ville dans cette méga-technopole multipolaire, si elle ne veut pas être cantonnée à celle de banlieue dortoir pour la grande voisine qui a tout de même besoin d’elle pour étoffer son poids métropolitain ? Car il est vrai que même avec quelques pôles de compétitivité, Saint-é ne pèse pas bien lourd face à ses deux voisines. Son maire, dans une formule qui ne manque pas de force pour un slogan (est-ce de lui ou du service communication de la ville ?), en dit assez long sur le projet : «nous avons un savoir-faire et nous allons le faire savoir (8) ». Ce que Monsieur Maurice Vincent nous dit c’est que Saint-Étienne et son design feront surtout officine de propagande pour ses partenaires, la com’ de l’innovation (9). Et son intégration au club des villes patrimoine de l’UNESCO – réseau qui compte aujourd’hui onze villes créatrices (10) – lui offre à cet égard une certaine légitimité institutionnelle. Cependant, tout le monde voit bien que ce ramdam ne convainc pas tant que ça les habitants de cette ville. Quelle est dès lors la véritable fonction dudit ramdam ? Ni plus, ni moins de nous façonner captieusement l’esprit afin de nous acclimater à ce que nous prépare l’Ennemi : supporter l’insupportable, faire accroire la liberté dans l’absolue déshumanisation. Dans la plus pure novlangue, à créer du discours : parler de et faire parler. «La biennale produit des effets concrets : les nombreux articles qui ont été écrits sur le sujet témoignent d’une vraie reconnaissance. Cela donne une nouvelle image à notre ville et contribue à son attractivité (11)


Bienvenue dans le nanomonde


« [L’homme a créé la machine]. La machine a envahi l’homme, l’homme s’est fait machine, fonctionne et ne vit plus. » – Mohandas Gandhi

La biennale, donc, nous parle du monde de demain. Si le design est né avec la première société industrielle, il témoigne aujourd’hui de la quatrième et dernière (12) révolution industrielle, celle de la convergence des sciences et des technologies NBIC (Nano-Bio-Info-Cogno), qui se déploie sous nos yeux. Il nous parle de catastrophes à venir qu’il suffirait de conjurer par la grâce et l’intelligence des techniciens et gestionnaires de tous poils. Mais la catastrophe, elle, est belle et bien déjà là. Et même si l’humain, lui, s’adapte à tout – y compris au pire –, mieux vaut tout de même l’aider à banaliser encore celles à venir… sait-on jamais avec cet animal. Voilà donc des années que cette biennale nous fait la propagande de ce que concoctent les labos de Recherche et développement (R&D) pour répondre aux maux qu’ils créent. Et toujours sous couvert de création et de réflexion, on s’adonne à toutes les saloperies possibles et imaginables. Parmi les expositions bien révélatrices, telle «Eden-ADN» en 2007, ou certains stands bien craignos, la palme revient toujours au pavillon «aujourd’hui, c’est demain»… En pire.

Quelques exemples en vrac vus lors de cette biennale ou lors de précédentes : Artificialisation du vivant (OGM & biotechniologies) / Manifeste des mutants (13) / Prolifération de puces RFID et géolocalisation (14) / (Inter)connexion généralisée (des ondes électromagnétiques – et des cancers – à gogo) / Virtualisation du monde (où le virtuel tend à devenir le réel et l’écran notre unique fenêtre sur le monde) / Propagande nucléaire au stand EDF / De la nanotechnologie à toutes les sauces / Appareils intelligents (15) / Monde sans paysans (création de tours agricoles à production hors sol ; viande à faire pousser chez soi in vitro (16), capsules nutritives, … (17) – bon empathie !) / Comment vivre demain dans une boîte à chaussures ? (où mieux que les solutions proposées par le bienfaiteur de l’humanité Ikéa, les murs bougent et les objets se plient pour répondre aux besoins de la journée) (18) / Des super jeux éducatifs : «SIMS nanotechnologies» en lien avec le CNRS et le CEA (où en plus de réaliser son petit fantasme de démiurge du monde on profite des bienfaits des technologies telle l’introduction d’une puce sous-cutanée !) / Monde de robots / Recyclage des déchets industriels pour en faire des objets de consommation courante (utilisation du Cofalit, «pierre noire» issue de la vitrification de déchets amiantés du bâtiment rendus inertes grâce à la vitrification. A quand les objets radioactifs ?), etc, etc.

Des horreurs jusqu’à la nausée qui se dissolvent dans le décor, la marchandise et la magie (noire), et que pourtant personne ou presque ne semble vouloir questionner. Pour les quelques attentionnés et les plus critiques, ces monstruosités indiquent bien que le prochain champ de bataille sur lequel planchent moult organismes et concepteurs est bel et bien l’humain. Car après les objets et la nature inévitablement viendra notre tour.

Le design est une nuisance.

Seule sa disparition saura nous réjouir.

Le reste n’est qu’affaire de Béni-oui-oui 



Collectif Manuela Rodriguez

– Juin 2013 –

 


1 - La 8ème biennale du design de Saint-Etienne (2013) avait pour titre « L’empathie ou l’expérience de l’autre ».

2 - Voir à ce sujet le texte Vaucanson, où le prototype de l’ingénieur, Olivier Serre, 2009 : < http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=198 >.

3 - La Factory (l’usine) et le nom de ses ateliers New Yorkais où il produisait ses sérigraphies en quantité industrielle.

4 - Pour une critique de cette manifestation, nous renvoyons le lecteur au pamphlet réalisé par des lillois (Lille fut capitale européenne de la culture en 2004) : La fête est finie, disponible à l’adresse suivante : < lafeteestfinie.free.fr/ >. Pour Marseille, quelques textes sont consultables sur le site Basse Intensité : < http://basseintensite.internetdown.org/ >.

5 - Saint-Etienne, l’heure de la reconquête, L’express, N°3218, mars 2013.

6 - Bienvenue chez les Ch’tiphanois, Jean-Pierre Garnier & Manuela Rodriguez, Article 11 N°10, juin-juillet 2012, disponible à l’adresse suivante : < http://juralib.noblogs.org/2012/07/29/bienvenue-chez-les-chtiphanois/ >.

7 - Le Serpent Alpin ou le saccage du territoire allobroge, Pierre Mazet, août 2007, < http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=109 >.

8 - L’express, op. cit.

9 - «La Biennale du design, véritable rendez-vous avec la modernité, fait partie des évènements qui s’inscrivent dans l’histoire de la ville. (…) et le monde entier qui vient car il voit une ville avec un nouveau visage, innovante… Ce n’était pas gagné d’avance ! Cette Biennale est la confirmation que nous avons juste lorsque nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure du Design. Beaucoup étaient dubitatifs en 1997-1998 sur la nécessité d’un tel évènement. En 2006, je n’ai pas rencontré une seule personne qui m’ait dit qu’il ne fallait pas faire cette Biennale. Dans un contexte mondialisé, nos entreprises et leurs employés ont besoin de l’ouverture exceptionnelle qu’elle nous apporte.» Michel Thollière, Aujourd’hui Saint-Etienne, février 2007.

Sous le soleil de l’innovation, rien que du nouveau !, Pièces et main d’œuvre, juin 2012, < http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=378 >. Ce texte est également disponible en livre aux éditions L’échappée, février 2013.

10 - Kobe, Buenos Aires, Pékin, Shanghai, Séoul, Montréal, Nagoya, Berlin et Shenzhen.

11 - Michel Thollière (Maire de Saint-Etienne de 1994 à 2008 et sénateur de la Loire de 2001 à 2010), Aujourd’hui Saint-Etienne, Ibid.

12 - Dernière, puisqu’elle réactualise quotidiennement le concept de révolution. En ce sens, elle est liquide puisque rien ne se fige. Cf. La tyrannie technologique, critique de la société numérique, l’Echappée, 2007.

13 - Les Mutants sont la branche française des Transhumanistes. Ceux-ci prônent l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Pour en savoir plus sur La secte derrière les nanotechnologies : < http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=24 >.

14 - Stand «relationchip», espace relationnel, Vogt + Veizenegger (Allemagne) biennale cohabitation. Texte de présentation : « (…) RELATIONCHIP est une nouvelle forme de réseau entre le visiteur de la biennale. Vous êtes conviés dans ce lieu à échanger un de vos vêtements contre celui d’un autre visiteur, étiqueté avec une puce électronique [RFID en forme de cœur !]. (…) Vous pourrez obtenir des informations sur le nouveau propriétaire de votre ancien vêtement et suivre la chaîne que vous avez commencée sur notre terminal et une page internet.

15 - «(…) intelligence, il faut l’entendre au sens anglais de renseignement – comme dans «Intelligence Service» – c’est-à-dire d’information qui circule. Tous ces objets, infrastructures ou êtres vivants, pucés, deviennent communicants. Leur minuscule prothèse électronique collecte des milliards de données au fil de leur vie (sur nos comportements, nos habitudes, nos déplacements, nos relations, nos idées) et les transmet à d’autres supports numériques – les objets communiquent entre eux – ou à des bases de données dont le rôle est de stocker et d’analyser ces informations pour en tirer des capacités d’action – de l’intelligence.» in IMB et la société de contrainte, PMO, mai 2010 : < http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=253 >.

16 - Cf. Alerte à la biologie de synthèse et aux aliens de demain, PMO, 2013 : < http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=415 >.

17 - Et quel cynisme à l’heure des récents scandales alimentaires… «Pour faire accepter la viande artificielle, [proposition] d’une mise sur le marché progressive. Dans son scénario, la viande in vitro se présentera d’abord sous forme de poudre à utiliser comme un ingrédient parmi d’autres, dans la préparation du repas. Elle sera aussi intégrée dans les plats préparés vendus par les marques. Pendant ce temps, les chercheurs analyseront les réactions du public et ils feront évaluer cette viande in vitro afin qu’elle ne suscite plus de résistance chez les consommateurs». Projet In Vitro meat powder, projet Eating in-Vitro, 2012. Constenza Guiffrida, Next Nature Lab – Industrial Design Department, Eindhoven University.

18 - Où nous nous disons que vivre dans un conteneur paraît être quelque chose de très sain et de bien normal. Quant à sa généralisation, une évolution naturelle.

Pour lire ou imprimer ce texte en version mise en page et PDF, voir ICI, et ICI pour la version A5.

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 > >>
Publicité