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Amour, émeute et cuisine
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  • Quelques pensées sur la civilisation, considérée dans ses aspects politiques, "philosophiques", et culinaires, entre autres. Il y sera donc question de capitalisme, d'Empire, de révolte, et d'antiterrorisme, mais aussi autant que faire se peut de cuisine.
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27 juin 2022

LTI, la langue du IIIe Reich

Victor Klemperer, LTI, la langue du troisième ReichLTI, la langue du IIIe Reich, de Victor Klemperer.

4e de couverture : Le philosophe allemand Victor Klemperer s'attacha dès 1933 à l'étude de la langue et des mots employés par les nazis. En puisant à une multitude de sources (discours radiodiffusés d'Adolf Hitler ou de Joseph Paul Goebbels, faire-part de naissance et de décès, journaux, livres et brochures, conversations, etc.), il a pu examiner la destruction de l'esprit et de la culture allemands par la novlangue nazie. En tenant ainsi son journal, il accomplissait aussi un acte de résistance et de survie.
En 1947, il tirera de son travail ce livre : LTI, Lingua Tertii Imperii, la langue du IIIe Reich, devenu la référence de toute réflexion sur le langage totalitaire. Sa lecture, à près de soixante-dix ans de distance, montre combien le monde contemporain a du mal à se guérir de cette langue contaminée, et qu'aucune langue n'est à l'abri de nouvelles manipulations.

Extrait n°1 : On cite toujours cette phrase de Talleyrand, selon laquelle la langue seraait là pour dissimuler les pensées du diplomate (ou de tout homme rusé et douteux en général). Mais c'est exactement le contraire qui est vrai. Ce que quelqu'un veut délibérément dissimuler, aux autres ou à soi-même, et aussi ce qu'il porte en lui inconsciemment, la langue le met au jour. Tel est sans doute aussi le sens de la sentence : Le style c'est l'homme ; les déclarartions d'un homme auront beau être mensongères, le style de son langage met son être à nu.

Extrait n°2 : Jamais traité d'imposture cléricale - au lieu d' "imposture cléricale", la LTI dit "propagande" - n'aura été écrit avec une franchise plus impudente que le Mein Kampf de Hitler.

Extrait n°3 : Là où, autrefois, on aurait dit ou écrit par exemple "passionnément", on trouvait à présent "fanatiquement". Ainsi apparut nécessairement un certain relâchement, une espèce d'avilissement du concept. Dans ladite monographie consacrée à Göring, le maréchal du Reich est célébré, entre autres, comme un "ami fanatique des animaux". (La connotation critique que comportait l'expression "artiste fanatique" est ici totalement annulée, puisque Göring est toujours dépeint comme l'homme le plus avenant et le plus sociable qui soit.)
Reste à savoir si, en perdant de sa vigueur, le mot a aussi perdu de son poison. On pourrait répondre affirmativement en alléguant que "fanatique" s'est désormais chargé sans qu'on n'y prenne garde, d'un sens nouveau, qu'il s'est mis à désigner un heureux mélange de bravoure et de dévouement passionné. Mais il n'en est rien. "Langue qui poétise et qui pense à ta place..." Poison que tu bois sans le savoir et qui fait son effet - on ne le signalera jamais assez.

Extrait n°4 : Il va de soi qu'à son acmé, la LTI doit être une langue de croyance, puisqu'elle vise au fanatisme.

Extrait n°5 : On a prétendu que l'idéal humaniste avait préservé (du côté nazi on dit "privé") les romantiques des conséquences logiques de leur affirmation de l' "élection" du peuple germanique. Mais, surchauffée jusqu'au nationalisme et jusqu'au chauvinisme, la conscience nationale fait fondre ce bouclier de protection. Le sentiment de solidarité avec l'ensemble de l'humanité est complètement perdu. La valeur humaine est tout entière contenue dans le peuple allemand - quant à ses adversaires : "Tuez-lez ! Le tribunal du monde ne vous demande point vos raisons !"
Pour les poètes des guerres d'indépendance, cet ennemi des Allemands, qu'il faut tuer, c'est le Français.

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