A nos amis, du Comite Invisible, 2014.
4ième de couverture : A ceux pour qui la fin d'une civilisation n'est pas la fin dumonde; A ceux qui voient l'insurrection comme une brèche, d'abord, dans le règne organisé de la bêtise, du mensonge et de la confusion; A ceux qui devinent, derrière l'épais brouillard de "la crise", un théâtre d'opérations, des manoeuvres, des stratégies - et donc la possibilité d'une contre-attaque; A ceux qui portent des coups; A ceux qui guettent le moment propice; A ceux qui cherchent des complices; A ceux qui désertent; A ceux qui tiennent bon; A ceux qui s'organisent; A ceux qui veulent construire une force révolutionnaire, révolutionnaire parce que sensible; Cette modeste contribution à l'intelligence de ce temps.
Extrait n°1 : Nous ne sommes pas contemporains de révoltes éparses, mais d'une unique vague mondiale de soulèvements qui communiquent entre eux imperceptiblement. D'une universelle soif de se retrouver que seule explique l'universelle séparation. D'une haine générale de la police qui dit le refus lucide de l'atomisation générale que celle-ci supervise. Partout se lit la même inquiétude, la même panique de fond, à quoi répondent les mêmes sursauts de dignité, et non d'indignation.
Extrait n°2 : L'horizon de la catastrophe est ce à partir de quoi nous sommes présentement gouvernés. Or s'il y a bien une chose vouée à rester inaccomplie, c'est la prophétie apocalyptique, qu'elle soit économique, climatique, terroriste ou nucléaire. Elle n'est énoncée que pour appeler les moyens de la conjurer, c'est-à-dire, le plus souvent, la nécessité du gouvernement. Aucune organisation, ni politique ni religieuse, ne s'est jamais avouée vaincue parce que les faits démentaient ses prophéties. Car le but de la prophétie n'est jamais d'avoir raison sur le futur, mais d'opérer sur le présent : imposer ici et maintenant l'attente, la passivité, la soumission. Non seulement il n'y a pas d'autre catastrophe à venir que celle qui est déjà là, mais il est patent que la plupart des désastres effectifs offrent une issue à notre désastre quotidien.
Extrait N°3 : Le pouvoir contemporain est de nature architecturale et impersonnelle, et non représentative et personnelle. Le pouvoir traditionnel était de nature représentative : le pape était la représentation du Christ sur terre, le roi, de Dieu, le Président, du peuple, et le Secrétaire Général du Parti, du prolétariat. Toute cette politique personnelle est morte, et c'est pourquoi les quelques tribuns qui survivent à la surface du globe amusent plus qu'ils ne gouvernent. Le personnel politique est effectivement composé de clowns de plus ou moins grand talent ; d'où la réussite foudroyante du misérable Beppe Grillo en Italie ou du sinistre Dieudonné en France. A tout prendre, eux au moins savent vous divertir. Aussi, reprocher aux politiciens de "ne pas nous représenter" ne fait qu'entretenir une nostalgie, en plus d'enfoncer une porte ouverte. Les politiciens ne sont pas là pour ça, ils sont là pour nous distraire, puisque le pouvoir est ailleurs. [...] Le pouvoir, c'est l'organisation même de ce monde, ce monde ingénié, configuré, designé. Là est le secret, et c'est qu'il n'y en a pas.