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Amour, émeute et cuisine
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  • Quelques pensées sur la civilisation, considérée dans ses aspects politiques, "philosophiques", et culinaires, entre autres. Il y sera donc question de capitalisme, d'Empire, de révolte, et d'antiterrorisme, mais aussi autant que faire se peut de cuisine.
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revolution
25 août 2021

TENIR BON ET CONTINUER !

« TENIR BON ET CONTINUER ! »


Bonjour,

Au cœur des luttes, la solidarité n’est pas seulement une nécessité pour les plus précaires. C’est aussi un moyen de donner à voir la société que nous désirons. Depuis plusieurs semaines, les moyens de nos collectifs solidaires autogérés se sont asséchés. Les listes des besoins s’allongent de jour en jour, tant sur le plan alimentaire que dans d’autres domaines. Ces dernières années, nous n’avons pas ménagé nos efforts sur tous les terrains (squats, cuisines sociales, aides aux précaires grecs et migrants, aides aux compagnons de lutte réprimés, convois de fourgons solidaires…) aux côtés de dizaines de lieux et collectifs partout en Grèce (liste à la fin de ce message).

Six mois après notre appel à soutien de décembre, nous sommes dans l’impérieuse nécessité de renouveler cet appel. Ici pour beaucoup, le mot d’ordre est devenu « Tenir bon et continuer ! »

En attendant, nous faisons avec les moyens du bord. Des renforts ont déjà pris la route de France avec du chargement et d’autres sont attendus prochainement. Grecs et réfugiés prennent pareillement part à cette belle synergie, mais le nerf de cette guerre contre la misère et le pouvoir reste l’argent. En attendant la sortie de notre quatrième film Nous n’avons pas peur des ruines (à partir de l’automne, comme toujours en creative commons et à vocation solidaire), nos moyens sont extrêmement modestes sur ce plan.

Si vous le pouvez, merci de participer à cet appel (voir ci-dessous).

Toutefois, si la situation est extrêmement difficile pour vous aussi, surtout ne vous mettez pas en danger. Partager l’info c’est déjà nous soutenir.

01 Tenir bon


Parmi les actions en cours, nous allons dans quelques jours acheminer des fruits et légumes de Crète à Athènes (et de l’huile d’olive), ainsi que du matériel et des fournitures en provenance de France. Nous allons aussi soutenir financièrement les lieux et collectifs les plus en difficultés. Pour tout ça, nous ferons bien sûr en fonction des moyens dont nous disposerons, à commencer par les achats de nourriture plus ou moins importants auprès des paysans crétois, tout comme pour les produits de première nécessité à Athènes (parmi lesquels, ceux pour les enfants en bas-âge).

Pour nous permettre de savoir au plus vite quels vont être nos moyens d’agir, participez plutôt par virement ou paypal plutôt que par chèque :

1- Pour effectuer un virement à ANEPOS
IBAN : FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730
BIC : PSSTFRPPTOU
Objet : « Action Solidarité Grèce »

2- Pour participer via PAYPAL, suivre le lien :
https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=LMQPCV4FHXUGY&source=url

3- Pour envoyer un chèque à l’ordre de ANEPOS
Adresse postale : ANEPOS – Action Solidarité Grèce – 6 allée Hernando – 13500 Martigues
Ordre : ANEPOS / Objet : « Action Solidarité Grèce »

Contact : solidarite@anepos.net

Tél. Grèce (0030) 694 593 90 80 / Tél. France 06 24 06 67 98

02 Tenir bon


Merci de votre soutien, quelle que soit la forme, ne serait-ce qu’en relayant l’info. Pour la partager où bon vous semble, vous pouvez aussi utiliser la publication de cette lettre ici :

http://blogyy.net/2021/06/21/tenir-bon-et-continuer/

Solidairement,

Maud et Yannis Youlountas
po/ collectif artistique et solidaire ANEPOS
avec les membres et soutiens des actions en cours

03 Tenir bon


PS : priorité à l’urgence solidaire dans ce message, on parlera dans le prochain des dernières nouvelles de Grèce (dont la lutte contre la journée de travail de 10 heures), puis du film en préparation (avec une belle surprise).

04 Tenir bon


PETITES ANNONCES

Si vous avez prévu de venir à Athènes en juillet et que vous avez une place pour une personne dans un véhicule, contactez-nous.

Si vous avez prévu de venir en Crète en van ou en fourgon cet été et que vous disposez d’un peu de place pour acheminer du matériel solidaire situé dans le sud-est de la France, contactez-nous.

Si vous avez des livres en anglais, ourdou, arabe ou farsi à offrir pour des bibliothèques sociales en Grèce, contactez-nous.

solidarite@anepos.net

05 Tenir bon


Liste des lieux et collectifs aidés matériellement et/ou financièrement durant l’année écoulée, malgré un contexte particulièrement difficile :
– soutien à l’initiative contre les forages pétroliers en Crète (que tentent de déployer Exxon-Mobil et la firme française Total).
– Collectif Livas dans le département de Réthymnon en Crète (soutien aux actions solidaires, notamment à la cuisine populaire fondé par ce club de sport sans hiérarchie).
– Centre social autogéré Alimoura à Ioannina (nous avons financé la réparation du local qui avait été saccagé par une attaque fasciste) ;
– Usine autogérée Bio.Me à Thessalonique (soutien et achat de savons et produits fabriqués par les ouvriers, alors que l’électricité venait de leur être coupée) ;
– Mikropolis à Thessalonique (soutien au plus grand espace social libre de Grèce qui est actuellement en train de déménager) ;
– Initiative antifasciste d’aide aux réfugiés près d’Évros (au moment où ces derniers étaient pris au piège entre les deux états grecs et turcs, et où des identitaires européens étaient venus pour tenter de pratiquer la chasse à l’homme, ainsi qu’à Lesbos) ;
– Réseau Solidaire de Crète (et soutien à la création de nouveaux lieux dans l’île, dont nous vous reparlerons)
– Initiative de Kastelli en Crète contre le nouvel aéroport (nous avons participé au financement de la procédure de Justice contre l’aéroport qui est en train de basculer à l’échelle européenne, alors que 120.000 des 200.000 oliviers ont déjà été coupés et que l’opinion est de plus en plus opposée au projet, nous avons également participé à plusieurs réunions et actions sur place, et soutenu les paysans en lutte contre ce projet)
– Centre Social autogéré Favela au Pirée (soutien financier et achat de tee-shirts pour épauler ce lieu situé dans une zone où les fascistes rôdent souvent et où l’un d’entre nous, a été agressé violemment en juin 2019 par un groupe de néo-nazis qui lui avait tendu un guet-apens avant que les passagers d’une rame de tramway ne parviennent à le sauver) ;
– K*Vox à Athènes (base d’un des groupes les plus actifs en Grèce) ;
– Aide aux frais de Justice de plusieurs compagnons de luttes , notamment pour leur éviter d’aller en prison suite à des actions pourtant exemplaires ;
– squat Notara 26 à Athènes (le plus ancien lieu d’accueil des réfugiés dans le quartier d’Exarcheia) ;
– Plusieurs cuisines sociales (soutien financier et livraison de produits alimentaires) ;
– Structure autogérée de santé d’Exarcheia (soutien financier et livraison de matériel médical) ;
– Réseau École Buissonnière-Pédagogie Freinet (soutien financier et livraison de fournitures en aide aux enfants précaires) ;
– actions solidaires à Lesbos (nombreuses initiatives, surtout, après l’incendie du sinistre camp de Moria et l’errance de nombreuses familles en difficultés).

06 Tenir bon

 

 

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6 mars 2021

Alerte : la Grèce à nouveau en ébullition !

 

01 Grèce

Bonsoir,


La Grèce à nouveau en ébullition. Un prisonnier politique en grève de la faim et de la soif est sur le point de mourir, 40 ans après la mort de Bobby Sands dans l’indifférence cruelle de Margaret Thatcher. Ce serait une première en Union Européenne et cela provoque beaucoup de débats, de tensions, d’actions, d’occupations, de manifestations… Ce soir encore, des milliers de personnes ont rompu le couvre-feu pour aller manifester, des bâtiments publics ont été occupés et des lieux de pouvoir attaqués. La tension ne cesse de monter et elle est palpable un peu partout ici.

02 Grèce

Dimitris Koufontinas est en prison depuis 20 ans pour avoir participé dans sa jeunesse aux actions du groupe communiste révolutionnaire 17 novembre au sein duquel il a assassiné pour la plupart des anciens collaborateurs grecs et américains de la dictature des Colonels. Le nom du groupe provient du jour où le régime a tiré sur les insurgés autour de l’École Polytechnique, dans le quartier d’Exarcheia à Athènes, le 17 novembre 1973, avec des tanks et de l’armement lourd. Après la chute de la dictature, la purge n’a jamais été faite et beaucoup d’anciens responsables de la junte sont restés dans les arcanes du pouvoir. Voilà l’argument qu’a donné à l’époque Dimitris Koufontinas pour, selon lui, venger les victimes du 17 novembre. Quand ce groupe a été démantelé, il y a 20 ans, Koufontinas s’est rendu de lui-même pour ne pas faire porter le chapeau à ses camarades arrêtés et assumer sa part de responsabilité. À partir de 2010, selon la Loi grecque, il avait la possibilité de bénéficier de permissions qui ne lui ont finalement été accordées qu’à partir de 2017, sous Tsipras, ce qui lui a permis de voir son fils Hector du fait de sa « bonne conduite » en prison et de sa ponctualité. Après un bras de fer de plusieurs semaines début 2019, il a également été transféré dans une prison rurale aux activités agricoles en plein air.
03 Grèce

Cette année, il aurait pu solliciter une remise en liberté conditionnelle dès l’automne. Mais depuis que la droite a gagné les élections en juillet 2019, les choses ont changé. L’une des victimes de Koufontinas était le beau-frère du nouveau premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, qui n’a pas manqué de faire voter une loi spéciale en décembre 2020 visant uniquement Koufontinas. Cette loi l’empêche désormais de revoir son fils, de poursuivre sa détention dans sa prison rurale et d’entrevoir la perspective d’une libération conditionnelle dans les prochains mois ou années. Étrangement, les prisonniers néo-nazis d’Aube Dorée n’ont pas été frappés par cette loi postérieure à leur condamnation, du fait d’une subtilité glissée dans le texte : cette loi vise les personnes poursuivies pour « terrorisme » (Koufontinas), mais pas pour « participation à une organisation criminelle » (les aube doriens). Après avoir épuisé les recours, Koufontinas s’est mis en grève de la faim puis de la soif. Depuis samedi, il refuse également l’hydratation apportée par les perfusions d’antibiotique. Il va donc mourir dans les prochaines heures, si le gouvernement continue de s'acharner.
04 Grèce

Malgré l’intervention de très nombreux collectifs, associations (dont Amnesty international), organisations (anarchistes, communistes révolutionnaires, etc.), partis politiques (dont Syriza, Diem25, KKE, Antarsya, etc.), personnalités (dont Costa Gavras), Mitsotakis et son gouvernement ne veulent rien entendre : ils se servent de leur pouvoir pour satisfaire leur vengeance et attendent l’issue mortelle du bras de fer. Interpellée par beaucoup d’entre nous, la présidente grecque s’est murée dans le silence depuis une semaine et laisse faire Mitsotakis.
05 Grèce

Comme vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’avoir une opinion ou une autre sur Koufontinas et sur ses actes d’il y a une trentaine d’années. Il s’agit simplement de ne pas laisser faire un pouvoir qui devient absolu et se permet de régler ses comptes comme s’il avait rétabli la peine de mort. Voilà pourquoi la principale association de juristes et d’avocats, ainsi que la fédération des médecins hospitaliers sont engagées dans cette lutte pour faire reculer le pouvoir, avant qu’il ne soit trop tard.
06 Grèce

Depuis quelques jours, le mouvement social est volcanique dans une atmosphère qui rappelle les années passées. Certains prédisent une explosion de violence si Dimitris Koufontinas finit par mourir de sa grève de la faim : des émeutes avec une incidence politique probable. À l’heure qu’il est, Koufontinas semble condamné. Le bras de fer est sans appel. Le pouvoir ne veut rien entendre, malgré l’immense protestation qui s’étend dans le pays. Difficile d’imaginer ce qui va se passer.
07 Grèce

Si vous voulez suivre ce qui se passe, je vous propose une info en temps réel sur mon blog, au cœur de cette lutte : http://blogyy.net (site gratuit, bien sûr)

Voici les derniers articles à ce sujet (avec infos, analyses, photos et vidéos) :

Samedi 27 février / Koufontinas : la Grèce retient son souffle
http://blogyy.net/2021/02/27/koufontinas-la-grece-retient-son-souffle/

Samedi 27 février / Lettre à Katerina Sakellaropoulou, présidente de la République Hellénique
http://blogyy.net/2021/02/27/lettre-a-katerina-sakellaropoulou-presidente-de-la-republique-hellenique/

Dimanche 28 février / Grèce : la violence du pouvoir génère la révolte et la répression
http://blogyy.net/2021/02/28/grece-la-violence-du-pouvoir-genere-la-revolte-et-la-repression/

Dimanche 28 février / « Je ne veux pas mourir, mais vu la situation, ils ne me laissent pas le choix»
http://blogyy.net/2021/02/28/je-ne-veux-pas-mourir-mais/

Lundi 1er mars / Actions et occupations se multiplient en Grèce
http://blogyy.net/2021/03/01/actions-et-occupations-se-multiplient-en-grece/

Lundi 1er mars / Des rassemblements nombreux en Grèce
http://blogyy.net/2021/03/01/des-rassemblements-sont-nombreux-en-grece/
08 Grèce

Voilà, merci de vos messages de soutien. Bon courage à vous en cette période étouffante. Puissent nos expériences un peu partout sur la planète nous aider à comprendre ce qui nous arrive et à nous libérer du pouvoir qui nous piétine.

Amicalement,

Yannis Youlountas

22 octobre 2020

La Révolution russe

Rosa Luxemburg, La Révolution russe

La Révolution russe, de Rosa Luxemburg.

4e de couverture : Alors qu'elle est emprisonnée, la théoricienne marxiste Rosa Luxemburg étudie le déroulement de la Révolution russe et en tire les leçons. Son enthousiasme et son soutien total au bolchevisme ne sont néanmoins pas exempts de critiques, notamment en ce qui concerne l'autoritarisme du régime mis en place par Lénine. Ce travail d'analyse ne sera pas achevé, et ses notes ne seront publiées qu'après sa mort. A chacun, donc, d'interpréter ce qui relève d'une pensée en mouvement de ce qui est jugement définitif... / Rosa Luxemburg, née de parents juifs polonais en 1870, prend la nationalité allemande en 1898. Incarcérée durant la Première Guerre mondiale à cause de son engagement pacifiste, elle a participé à l'insurrection spartakiste de janvier 1919 à Berlin, où elle meurt assassinée.

Extrait n°1 : Ce n'est pas l'aventure guerrière de l'impérialisme allemand, sous l'écusson idéoogique de la social-démocratie allemande, qui a provoqué la révolution en Russie. Elle n'a fait au contraire que l'interrompre pour quelques temps, à ses débuts, après la première vague des années 1911-1913, et lui créer ensuite les conditions les plus difficiles et les plus anormales.

Extrait n°2 : En réalité, ce qu'ont démontré la guerre et la Révolution russe, ce n'est pas le manque de maturité de la Russie, mais l'incapacité du prolétariat allemand à remplir sa mission historique ; et faire ressortir ce fait avec toute la netteté désirable est le premier devoir d'une étude critique de la Révolution russe.

Extrait n°3 : D'autre part, ce n'est que de cette manière qu'apparaît l'importance décisive de l'action internationale de la révolution prolétarienne - comme une condition essentielle, sans laquelle les plus grands efforts et les plus sublimes sacrifices du prolétariat dans un seul pays doivent inévitablement tomber dans un tourbillon de contradictions et d'erreurs.

Extrait n°4 : Or le mot d'ordre lancé par les bolcheviks : prise immédiate et partage des terres par les paysans, devait agir précisément dans le sens inverse. Car non seulement ce n'est pas une mesure socialiste, mais elle barre la route qui y mène, elle accumule devant la transformation socialiste de l'agriculture des difficultés insurmontables.

Extrait n°5 : Mais ce n'est pas tout : par cette mesure et la façon chaotique, purement arbitraire, dont elle fut appliquée, les différences sociales dans les campagnes n'ont pas été supprimées, mais aggravées au contraire.

21 août 2020

Les milices

Les milices

de Jean-Roger Caussimon (1975)

11 mai 2020

Si la révolution est non violente, comment renverser la violence d'Etat ?

Si la révolution est non violente, comment renverser la violence d'Etat

Si la révolution est non violente, comment renverser la violence d'Etat ?

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7 avril 2020

Que tout continue ainsi, voilà la véritable catastrophe

Que tout continue ainsi voilà la véritable catastrophe

Que tout continue ainsi, voilà la véritable catastrophe

6 avril 2020

CoronaVirtuel, une certaine immunité policière

CoronaVirtuel
une certaine immunité policière

L'accélération de la venue du désastre, par le truchement d'un virulent virus, n'a pas épargné jusqu'aux élections, qui se sont vues obligées de dévoiler concrètement leur réalité mortifère, là où devant ça en quelque sorte elle ne se montrait que symboliquement, dans le seul recueillement des urnes.*

Jamais la matraque policière ne se croit si génial qu'en présence d'un désastre ; ce début de vingt-et-unième siècle est son royaume des cieux.*

Le désastre est là, qui n'est pas le résultat d'un virus, fût-il un covid-19, mais d'un monde : l'économie impérialo-marchande, et l'étouffant décor qu'elle impose.*

Mégalopole 01net

Que le confinement d'une grande part de la population mondiale ait pu se faire avec le consentement de presque tout un chacun, c'est là sans doute ce que seul un virus pouvait accomplir ; la diligence avec laquelle il y est parvenu fait d'ores et déjà rêver toutes les polices du globe : le covid19 forme la flicaille.

Aucun complot capitaliste ou révolutionnaire n'aura donc été nécessaire pour bloquer la quasi totalité de l'activité humaine et économique mondiale ; un virus y a presque suffi. Presque, parce qu'en réalité nous pouvions voir dès avant son apparition qu'étant déjà parvenu au moment de son incapacité à surmonter ses propres contradictions, l'auto-mouvement catastrophique de la marchandise autonome nous rapprochait déjà du désastre. En sorte que le coronavirus n'a finalement guère joué d'autre rôle que celui d'accélérateur de la cadence mécanique des rapports de production et des variabilités tremblantes de la valeur d'échange qui nous conduisent à l'abîme. Rien n'eût pu mieux confirmer Marx, et Foucault[1] d'un même trait ; la fuite, elle, se voit plus que jamais condamnée à rester virtuelle : le désastre a lieu sans lieu, en quoi il est présentement partout ; le confinement sous contrôle aussi, au sein duquel chacun n'a plus de contact avec l'extérieur de sa cellule payante autrement que par des intermédiaires technologiques. Tout n'y est plus bientôt que mensonge de l'âme, puisque les corps y sont absents, et sous contrôle policier. Ici maintenant la tyrannie de l'idéalisme platonicien trouve de quoi s'exercer à une échelle inconnue jusqu'alors, et tout corps plongé dans la rue risque à chaque instant d'avoir à rompre, au mieux sous le joug des exhortations à rester chez soi cyber-signalées par un drone, au pire sous les coups matraquant de la police – le mieux ici n'étant pas l'ennemi du pire, il y a loin, et il ne faut pas s'attendre à ce que la fin de la pandémie entérine d'une quelconque manière la fin aussi de cette funeste collusion de la police avec la technologie.

A bien y regarder, la pneumopathie virale n'aura été qu'une occasion supplémentaire pour tester l'efficience à grande échelle de ce qui était déjà là : la techno-police, dont la fonction essentiellement « prophylactique » a depuis longtemps pour objet de surveiller et contrôler les corps-et-âmes, et principalement à l'évidence les corps-et-âmes de la plèbe. Que d'ailleurs nombre de dominants occidentaux se soient soudain mis à exprimer une admiration certaine pour l'organisation sociale de la Chine[2], en dit assez long sur ceci qu'à leurs yeux maintenant le « progrès » ne peut plus tenir que du monde-augmenté, c'est-à-dire cyber-policé au point qu'ici et là nul n'ait plus d'autre choix que l'auto-coercition de soi et le flicage perpétuel d'autrui. Les chinois ont d'ores et déjà en effet subi cet ultime saut qualitatif, qui les soumet dans chaque instant à l'œil de Pékin ou à celui de l'entreprise où ils travaillent, et par là même à la peur du singulier – le permis d'existence à points, en Chine, n'est plus cette analogie caricaturale du permis de conduire dont les humoristes français aiment parfois de rire sur scène, mais une réalité peu amène qui ne souffre pas d'exception[3]. Tandis que nous riions encore, le permis existentiel de « bonne conduite » pointait déjà à l'horizon : la domestication des corps-et-âmes de la plèbe se fera jusque dans ses chiottes ; la machination industrialo-marchande n'y suffit plus, et les étrons dans la cuvette, si ils étaient sans surveillance, risqueraient sans doute aussi trop souvent de rappeler à la susdite plèbe combien sont à chier tous les « gestionnaires du monde ».

« Le confinement ou la mort » a donc en un coup remplacé « la liberté ou la mort » sur l'échiquier de nos combats, et aussitôt le branle-bas des études comportementalistes a été sonné, la sociologie des comiques troupiers du « macronisme » a commencé d'exsuder ses expertises captieuses quant à la docilité heureuse des confinés - non sans que parmi ces spécialistes les plus insidieux racistes en profitassent pour exprimer en même temps leur désarroi devant le péril d'une supposée irresponsabilité des banlieusards -, la logorrhée des éditorialistes a rejailli de plus belle en célébrant de toute façon ce qu'elle célèbre en tout temps : le « génie » de l'économie marchande, mais cette fois pour en appeler à tout mettre en œuvre pour en sauver, sinon la totalité, du moins l'essentiel ; et les psychologues ont été invités à conseiller médiatiquement la plèbe, afin qu'elle ne sombrât pas dans une dépression qui pourrait la conduire à défier définitivement tout retour à la « normale ». C'est que les plébéiens ont parfois de ces drôles de sensations où l'écœurement le dispute à la soumission aveugle, et à partir de quoi ils découvrent que leur dépression n'est pas du jour, mais le résultat d'un confinement plus ancien et plus coutumier – la « normale », c'est la dépression. L'enferment obligé du moment laisse en effet sentir que la séparation n'est pas le seul fait des quatre murs de son appartement, fût-il de l'étroitesse d'un cachot, mais la conséquence directe et brutale de l'ensemble des rapports de production marchands, dont l'urbanisme et l'incessante accélération des flux sont aujourd'hui parmi les contrecoups les plus criants, encore que notre acclimatement naturel nous les rende la plupart du temps peu visibles. Quoi qu'il en soit, on[4] s'est jusqu'ici réjoui dans toutes les hautes sphères de l'impérialisme marchand de ceci que les experts en expertises des affects et des attitudes humaines aient assez tôt conclu à l'avèrement d'un indéfectible et moutonnier respect du peuple pour les injonctions, même contradictoires, qui des autorités descendent jusqu'à lui ; mais on s'est réjoui plus encore de ce qu'on allait pouvoir faire de ce monde presque entièrement sous cloche[5] un véritable laboratoire d'études béhavioristes[6].

On ne se cache plus en effet en haut lieu que les déterminismes sociaux, qui ont jusqu'à présent garanti la constance de l'ordre bourgeois, commencent de montrer leur insuffisance quant à la possibilité d'entretenir encore longtemps l'ordre susdit - le mouvement des gilets jaunes et tant d'autres en France comme ailleurs en témoignent -, et ce malgré l'indéniable puissance de ses dispositifs, et dans une moindre mesure de ses stipendiaires. Il se murmurerait même, chez les avertis autorisés à conseiller l'élite, que la société n'est plus. C'est pourquoi plus que tout autre on a multiplié et on multiplie encore les dispositifs consacrés à la surveillance et au contrôle des corps-et-âmes de l'humanité, c'est pourquoi aussi après avoir constaté l'impossibilité de sauver l'économie on a très tôt perçu la nécessité, bien réelle, de leur confinement comme une aubaine : rien n'eût pu mieux ré-assujettir d'abord les manifestants et émeutiers de toute sorte que ce presque emmurement rendu acceptable par contagion ; rien n'eût pu mieux ensuite offrir l'occasion d'expérimenter un « loft story » sur une si grande échelle, et dans des conditions au combien plus critiques la plupart du temps pour les néo-lofteurs forcés ; rien enfin n'eût pu non plus faciliter à ce point l'édition en urgence de lois sécuritaires dont la scélératesse confine à la plus pure sécheresse des autocraties les plus extrêmes. C'est que le capitalisme avait déjà devant ça un peu partout en quelque sorte réussi ce sombre exploit d'associer le pire du vieux libéralisme occidental au pire de la vieille bureaucratie "stalinienne" - l'Empire-marchand était à ce prix ; sa survie dans l'effondrement ne peut plus avoir lieu maintenant qu'au prix d'un asservissement universel augmenté, dont la cybernétique est le fer de lance, et la police un opérateur zélé. L'algorithme et la garde à vue comme dispositifs d'assignation des êtres à des catégories abstraites, socialement sur-déterminantes et sur-déterminées ; car si on sait ne plus pouvoir sauver l'intégralité du monde marchand, du moins pense-t-on en conserver l'Empire, et la bourgeoise aristocratie qui en émane et s'y complaît dans la morgue insane des fétichistes de l'avoir-néant, et la plèbe qui en émane elle-aussi, mais y souffre en esclave. La catastrophe marchande était une tannée, on voudra le désastre qui en découle effrayant pour les foules, afin des les convaincre de ceci que les institutions qui les y ont poussées sont encore celles-là mêmes qui seront les seules capables de les en protéger. La peur appelle l'autorité ; elle rend l'autocratie acceptable.

Ainsi la misère d'un ordre qui a tant travailler à faire durer la catastrophe ne devrait pas manquer à présent de tout faire aussi pour favoriser la perpétuation du désastre. Cette misère ne connaît qu'un mot d'ordre : « tout sauf le communisme ! »[7] - mais on ne se repaît pas des entrailles du désastre comme on se gave de son avant-goût catastrophique ; le désastre a toujours d'emblée le goût de la décomposition totale de l'ordre où il s'inscrit, et qui l'a fait naître. Le désastre est cette décomposition même, et l'impossibilité d'un retour à son antécédence ; il ne laisse de sortie que la mort ou son dépassement, icelui dépassement d'ailleurs peut être aussi bien révolutionnaire que dystopique – la seconde option a malheureusement pris depuis longtemps avantage sur la première ; le confinement y concourt.

Comme dépassement, la dystopie n'est bien notoirement qu'une autre forme du désastre, son approfondissement augmenté, une extinction sous contrôle : tout y est virtuel, de la marchandise devenue sans objet aux rapports sociaux, sauf la mort... en développement durable.

La révolution, c'est tout le contraire !

Léolo, le 06/04/2020

Robot policier

Notes :

1 – Au moins pour ce qui est de son plus célèbre ouvrage : « Surveiller et punir ».

2 – Les « élites » occidentales, face au désastre issu de leur propre administration, n'oublierons pas bien sûr de s'acharner ensuite à nouveau sur la Chine en l'accusant d'avoir menti tant sur les effets réels du virus que sur les résultats de sa gestion de l'épidémie. Mais c'est seulement qu'il s'agit toujours après tout comme après coup pour ces élites occidentales de se mettre à la hauteur de la puissance chinoise, en falsifiant à leur tour toute l'histoire, afin au moins en particulier de se défausser de leurs insuffisances endémiques. Et qui mieux en effet que la lointaine Chine pour servir un temps de bouc-émissaire à peu de frais, et ce d'autant plus qu'on aura trouvé en Corée du Sud et à Taïwan deux autres modèles plus présentables et tout aussi techno-policiers.

3 – Il est tout à fait remarquable, à cet égard, que plus l'industrie capitaliste a été autorisée par la bureaucratie pseudo-communiste a diversifier l'apparence vestimentaire des chinois, plus aussi elles les ont contraint à l'uniformité. L'occident connaît lui-aussi cette misère, mais encore seulement dans la variété diffuse imposée par chaque mode et chaque marque. Cela tient sans doute au fait que la bureaucratie s'y exerce plus en retrait, quoique de moins en moins et plus pour très longtemps si rien ne vient entraver le développement actuel des choses.

4 – A chaque fois que dans cet article « on » apparaît en italique, c'est pour signifier que nous parlons là de la domination en général, laquelle comprend tout ce que la misère marchande contient de contributeurs à l'anéantissement du vivant : du gouvernant étatique au grand patron d'entreprise, de l'incurable bourgeois à l'imbécile prêcheur religieux, du zélé flicard à l'expert en tout, bref de toutes celles et ceux qui consciemment ou non sont au service de tous les dispositifs impérialo-marchands.

5 – Lire à cet égard l'intéressant roman – du moins dans sa première partie - de Stephen King : « Dôme ».

6 – Le béhaviorisme est une méthode psychologique qui prétend saisir les êtres en se fondant uniquement sur leur observation objective, c'est-à-dire en se basant uniquement sur leurs comportements extérieurs.

7 – Et ce mot d'ordre est celui de toutes les idéologies politiques, il est même l'idéologie en soi, qui court de l'extrême droite à l'extrême gauche du capitalisme. Là en effet où la droite a généralement pour fonction de libérer les forces du capitalisme, la gauche a toujours seulement pour fonction, elle, d'en sauver l'essentiel au moment qu'une crise en menace la survie. Autrement dit là où la droite attise les puissances délétères du marché jusqu'à l'incendie, la gauche les relance à partir des braises.

* Banalités de base n°2, de Léolo (ouvrage en cours d'écriture).

4 avril 2020

L'autogestion en Algérie

Ahmed Mahsas, L'Autogestion en Algérie

L'autogestion en Algérie, Données politiques des ses premières étapes et de son application, de Ahmed Mahsas.*

4e de couverture : La lutte de libération sous toutes ses formes a mobilisé les masses populaires et élevé leur conscience politique. Ce potentiel précieux, résultat de sacrifices immenses, a permis de constituer dans la première étape de la libération l'ossature de l'organisation du pays. Mais la lutte pour le pouvoir et son corollaire, les crises successives, ont introduit dans les institutions des germes de contradictions qui affaiblissent la base du régime. Le succès de l'autogestion en Algérie dépendait de l'ensemble des éléments en interaction sur le plan national. Par un choix délibéré d'une approche critique des problèmes, l'auteur a tenté d'expliquer les faits négatifs rencontrés tant au niveau du secteur socialiste agricole qu'à celui des structures nationales. Le régime de Boumédiène a tenté jusqu'ici de nier les résultats positifs de l'expérience Ben Bella et de valoriser, de ce fait même, ses propres réalisations. "Si on peut, à juste titre, critiquer tel ou tel aspect de l'ancien régime et ses contradictions, on est en droit, écrit l'auteur, de démentir les allégations et les prétentions du régime actuel quant à ses réussites."

Extrait n°1 : Socialisme de mouvement, démocratie directe entre le sommet et la base, réduction des organismes intermédiaires ou de leur rôle, confiance dans une certaine spontanéité de la base, action et parfois activisme personnel, semblent les traits marquants de l'idéologie que Ben Bella imprimait au régime. Il est difficile de déterminer à quel niveau ces thèmes procédaient de la conviction doctrinale ou des nécessités de l'exercice du pouvoir.

Extrait n°2 : La spontanéité, lors même qu'elle se manifeste, n'est pas durable. Continuer de s'en inspirer comme semblait le faire le pouvoir, c'était exposer l'expérience naissante à de grandes difficultés.

Extrait n°3 : Leu conflit latent reposait officiellement sur le rôle du parti et de l'Etat, sur la prééminence à accorder à l'un ou à l'autre. Khyder revendiquait le rôle dirigeant du F.L.N. selon le programme de Tripoli. Ben Bella pensait (à l'époque) que le F.L.N. n'était qu'un rassemblement de masse à contenu idéologique limité et incapable de réaliser "les options". C'était donc à l'Etat qu'il revenait de diriger la vie du pays et de mettre en pratique ces dernières.

Extrait n°4 : Cependant l'ambition de réaliser un idéal doit être ajustée aux possibilités objectives du milieu.

*On trouvera, concernant la lutte des opprimés dans le monde, nombre de textes gratuits en ligne sur le site "Bibliothèque Jugurtha".

2 avril 2020

Notre colère ne restera pas confinée !

Notre colère ne restera pas confinée

Notre colère ne restera pas confinée

30 mars 2020

Vive Macron ! 49-3 degrés d'éréthisme

Vive Macron !
49-3 degrés d'éréthisme[1]

La nuit des morts-vivants 00 net

Qu'on soit contre ou qu'on soit çà et là encore parfois pour la présidence d'Emmanuel Macron, l'exacerbation des opinions le concernant n'en finit plus d'empêcher de penser la situation présente, en France comme ailleurs. Sa géniale faconde ou son horrible mépris – selon qu'on soit pour ou contre lui – semble laisser chacun dans une sidération telle que partisans et opposants finissent en quelque sorte par chanter d'une même voix : « VIVE MACRON ! ». Autrement dit, du « Macron démission » des gilets jaunes et autres syndicalistes aux divers baragouinages des députés et enmarcheurs quelconques, jusqu'aux « concerts de casseroles » accompagnés des hués du peuple des confinés les soirs à son adresse, tout vient seulement maintenant se heurter à l'imbécile jupitérien, cette fausse singularité du néant général. Volontairement réalisé ou non, l'exploit du grain de sable Emmanuel Macron aura donc été, jusqu'ici, de concentrer toute l'attention autour de sa personne, et de faire oublier par là même l'ensemble du désert[2].

Tandis que nous regardons Macron, le néant impérialo-marchand continue partout son office.

On l'aura toutefois compris, nous sommes du côté de celles et ceux qui s'y opposent, mais que Macron soit bel et bien une ordure nocive ne doit pas nous faire perdre de vue qu'il n'est qu'un symptôme parmi d'autres, non le capitalisme lui-même. Aussi s'agit-il, à tout le moins, de renouer avec une vision plus globale, ne serait-ce que pour nous garder d'avoir à subir demain un nouveau symptôme qui, né du même Empire-marchand, ne pourra pas manquer d'être encore plus nuisible, en particulier dans ses capacités répressives – qu'on nous vende inlassablement en France le Rassemblement National[3] comme seule alternative possible en dit assez long déjà à cet égard.

Du stalinisme au nazisme, l'Histoire en a fait plusieurs fois monstration : hors d'une abolition plénière du capitalisme, rien ne nous sera épargné.

Le coronavirus, qui a d'ores et déjà été capable à lui seul de bloquer l'ensemble, ou presque, des dispositifs de l'Empire-marchand tout entier pendant plusieurs semaines, l'a suffisamment montré : pensé localement alors même qu'il est né du monde globalisé de l'industrie marchande, le covid19 n'a pu manquer de se répandre à la hauteur du monde qui l'a fait naître, et ce d'autant plus que de l'avoir pensé localement n'a généralement provoqué aucune action locale concrète contre lui – ce qui était né dans le Wuhan devait semble-t-il par nature rester dans le Wuhan -, du moins jusqu'à ce qu'il soit trop tard ; seule son appréhension en tant qu'épiphénomène de l'activité capitaliste globale eût immédiatement permis d'agir efficacement contre lui de manière locale.
Il en va bien de même avec le « macronisme », cet épiphénomène pseudo-politique du mouvement général « autonome » de la marchandise mondiale. C'est pourquoi la tendance en France à concentrer tout le feu sur le seul Macron risque à terme de laisser chacun dupe d'une individualisation outrancière et fétichisée du désastre, qui ne peut que par trop conduire à négliger l'origine réelle de ce dernier : le susdit mouvement général « autonome » de la marchandise mondial.

Macron doit être écarté, certes, mais pour mieux dégager la cible.

Partout là où la marchandise déploie sa tyrannie sur les êtres humains, comme d'ailleurs sur l'ensemble du vivant, s'offre à nous le spectacle de ces quelques faussaires qui n'ont nul autre rôle réellement efficient que celui de nous faire accroire que subsiste encore une certaine maîtrise humaine de la gestion des « sociétés »[4] : ici Macron, là-bas Trump, ailleurs Erdogan ou encore Poutine, etc. Mais ces vieilles têtes ne sont bien notoirement que les figures mêmes du néant intégral où nous a conduit l'avoir-marchand ; elles ne s'animent plus guère que pour cligner de l’œil, en surface, sur tous les écrans totalitaires de la connivence avec le désert : elles ne sont plus dès maintenant que les fantômes funestes d'une civilisation défunte[5], dont Macron, donc, n'est qu'une image iconique parmi d'autres.

Il ne sert à rien de vouloir couper des têtes, en particulier si nous n'avons pas évincé en nous le besoin d'en élire.

Il ne peut donc pas uniquement s'agir, pour qui veut authentiquement sortir par le haut du désastre, de se débarrasser d'une image « singulière » du pouvoir, mais simultanément de tous les dispositifs qui lui ont permis d'exister : la marchandise, parce qu'elle est une falsification théologique du réel ; l'argent, parce qu'il en est l'abstraction déifiée la plus turpide[6] ; l’État, parce qu'il est une organisation mafieuse qui s'emploie à défendre le capital, la grande célérité des flux, parce qu'elle réduit la poésie géographique du voyage à une géomatique[7] du tourisme, entre autres, et finalement pour le dire vite, le capitalisme en profondeur, parce qu'il est cause originelle et continue de l'ensemble, même dans les moments où il s'effondre.

Le capital est comme Protée, toujours susceptible de réapparaître sous une forme nouvelle.

Nous n'en sommes qu'au début du désastre, la situation est nouvelle, aussi devons-nous accepter pour quelques temps de nous en tenir à une critique balbutiante et modeste. Ici maintenant l'humilité s'impose. Il n'est jamais facile de faire le juste examen d'une époque nouvelle, qui se présente nécessairement à nous par des signes contradictoires, dont le moins que nous puissions dire à cette heure est qu'ils invitent à envisager tant le meilleur que le pire pour les temps qui viennent, autrement dit la possible réalisation du communisme réel, ou l'avènement d'une organisation entièrement policière de l'existence qui viendrait parachever ce que la domination impériale a commencé de mettre en place depuis les années 1970 jusqu'à très récemment ; il ne tient qu'à nous d'aller vers le meilleur.

La lutte des classes n'est pas vaine expression, aucun confinement n'est éternel, et la rue nous attend. Nous n'avons nul autre ennemi véritable qu'une faible frange de la population mondiale, et les dispositifs sans lesquels elle n'est rien.

Demain n'a pas eu lieu, tout commence maintenant !

Léolo

Sauvons les vies, pas l'économie net



Notes

1 – État d'excitabilité accrue d'un organe.

2 – Si utile que fût l'ouvrage « Crépuscule » de Juan Branco, en se bornant à ne dévoiler qu'un moment particulier de la néantisation mondiale en mouvement dans l'espace français, il aura contribué à cet état des choses.

3 – Le RN, longtemps brandi comme une simple menace n'ayant pour objet que d'assurer la victoire du « centre-droit » (des socialo aux républicains), s'est vu devenir sous Macron ce parti considéré par les « élites bourgeoises » comme pouvant s'avérer utile encore à leur maintien, non plus en tant que seule menace, mais pourquoi pas au pouvoir afin d'assurer une répression extrême qu'ils envisagent d'ores et déjà comme indispensable. Toute la violence de la police « en marche » contre les mouvements sociaux les en aura convaincu, tant par ses réussites que, pensent-elles (ces élites), par une inefficacité due à une trop grande retenue.

4 – Alors même qu'il n'est pas jusqu'à certains sociologues qui n'en soient venus maintenant à douter qu'il existât encore une quelconque société.

5 – Le virus covid19 aura suffi à révéler non seulement la fragilité d'une telle civilisation, et par là même la futilité de presque tout ce qu'elle produit, mais aussi combien elle avait à présent passé le stade de l'agonie, de la catastrophe, où elle végétait bon an mal an depuis plus de quarante ans.

6 – Qui a une certaine laideur morale.

7 – Traitement informatique des données géographiques.

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