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Amour, émeute et cuisine
Amour, émeute et cuisine
  • Quelques pensées sur la civilisation, considérée dans ses aspects politiques, "philosophiques", et culinaires, entre autres. Il y sera donc question de capitalisme, d'Empire, de révolte, et d'antiterrorisme, mais aussi autant que faire se peut de cuisine.
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solidarite
9 juin 2009

Un spectre hante l'Europe... (par Benjamin)

"Il y a eu mille petits soulèvements, et tout cela fait une seule guerre, incessante entre nous-même et nos esclaves, une guerre silencieuse, une guerre honteuse dont personne ne parle et dont les historiens répugnent à faire le récit.Il y a déjà eu des guerres entre nations, entre cités, entre partis et même entre frères... mais cette foi c’est un monstre qui est en nous, dans nos tripes, et qui lutte contre tous les partis, toutes les nations, toutes les villes."

in Spartacus, Howard Fast (Cicero à Helena à propos du mystère de la révolte des esclaves).

    "Julien Coupat" libéré, c’est un point de focalisation de l’attention publique qui se défait… personne ne s’en plaindra à commencer par lui qui pourra peut-être ainsi espérer se défaire du costume absurde que tant de bonnes âmes se sont efforcées de lui tailler.

    Il n’a pas manqué de chroniqueurs en mal d’inspiration, de pseudo-journalistes en peine de scoops crapuleux pour boucler leurs fins de mois… Tout aura une nouvelle fois été convoqué depuis sa libération surprise. Tout. Le vieux fond poujado-frustré de certains journalistes de la presse d’opinion, tant en vogue sous le régime présent, n’aura pas manqué d’écrire parmi ses plus belles pages à notre propos. Il y a quelques semaines encore, certains reporters détritivores ont su lécher les mains des enquêteurs jusqu’à obtenir quelques « révélations exclusives » toutes droit sorties des archives secret-défense de la DCRI, doublant ensuite de leurs propres mensonges, les approximations et les amalgames grossiers des « agents des services » en goguette dans la campagne limousine. Et on aura aussi eu droit aux voix souffreteuse de certains épigones de la chronique journalistique et à leurs ratiocinations sur l’irresponsabilité de toute pensée qui n’épargne pas l’ambiance surannée de nos vieilles démocraties.

    On nous parle d’ « argent » en « contradiction avec (nos) propres idées », de « fils à papa qui n’assument rien », d’intellectuels « pas sympathiques », « pédants », ou manquant sérieusement d’ « originalité », ou bien encore qui ne « proposent rien » (en effet nous ne voulons pas offrir de programme à un quelconque suffrage…). Au delà de nous accuser de ne pas assumer « nos idées », on ose même nous reprocher, à nous, de faire trop de bruit, quand tant d’autres moins « biens nés » et moins bien entourés sont interpellés, tabassés, enfermés en silence…

    Je ne m’arrêterai pas sur chacun de ces morceaux de bravoure, ils valent à peine l’énergie que demande leur lecture.

    Ce dont il importe de parler à la suite de cette libération inopinée, ce n’est rien d’autre que ce que nous nous sommes efforcés de mettre en avant envers et contre toute focalisation exclusive sur le personnage « Julien Coupat », ou sur celui de « la bande de Tarnac ». Si toute cette foire doit avoir servi à quelque chose c’est à retourner l’opération de communication du pouvoir contre son principe même. Mais comment ?

    L’opération de sidération permanente qui est au cœur du style de gouvernement sarkosyste, sans être elle-même particulièrement novatrice sinon efficace, repose sur la stigmatisation de populations cibles qui sont désignées comme l’autre absolu du cœur virtuel de la « citoyenneté républicaine ». Ce cœur virtuel sans qu’il soit jamais désigné comme tel est sans conteste blanc, européen, chrétien, entrepreneur, respectueux des lois, de la propriété et de l’argent. Il n’est évidemment plus de bon ton de le scander tout haut, même si on semble s’en cacher de moins en moins. Cette identité se dit donc en creux, au fil des figures qui sont désignées comme son opposé, ses « ennemis intérieurs », on renouvelle bien le vocabulaire, moins les principes… il y a eu le « juif », « l’anarchiste », « le rital », « le blouson noir », « le fellaga », il y a aujourd’hui les « bandes de jeunes de cité », les « noirs et les arabes », les « clandestins », les « islamistes », les « anarcho-autonomes », les « pirates », les « étudiants ultras », les « grévistes-voyous ».

    Ces « figures » ne fonctionnent que tant qu’elles restent irrémédiablement séparées dans l’imaginaire collectif. Au delà de l’entreprise de terreur (ou d’ « intimidation » selon l’interprétation qu’on fait des textes européens) menée par le pouvoir pour maintenir en état de sidération l’ensemble de la population, ce que craignent les réseaux de pouvoir -sans lesquels Sarkozy n’est rien- c’est bien que l’hétérogénéité (réelle) des ennemis de l’état des chose présent, ne se constitue en puissance consciente de renversement. Non pas un quelconque revival du grand soir mais la constitution en des points divers de nouages qui alimentent une intelligence collective diffuse et constituent positivement les forces capables de survivre au délitement des formes politiques existantes. Les mots pour dire ces forces sont pléthore. Ou bien manquent encore cruellement. Ils sont au mieux ceux du passé, au pire ceux du pouvoir, de l’occident globalisé. Abstenons nous de vouloir épingler ces forces à notre tour.

    Ces forces que l’on sent palpables au détour de chaque tour dans les quartiers populaires, de chaque cafétéria de grande banlieue, dans les facs bloquées, les usines occupées, les foyers Sonacotra, les villages qui résistent à la touristification, les anciennes colonies, les hôpitaux psychiatriques… partout où la force des choses, la colère ou le bon sens mènent les uns et les autres à sentir ce qui les distingue radicalement de la figure du « bon citoyen » (français ou européen qu’importe)… au nom duquel on surveille, on « sécurise », on ment, on tabasse, on extorque, on vend des armes, des centrales nucléaires, on exploite, on acculture, on affame, on rend stérile, on expulse, on enferme, on tue.

    Ce que l’on veut conjurer par dessus tout c’est le spectre du soulèvement. Lent, progressif, par saccades mais soulèvement bien réel, de ce qu’on finira bien un jour par devoir re-nommer « peuple ». Pas celui dont on se réclame mais bien celui qui partout, tout le temps, échappe à la normalisation et au contrôle, surgit là où ne l’attend plus.

Benjamin

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9 mars 2009

Communiqué à l'adresse des grévistes de l'outre mer

    Aux grévistes de l'outre mer, fraternellement :

    Les populations des anciennes colonies françaises subissent depuis des années une exploitation plus odieuse encore que celle qui sévit sur nos têtes métropolitaines. Ce ne sont pas seulement les békés, ces héritiers des grandes familles colonialistes du passé, qui soumettent durement les peuples de l'outre mer aux lois scélérates du règne capitaliste, puisqu'aussi bien l'État français et les industriels qui l'accompagnent n'ont jamais cessé de traiter ces départements et territoires comme de simples protectorats, où chacun devra être à la fois corvéable(1) à merci et consommateur de produits métropolitains surtaxés. A l'évidence, si un réel partage des richesses n'existe réellement nulle-part dans le monde, l'outre mer français s'en voit privé plus encore au moins que ne l'est la métropole. Dépossédés de l'essentiel de leurs terres, ses habitants se sont vus contraints en même temps de n'y plus rien cultiver d'autres que la banane(2), ou presque. Or une telle contrainte les condamne invariablement à importer la quasi totalité des produits de première nécessité, et à les payer à vils prix, comme nous le disions devant ça. La vie chère combattue par les grévistes concerne bel et bien principalement la nourriture, et non les diverses babioles plus ou moins technologiques qui envahissent inlassablement les temples de la marchandise.

    Toutefois, le coût élevé de la survie en outre mer n'est pas l'unique difficulté soulevée par les grévistes. Quoi qu'en dise les médias de la métropole, la discrimination raciale reste un problème majeur sur ces territoires. Il est en effet patent que la « population noire » y subit une relégation sociale nettement plus importante que la « blanche » : sous-payée, dépossédée des ses terres, écartée de la presque totalité des centres de décisions, déplacée vers la métropole suivant les nécessités et exigences de celle-ci, toujours plus amputée de sa propre culture par les métastases d'une inique marchandisation de tout(3), cette population est renvoyée à sa propre négation – aussi a-t-elle joliment commencé de ne plus l'accepter.

    En dépassant l'égoïsme, en sortant des corporatismes et des catégories stupides où la domination spectaculaire-marchande les enfermait, les peuples de l'outre mer ont montré la voie. Les manipulations médiatiques, gouvernementales et policières n'y changeront plus rien. Par les efforts et les sacrifices qu'ils ont consentis, parfois pendant plus d'un mois, les françaises et français grévistes de l'outre mer nous ont rendu cette essentielle dignité dont des années de fatalisme nous avaient dépossédé. Ils nous ont démontré qu'un mouvement massif et durable pouvait encore offrir de nombreuses victoires sociales, puisque la plupart de leurs exigences ont fini par trouver des réponses favorables – même s'il reste à ce qu'elles soient appliquées. Il s'agit là pour nous, habitants de la métropole, d'un véritable message d'espoir. Nous les en remercions ici, et c'est encore trop peu. Sans vouloir écarter la spécificité de leur situation, nous avons aussi nos Békés et exploiteurs de toutes sortes, et la grandeur de leur lutte ne peut que nous encourager à la poursuivre ici et maintenant. Nul à présent ne pourra plus ni leur faire ni nous faire accroire que nos propres destins doivent toujours nous échapper en étant déposés entre les mains de quelques régnants pseudo-représentatifs. Il y a quelques mois seulement, Sarkozy affirmait encore sans sourciller mais en clignant de l'œil que lorsqu'il y aurait des grèves en France, personne n'en remarquerait plus l'existence. Or si une telle affirmation avait bel et bien pour elle de rassurer la frange la plus réactionnaire de son électorat, nous pouvons dire aujourd'hui grâce aux « ultra-marins »*, et quant à nous sans cligner de l'œil, qu'elle n'avait guère pour elle que cela : ces dernières semaines aux Antilles l'ont définitivement montré en reléguant pour longtemps aux oubliettes de l'Histoire cette cynique prétention sarkozienne, et nous en sommes ravis. Aussi souhaitons-nous manifester par ce communiqué notre inconditionnel soutien à tous ceux qui ont lutté en Guadeloupe et en Martinique, ou qui luttent encore à la Réunion, en Guyane, et ailleurs. Que l'État français ait trouvé bon d'envoyer 3500 policiers en Guadeloupe, par exemple, après avoir tenté dans un premier temps de laisser pourrir la situation(4), montre assez vers quelle violence il est prêt à s'engager lorsqu'il sent peser une menace sur l'industrie libérale dans son ensemble ; mais les guadeloupéens ont montré à leur tour, par leur détermination, qu'il était toujours encore possible de se battre pour une vie plus décente et plus digne, et d'emporter quelques victoires. En sorte que nous appelons tous les grévistes de l'outre mer à continuer la lutte, non seulement pour obtenir plus encore en ce qui concerne la survie, mais pour s'employer à créer une vie plus poétique qui reléguerait au loin le néant des seules relations marchandes. Nous réitérons ici l'affirmation de notre soutien inconditionnel, et nous nous engageons de notre côté à tout faire pour qu'en métropole aussi s'engage une vaste lutte : le mois de mai 1967 en Guadeloupe, qui s'était vu réprimé dans le sang, avait précédé celui de 1968 en métropole. Souhaitons qu'il en aille de même dans les jours prochains, sur une plus grande échelle et avec la victoire au bout.

    Le monde entier est un Béké-Land, il nous appartient d'en sortir tous ensemble, par le haut et radicalement.

Communiqué commun du collectif des étudiantes & étudiants en grève de l'université Jean Monnet à Saint-Étienne (42) et du comité stéphanois contre les lois anti-terroristes et la civilisation spectaculaire-marchande

Notes :

1 – Le fait que le taux de chômage soit très élevé dans ces territoires – près de 50% de chômeurs chez les jeunes guadeloupéens, par exemple – rend la mise en place d'une telle exploitation plus facile encore. Nous savons bien que les capitalistes n'aiment rien tant qu'être en présence d'une grande armée salariale de réserve (les chômeurs), sans laquelle ils ne seraient guère en mesure de maintenir longtemps les salaires des travailleurs au plus bas.

2 – Notons que cette mono-culture s'avère être aussi un désastre écologique, en particulier au regard du fait que la banane est un fruit qui ne supporte pas longtemps d'être exploité industriellement - en quoi d'ailleurs nous lui reconnaîtront un certain savoir-vivre. En effet, les bananes produites ainsi finissent par attraper de graves maladies, telles que la cercosporiose noire ou la maladie de panama qui exigent l'emploi d'une grande quantité de fongicides pour être évités, quand cela demeure possible.

3 – L'annihilation des cultures et des particularismes locaux est l'un des moyens qu'emploie pleinement le capitalisme pour détruire les fraternités et les solidarités qui pourraient çà et là lui résister. La « culture marchande », pour le dire simplement, provoque immanquablement une individualisation égoïste et sans phrase qui nie paradoxalement toutes les singularités et laisse chacun à l'isolement, sans identité, sinon celle d'être soi-même à la fois une entreprise et la marchandise qu'elle doit produire et vendre sur le marché : ici nul ne reconnaîtra plus ses frères, tous devront universellement se nier.

4 – La tactique consistant à laisser « moisir » une situation de crise, jusqu'à ce qu'elle s'essouffle, est devenue fort courante en ces temps désastreux. Le cynisme de Sarkozy lui est étroitement lié – qu'espère-t-il d'autre en effet que cet essoufflement quand il fait tout pour que les diverses crises existantes restent invisibles aux yeux du plus grand nombre. Les grèves étudiantes actuelles, par exemple, sont confrontées à cette même tactique du pouvoir qui les laisse presque entièrement ignorées du reste de la population.

* Ultra-marins : Habitants de l'outre mer.

25 février 2009

Solidarité avec les grévistes et les émeutiers d'Outre Mer

    Voilà plus d'un mois déjà que dans l'unique but ô combien fondé d'obtenir une vie plus décente la population guadeloupéenne est entrée en grève. Cette grève générale se poursuit toujours aujourd'hui. Elle s'est même étendue par résonnance à l'ensemble des territoires et départements d'Outre Mer, lesquels semblent avoir choisi de ne plus subir les humiliations qu'un gouvernement et un patronat calomnieux leur infligent depuis si longtemps, avec assurément plus d'âpreté encore qu'ils n'en ont envers les métropolitains.

    Le courage de tous ces grévistes et émeutiers d'Outre Mer - femmes et hommes qui de par leur ténacité nous renvoient de la dignité - mérite plus qu'une ou plusieurs minutes de mensonges médiatiques dans les journaux misérables de notre époque. Seul un absolu soutien de notre part peut décemment répondre à cette nouvelle apparition sur la scène-monde d'icelui courage.

    Aussi appelons-nous tous ceux qui dès maintenant se sentent solidaires de la lutte menée par les guadeloupéens, les martiniquais, les réunionais, les guyanais et tant d'autres, à organiser diverses soirées de soutien (concerts, débats, lectures, projections de films, etc...), et plus encore des rassemblements, des manifestations, voire une grève générale ou une insurrection.

Comité stéphanois contre les lois anti-terroristes et la civilisation spectaculaire marchande

Ce texte a été diffusé sous forme de tracts lors du rassemblement sur la place Jean Jaurès à Saint-Etienne, le 28 février 2009.

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