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Amour, émeute et cuisine

Amour, émeute et cuisine
  • Quelques pensées sur la civilisation, considérée dans ses aspects politiques, "philosophiques", et culinaires, entre autres. Il y sera donc question de capitalisme, d'Empire, de révolte, et d'antiterrorisme, mais aussi autant que faire se peut de cuisine.
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25 février 2024

Proverbes et maximes de Maguy Porète

Proverbes Bruegel 01

1 - Il ne faut pas seulement vouloir l'effondrement de la réalité capitaliste du monde - qui est déjà indubitable -, il faut conspirer* avec ledit monde à le refonder comme cette poésie réelle qu'il est réellement, ce qui s'avère plus difficile.

* Au sens de "respirer ensemble".

Courbet 00 Baudelaire

2 - L’écœurement, c’est l’ensemble innervé de ce que j’éprouve, et dont ma raison sait faire quelque chose.

Van Gogh 00

3 - Ciel étoilé n'a pas d'oreille.

Van Gogh 01

4 - La bêtise enfiellée d'un capitaliste est toujours si ductile qu'elle peut s'étendre à l'infini, et sans jamais rompre.

1200x680_joseph_keppler_j

5 - Croire qu'un bourgeois au pouvoir peut faire le bien, c'est s'en tenir à l'état de ce sectateur persuadé d'être conduit au septième ciel à chaque fois qu'il se fait violer par son gourou.

Raël

6 - A chaque fois qu'un croyant prétend que Lucifer est père et maître du mensonge, demande-toi par quel miracle il a la certitude de ne pas être lui-même possédé par le diable ; prêchant une religion, le croyant ne passe-t-il pas en effet son temps à mentir ?

Francisco_de_Goya_-_Escena_de_Inquisición_-_Google_Art_ProjectBlog

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24 février 2024

Ni Marat, ni Roland. Opinion (Ed. 1792)

Anacharsis Cloots, Ni Marat ni Roland

Ni Marat, ni Roland. Opinion (1792), de Anacharsis Cloots.

Extrait N°1 : Puisque chacun imprime son opinion, je publie la mienne, d'autant plus qu'on répète inexactement mes expressions verbales. L'assemblée, après avoir ouï Louvet et Robespierre, a eu raison de consacrer la maxime : à bas les hommes ! à l'ordre du jour les choses ! Je recommande cette maxime à Roland et à Marat, deux êtres qui se donnent mutuellement une importance grotesque.

Extrait n°2 : La chaleur de Guadet me parut très suspecte ; mais ne lui ayant jamais entendu professer des hérésies politiques, j'en conclus qu'il avoit trop dîné. Peut-être suis-je trop indulgent.
Malgré les petits sophismes et les petites passions, la vérité triomphera sous le règne de la liberté ; la faction du genre humain l'emportera sur la faction Marat, et sur la faction Brissot.

Extrait n°3 : Brissot, avec sa marche tortueuse, ses mensonges officieux, et ses systêmes avortés, devoit être suspect aux républicains indivisibles ; Paris devoit naturellement l'avoir en horreur.

Extrait n°4 : Rien n'est plus oratoire que de montrer une chemise, trempée dans le sang, aux hommes foibles, aux femmes timides, et de s'écrier, avec le ci-devant châtelet : Le voilà donc connu le secret plein d'horreur !

Extrait n°5 : Il est démontré que des coquins ont volé, et que des scélérats ont proscrit des têtes civiques ; moi-même j'étois affiché dans les carrefours, sous les portiques, sur les colonnes, pour un homme pendable ; ma vie étoit entre les mains d'un Marat, comme la vie d'un brave officier est à la merci d'un lâche soldat, dans une bataille. Dieu sait tous les crimes particuliers qui se commettent après une victoire générale ! Cela n'empêche pas de chanter le Te Deum.

Extrait n°6 : Il faut avoir le courage de parcourir les groupes, et s'entretenir familièrement avec le peuple, avant de proposer un décret, dans les temps orageux. Ce n'est pas en provoquant les horreurs d'une troisième révolution, que nous prouverons notre amour pour l'humanité.

22 février 2024

Tout le monde déteste la police !

Tout le monde déteste la police copier

TOUT LE MONDE DÉTESTE LA POLICE !

16 février 2024

Trente-troisième festivité : Menu Mac Kinsey !

Trente-troisième festivité : Ce fut à l'heure où, en ledit bon royaume de la Francie jupitérienne, l'évidence apparut de ceci que l'hôpital public, qu'on avait abandonné de longue date, avait fini par ne presque plus pouvoir opérer, qu'enfin du plus haut sommet élyséen jusqu'au fin fond du trou des taupes matignonesques et parlementaires, on commença de s'interroger sur ce à quoi il eût pu s'avérer bon d'œuvrer pour sortir de la panade un personnel soignant devenu si débordé et dénué de moyens, qu'il s'en trouvait bien malgré lui contraint de désavouer souvent un serment d’Hippocrate rendu hypothétique, comme les soins auxquels il obligeait. Une situation si désastreuse ne pouvant plus durer, on résolut bientôt de prendre conseils auprès des meilleures institutions élitistes mondiales, et tandis qu'on allait d'une consultation financière l'autre, un certain monsieur Mac Kinsey finit par éclairer d'un éclair de son génie « simoniaque » l'ensemble des élus jupitériens, et puisqu'à l'évidence elle était la seule possible, nul ne douta plus de la solution à employer ; aussi s'appliqua-t-on rapidement à rendre illégales la souffrance et la maladie, en particulier pour la plèbe laborieuse.

Un Hamburger Géant Est Montré Dans Cette Image Du Film Hamburger. | Photo Premium

7 février 2024

Aurora

Michel Leiris, Aurora

Aurora, de Michle Leiris.

4e de couverture : Rédigée en 1927-1928, publiée en 1946, Aurora, à la fois exploration périlleuse des rêves, longue hallucination du corps des femmes, expérimentation du langage, confiance absolue ajoutée au pouvoir de l'imagination, contient en outre le premier en date des récits autobiographiques de Michel Leiris, donné ici sous l'anagramme, si prestigieux, de Damoclès Siriel.
Comme jadis Rome vouait le supplicié à l'escalier des Gémonies, dans ce tumultueux roman d'amour la langue soumet le narrateur, entre l'avant-dernière marche et la rampe-cordelière, la panoplie et la gravure désuète, le souvenir des livres et la profondeur énigmatique d'un corps, à la libre sauvagerie du nom de l'héroïne. Aurora, fille d'Hypérion, sœur du soleil, mère des Vents et des Astres, selon les formes que son nom revêt (Eau-Rô-Râh, OR AUX RATS, Horrora, etc.), décide de la nature des épisodes et des épreuves, et les fait s'enchaîner bâtissant un tissu de chimères autonomes, où débondent les terreurs comme prolifèrent les mondes, comme s'irritent les désirs. Elle rejoue un sacrifice sans âge : corps sans cesse démembré et réarticulé sans fin, nom unique dont la perte est consommée indéfiniment.

Pascal Quignard

Extrait n°1 : Ma poitrine respirait et je sentais le poids de mes viscères, cette pesanteur aussi lugubre que celle d'une valise remplie, non de vêtements, mais de viande de boucherie.

Extrait n°2 : Mes détonations donneraient la jaunisse au tonnerre, les pluies tourneraient en urine et tout l'automne le ciel ne ferait que pisser, ainsi qu'un animal qui a trop peur et dégage candidement sa vessie sans se préoccuper de vos stupides formules de politesse, bonnes tout juste pour ce que sont les hommes : des animaux qui se retiennent d'excréter.

Extrait n°3 : Car dans cet immeuble qui, comme un phallus obscène, gratte la vulve du ciel, on fait furieusement l'amour.

Extrait n°4 : Tant que ma voile triangulaire résoudra l'équation dont les deux inconnues sont le vent et les flots, j'insulterai tout ce qui vit sous les cieux ; je maudirai toutes ces végétations informes et tenterai d'envenimer la mer par mes crachats.

Extrait n°5 : Son pas lui-même était toujours aussi agile, mais c'était le déroulement des paysages qui fonctionnait moins bien. C'est pourquoi il devait se tenir pour victime d'un complot de la nature environnante, d'une coalition des arbres et des ruisseaux, désireux de résister à tout prix à l'écœurante instabilité de "choses vues" que leur infligeait le pas du voyageur.

Extrait n°6 : Une plainte traînait ses vieux moignons tachés de sang dans une ruelle perdue au fond de l'âme suburbaine du vagabond et celui-ci chassait cette vieille mendiante à coups de pied, l'invitant, non certes pas ! à travailler, mais bien plutôt à tuer ou à voler.

Extrait n°7 : Il me fallait commencer à comprendre qu'aucun cataclysme ne viendrait, du choc de sa massue d'éther, ruiner l'infecte cathédrale qui s'élève au-dessus des cryptes souterraines dont la cachette est plus secrète encore que celle de la matière, qu'à jamais je serais lié au poteau des idées forcément ancillaires, parce que rien, sinon cette destruction du monde, ne pourrait me délivrer de l'horrible nasse baveuse dont les joncs relatifs s'étaient croisés autour de moi, comme des grillages de prisonnier, à la minute où la sorcière des naissances m'avait fait vivre malgré moi, me jetant corps et âme entre les rouages de cette affreuse machine grâce au truchement d'une semence éphémère.

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3 février 2024

Pourquoi je hais l'indifférence

Antonio Gramsci, Pourquoi-je-hais-l-indifference

Pourquoi je hais l'indifférence, de Antonio Gramsci.

4e de couverture : Le regroupement de ces textes nous met face à une des plus hautes figures de résistance intellectuelle que l'histoire européenne nous ait donné la possibilité d'admirer. Chez Gramsci (1891-1937), l'indignation ne suffit pas, si elle est le simple mouvement du cœur : elle commande l'analyse. Haïr l'indifférence, c'est à la fois haïr l'acceptation des choses comme elles vont et détester la confiance faite aux experts qui n'est autre que la paresse qui contribue au cours des choses quand elle ne se contente pas de la justifier.

On trouvera ici un bréviaire de rébellion contre les choses comme elles vont et des instruments d'analyse.

Extrait n°1 : L'indifférence, c'est l'aboulie, le parasitisme, et la lâcheté, non la vie. C'est pourquoi je hais les indifférents.
L'indifférence est le poids mort de l'histoire.

Extrait n°2 : Des faits murissent dans l'ombre, quelques mains, qui échappent à tout contrôle, tissent la toile de la vie collective et la masse l'ignore parce qu'elle ne s'en soucie pas.

Extrait n°3 : Pourtant ils sont rares ceux qui se reprochent leur indifférence, leur scepticisme, et plus rares encore ceux qui regrettent de ne pas avoir prêté leurs bras et leur activité à ces groupes de citoyens qui ont combattu et se sont proposé de procurer tel ou tel bien, précisément pour éviter ce mal.

Extrait n°4 : Je hais aussi les indifférents en raison de l'ennui que me procurent les pleurnicheries des éternels innocents.

Extrait n°5 : Dans l'activité politique aussi, l'imagination a un rôle immense ; mais dans l'activité politique, les hypothèses ne sont pas construites à partir de faits inertes, d'une matière sourde à la vie ; en politique l'imagination concerne les hommes, leurs douleurs, leurs affects et les nécessités qu'ils rencontrent dans leur vie d'hommes.

Extrait n°6 : Tartuffe se joue ainsi du vocabulaire, et offre un certain destin aux mots. Il a réhabilité le mot casseur, il anoblit le mot démagogie. Dans quelques temps, quand le mouvement socialiste aura assez de force pour imprimer aussi à la langue son sceau de bonté et de liberté, casseur aura définitivement le sens de gentilhomme, et vice versa, et démagogie signifiera une véritable méthode de politique et de propagande, fondée sur la réalité des faits, et non pas sur les apparences les plus éclatantes, et par conséquent les plus trompeuses.

Extrait n°7 : Ils nous ont traités de démagogues parce qu'il nous plaît d'appeler "requins" les marchands d'armes.

2 février 2024

Cuisine ripaille et soûlographie en littérature, saison II

SAISON II

D'étranges rumeurs montaient toujours en moi et j'écoutais les peines immenses qui gonflaient les maisons à grands coups de leurs soufflets de forge, ouvrant les portes et les fenêtres en cratères de tristesse qui vomissaient, colorés en jaune sale par la lueur maladive des lampes familiales, un inépuisable flot de soupe, mêlé à des bruits de querelles, de bouteilles débouchées par des mains suantes et de mastications. Une longue rivière de filets de bœuf et de légumes mal cuits coulait. Les bouillons couleur de vin suri voyaient s'en aller à la nage, entre leurs eaux grasses chargées d'yeux mal réveillées, les désespoirs d'enfants.

[...]

De toutes les escales que nous fîmes durant cette traversée, je me rappelle une seule, à cause des bars magiques qui écartelaient les entrailles de cette ville, pour permettre aux divins aruspices de l'alcool d'observer, à travers les parois de leurs verres où se miraient les rues, la fatalité des rencontres charnelles quand, sur la meule des sens, les sexes s'affûtent pareils à des couteaux.

[...]

Dès que je fus entré, on m'offrit divers breuvages au sein desquels je discernai différents organes en pleine fermentation, autour des cristaux de sucre qui s'ordonnaient en vagues squelettes ; une écume légère débordait de la coupe et il m'était facile de deviner quelle ivresse terrible elle me donnerait, rien qu'à voir sa blancheur de folie et les bulles infiniment diversifiées qui en montaient, petites statues sphériques des couleurs, exhumées de la raison annihilée, sèche et battue comme plâtre. Au premier verre que je bus, l'invisible dépeceur apparut, sa face sanglante se hissa comme un astre et son couteau, avec un long sifflement, se planta dans le parquet, juste au milieu du bar. Au deuxième verre, hommes et femmes laissèrent tomber leurs voiles et je m'aperçus qu'ils n'étaient en vérité ni des hommes, ni des femmes, mais bien réellement et uniquement les fragments de corps que, personnages supposés, ils étaient censés représenter. Au troisième verre, toutes les lumières vacillèrent et le couteau, qui était venu se placer dans la main la plus délicate et la plus transparente, parcourut l'air de la pièce en tous sens, comme s'il avait voulu parachever le dépeçage, tandis que les boissons dans tous les verres se coloraient en rouge et, s'épaississant brusquement, cessaient aussitôt d'écumer. Au quatrième verre, je compris que, n'étant pas comme mes partenaires une simple partie du corps mais un homme véritable et tout à fait vivant, ma position était extrêmement dangereuse et qu'en conséquence je devais, sous peine d'une mort ignominieuse, immédiatement prendre la fuite. Mais au cinquième verre, je constatai que la porte (assez haute lors de mon entrée pour me laisser passer sans que j'eusse même eu besoin de me courber) venait elle aussi de se diviser en plusieurs parties et que maintenant, s'il était encore possible à chacun de mes membres d'user séparément de cette issue, cela ne l'était pas à mon corps tout entier. Tout espoir d'évasion devait donc être banni, rejeté dans un vieux coin de mon cerveau, avec la pourriture des roueries usagées et le salpêtre des spectacles défunts. Alors la panique s'installa entre ma tête et le plafond avec ses ailes de poussière grasse et mon regard n'exista plus que pour les mouvements du couteau.

[...]

Mais tout compte fait, je préfère une bouteille de whisky à ces réflexions doctrinales, car cet alcool c'est bien réellement que je me l'incorpore, tenant en dissolution des millions d'êtres, avec leur maximum de possibilités.
Donc, j'étais arrivé et, de même que dans le bar dont j'ai parlé tout à l'heure, je buvais du whisky. Cette liqueur, me direz-vous, n'est qu'un vulgaire alcool de grain et il faut être un bien triste voyou pour attacher une si haute importance à cette misérable substance organique dont la plus claire propriété consiste à transformer le champ de la conscience en un vaste cimetière communal. Je vous répondrai seulement que mon langage, comme tout le langage, est figuré, et que libre est à vous de remplacer le mot "whisky" par un quelconque vocable : absolu, meurtre, amour, sinistre ou mandragore.
Je buvais donc une bouteille d'absolu, une bouteille de sinistre, une bouteille de mandragore...

Aurora, Michel Leiris (1927-1928)

Corne d'abondance02

Platon 00Pausanias : - Eh bien, mes amis, comment allons-nous faire pour boire sans avoir trop de problèmes ? En ce qui me concerne, je dois vous avouer que je ne me sens pas très bien après ce que j'ai bu hier, et que j'ai besoin d'un répit ; du reste, j'imagine que vous êtes, la plupart d'entre vous, dans le même cas, car vous étiez là hier. Voyez donc de quelle façon nous pourrions boire sans avoir trop de problèmes.

Aristophane : C'est alors qu'Aristophane intervint : - Bravo, Pausanias, tu as raison de vouloir prendre toutes les dispositions qui nous évitent d'avoir des problèmes en buvant. Car moi aussi je suis de ceux qui "se sont soûlés la gueule" hier.

Éryximaque : Sur ce, racontait Aristodème, Éryximaque, le fils d'Acoumène, intervint : - Vous avez raison, dit-il. Il en est encore un que j'aimerais entendre. Comment te sens-tu Agathon ? As-tu encore la force de boire ?

Agathon : - Moi non plus, je ne me sens absolument pas la force à boire.

Éryximaque : - Quelle chance, me semble-t-il, reprit Éryximaque, ce serait pour nous, c'est-à-dire pour moi, pour Aristodème, pour Phèdre et pour les autres qui sont ici, que vous, ceux qui, pour ce qui est de boire, avez le plus de capacité, ayez maintenant renoncé à le faire, car nous autres nous ne sommes jamais de taille. Pour ce qui est de Socrate, je fais une exception. Il peut en effet faire les deux choses : boire ou ne pas boire, si bien que, quel que soit le parti que nous prendrons, il s'en accomodera. Étant donné qu'aucun de ceux qui sont ici ne me paraît disposé à boire beaucoup de vin, peut-être arriverais-je à vous paraître moins agaçant, en vous disant la vérité sur l'ivresse. Pour moi, assurément, s'il est quelque chose que la médecine a fait apparaître clairement, c'est que l'ivresse est dommageable pour l'homme. Aussi me garderais-je de souhaiter boire de mon plein gré outre mesure et de conseiller à quelqu'un d'autre de le faire, surtout s'il a la tête encore lourde de la veille.

Phèdre : - Quant à moi, interrompit Phèdre de Myrrhinonte, j'ai assurément l'habitude de suivre tes conseils surtout en matière de médecine ; mais aujourd'hui, les autres aussi le feront, s'ils sont prêts à suivre un bon conseil.

Aristodème : - Ces paroles furent entendues, et tout le monde convint qu'il ne fallait pas consacrer cette réunion à s'enivrer ; on ne boirait que pour le plaisir.

Éryximaque : - Eh bien, reprit Éryximaque, puisqu'il est admis que chacun boira la quantité de vin qu'il lui plaira, sans rien d'imposé, j'introduis une nouvelle proposition : c'est de dire "au revoir" à la joueuse d'aulós qui vient d'entrer dans cette pièce. Qu'elle joue de l'aulós pour elle-même ou, si elle le souhaite, pour les femmes de la maison. Nous autres, nous emploierons le temps que durera la réunion d'aujourd'hui à prononcer des discours, je puis, si vous le souhaitez, vous faire une proposition.

[...]

Éryximaque : - De même, dans notre art, c'est une affaire importante que de bien user des désir relatifs à l'art culinaire, de manière à en cueillir le plaisir sans se rendre malade.

[...]

Diotime : - Il faut savoir que le jour où naquit Aphrodite, les dieux festoyaient ; parmi eux, se trouvait le fils de Mètis, Poros. Or, quand le banquet fut terminé, arriva Pénia, qui était venue mendier comme cela est naturel un jour de bombance, et elle se tenait sur le pas de la porte. Or Poros, qui s'était enivrer de nectar, car le vin n'existait pas encore à cette époque, se traîna dans le jardin de Zeus et, appesanti par l'ivresse, s'y endormit. Alors, Pénia, dans sa pénurie, eut le projet de se faire faire un enfant par Poros ; elle s'étendit près de lui et devint grosse d'Éros. Si Éros est devenu le suivant d'Aphrodite et son servant, c'est bien parce qu'il a été engendré lors des fêtes données en l'honneur de la naissance de la déesse ; et si en même temps il est par nature amoureux du beau, c'est parce qu'Aphrodite est belle.

[...]

Alcibiade : - Voyons mes amis, vous me faites l'effet d'être bien sobres. Vous ne devez pas vous laisser aller comme cela : il faut boire. C'est convenu entre nous. En conséquence, pour présider la beuverie, jusqu'à ce que vous ayez assez bu, c'est moi-même que je choisis. Allons, Agathon, qu'on apporte une coupe, une grande s'il y en a. Non, ce n'est vraiment pas la peine. Garçon, ordonna-t-il, tu n'as qu'à m'apporter ce récipient où refroidit le vin.
Il venait d'en apercevoir un dont la contenance était de huit cotyles pour le moins. Il le fit remplir et il le vida le premier, puis il ordonna de servir Socrate en disant :
Avec Socrate, messieurs, mon astuce ne fonctionnera pas ; autant on lui ordonnera de boire autant il boira, et il n'en sera pas ivre pour autant.

[...]

Alcibiade : - Mais, pour ce qui va suivre vous ne me l'auriez pas entendu raconter si, comme le dit le proverbe, ce n'était dans le vin que se trouve la vérité.

[...]

Alcibiade : - Lorsque les communications étaient coupées en quelque point, ce qui arrive en campagne, et que nous devions rester sans manger, nul autre ne le valait en endurance pour supporter cette épreuve. En revanche, quand nous étions bien ravitaillés, il n'avait pas son pareil pour en profiter, notamment pour boire. Il n'y était pas porté, mais, si on le forçait, il buvait plus que tout le monde, et le plus étonnant, c'est que personne n'a vu Socrate ivre.

[...]

Aristodème : - Alors qu'Agathon se lève pour aller s'installer près de Socrate, soudain toute une bande constituant un kõmos arrive devant les portes, et, les ayant trouvées ouvertes - quelqu'un était en train de sortir -, ils entrent directement, viennent vers nous et s'installent sur les lits. Un tumulte général emplit la salle : et sans aucune règle, on fut obligé de boire une grande quantité de vin.

[...]

Aristodème : - Quand il fut réveillé, il vit que les autres dormaient ou s'en était allés, et que seul Agathon, Aristophane et Socrate étaient encore éveillés et buvaient dans une grande coupe qu'ils se passaient de gauche à droite. Socrate discutait avec eux.

Le Banquet, Platon (vers 380 av. J.-C.)

Corne d'abondance02

Umberto Eco copier

Nicétas avait alors demandé du vin et en avait versé une coupe à Baudolino : "Si tu aimes celui-ci, parfumé à la résine. Beaucoup de Latins le trouvent écoeurant, et ils disent qu'il sent le moisi." Baudolino lui ayant assuré que ce nectar grec était sa boisson préférée, Nicétas s'était disposé à écouter son histoire.

[...]

Baudolino éprouvait une certaine gêne à lui conter sa vie d'adolescent dans un monastère de Latins, froid et inhospitalier, où la santé d'Otton l'obligeait à partager des repas faits de verdures cuites et de quelques bouillons légers.

[...]

Le serviteur n'avait pas été engagé et le bois n'avait pas été acheté car la nuit les deux édredons suffisaient amplement, et la somme avait été plus judicieusement dépensée, vu que le soir se passait dans les tavernes, qui étaient fort bien chauffées et permettaient de se sustenter après une journée d'étude, tout en palpant le derrière des servantes. Et puis, dans ces lieux de joyeuse restauration, comme l'Ecu d'Argent, la Croix de Fer ou Aux Trois Candélabres, entre deux cruchons on se fortifiait avec des pâtés de porc ou de poulet, deux pigeons ou une oie rôtie et, si on était plus pauvre, avec des tripes ou du mouton. Baudolino aidait le Poète, sans le sou, à ne pas vivre de tripes seulement. Mais le Poète était un ami coûteux car la quantité de vin qu'il buvait faisait maigrir à vue d'oeil le boeuf de Suse.

[...]

En effet, au coeur de son château, disait-on, il se trouvait un jardin plein de toutes les espèces de fruits et de fleurs, où coulaient des canaux remplis de vin, de lait, de miel et d'eau, et tout autour dansaient et chantaient des jouvencelles d'une incomparable beauté. Dans le jardin ne pouvaient vivre que des jeunes hommes qu'Aloadin faisait enlever, et, en ce lieu de délices, il ne les exerçait qu'au plaisir. Et je dis plaisir car, comme je l'entendais murmurer par les adultes - et j'en rougissais, troublé -, ces filles jeunes étaient généreuses et promptes à satisfaire les hôtes, leur procurant des joies indicibles et, je l'imagine, énervantes. Si bien que naturellement, celui qui était entré dans ce lieu, à aucun prix il n'aurait voulu en sortir.

[...]

- "Voilà que nos incomparables Génois nous ont préparé certaines délices de notre cuisine. Goûte cette soupe de différentes variétés de poisson, de mer et de fleuve. Peut-être avez-vous du bon poisson dans vos pays aussi, pourtant j'imagine que votre froid intense ne les laissepas se développer vigoureusement comme dans la Propontide. Nous, nous assaisonnons la soupe avec des oignons sautés dans l'huile d'olive, du fenouil, d'autres herbes, et deux verres de vin sec. Tu la verses sur ces tranches de pain, et tu peux y mettre de l'avgolemon, cette sauce de jaunes d'oeufs et jus de citron, mélangée dans un soupçon de bouillon. Je crois qu'au Paradis terrestre Adam et Eve mangeaient comme ça. Mais avant le péché originel. Après, ils se sont sans doute résignés à manger des tripes, comme à Paris."

[...]

- "Seigneur Jésus, se lamentait le Poète, même ivre mort je n'ai jamais imaginé que j'aurais pu enfiler les Rois Mages par-derrière."

[...]

Chaque mois servaient à la table du prêtre sept rois, soixante-douze ducs et trois cent soixante-cinq comtes, et chaque jour prenaient place à cette table douze archevêques, dix évêques, le patriarche de Saint-Thomas, le métropolite de Samarcande et l'archiprêtre de Suse.

[...]

- "A présent ne fais pas le malin. Va, et embrasse ton père. Ensuite, si tu me fais tes excuses pour ce jour-là, nous allons tout près d'ici où nous fêtons une construction à paine terminée, et dans ces cas on met du vin en perce, de celui de derrière les fagots et, comme disaient nos vieux, zou, on se gogue et s'engogue."
Baudolino s'était retrouvé dans une immense cave. La ville n'était pas encore terminée que déjà s'ouvrait la première taverne, avec sa belle tonnelle dans la cour, mais à cette époque on se sentait mieux à l'intérieur, dans un antre qui n'était que futaille et longues tables de bois remplies de beaux cruchons et de saucisses de chair d'âne qui (expliquait Baudolino à Nicétas, horrifié) se présentent à toi comme des outres gonflées, tu les fends d'un coup de couteau, tu les jettes à frire dans de l'huile et de l'ail, et c'est un délice. Voilà pourquoi tous les participants étaient gais, puants et gris.

[...]

Et puis tous ces gens, pendant trois jours, devraient tout de même manger car un sac vide ne tient pas debout. Les Génois prépareraient des paniers avec une poêlée entière de scripilita, leur galette de farine de pois chiche, croquante et fine, qu'ils découperaient en petites tranches enroulées dans autant de feuilles larges, il suffisait ensuite de mettre un peu de poivre dessus et ce serait un vrai délice, à nourrir un lion, mieux qu'une tranche de boeuf saignante ; et d'abondantes portions de fougasse à l'huile, à la sauge, au fromage, et avec des oignons.
Nicétas n'aimait pas beaucoup ces aliments barbares et, vu qu'il fallait attendre encore un jour, il décida qu'il le consacrerait à savourer les derniers mets délicats que Théophile pouvait encore préparer, et à écouter les dernières vicissitudes de Baudolino, parce qu'il n'aurait pas voulu partir au moment le plus palpitant, sans savoir comment finissait son histoire.

[...]

Baudolino et Zosime étaient devenu, sinon amis, des compères de bombance. Leur familiarité avait commencé quand, après une première et généreuse libation en commun, Zosime avait proféré un horrible juron et dit que cette nuit-là il aurait donné toute les victimes du massacre des Innocents pour une jouvencelle d'indulgente moralité.

[...]

"Vive les methagallinarii !" avait dit Baudolino, il avait levé sa coupe. Zosime l'avait invité à trinquer ensemble au royaume du Prêtre Jean. Puis, par provocation, à boire à la santé de Manuel ; et Baudolino avait répondu qu'il était d'accordsi lui buvait à la santé de Frédéric. Ils avaient ensuite trinqué au pape, à Venise, aux deux courtisanes qu'ils avaient connues quelques soir auparavant, et à la fin Baudolino s'était écroulé le premier, endormi, la tête à pic sur la table, tandis qu'il entendait encore Zosime bafouiller avec peine : "La vie du moine est : ne pas se comporter avec curiosité, ne pas marcher avec l'injuste, ne pas saisir de ses mains..."

[...]

Il avait demandé à son cuisinier et serviteur de se surpasser, il voulait que le dernier repas qu'il faisait sous le soleil de Constantinople lui rappelât toutes les douceurs de sa mer et de sa terre. Et voilà qu'il voulut sur la table langoustes et pagures, homards bouillis, crabes frits, lentilles aux huitres et aux moules, dattes de mer, accompagnés d'une purée de fèves et de riz au miel, entourés d'une couronne d'oeufs de poisson, le tout servi avec du vin de Crète. Mais ce n'était là que le premier plat. Vint ensuite un plat à l'étouffée qui exhalait un parfum délicieux : dans le pot fumaient quatre coeurs de chou beaux, durs et blancs comme neige, une carpe et une vingtaine de petits maquereaux, des filets de poissons salés, quatorze oeufs, un peu de fromage de chèvre valaque, le tout arrosé d'une bonne livre d'huile, saupoudré de poivre et augmenté de la saveur de douze têtes d'ail. Pour ce second plat, il demanda un vin de Ganos.

[...]

- "Tais-toi, seigneur Nicétas, lui disait Baudolino, et n'oublie pas que c'est peut-être la dernière fois que tu pourras goûter de ces mets recherchés dignes d'Apicius. Que sont ces boulettes de viande qui ont le parfum de votre marché aux épices ?
- Keftedès, et le goût est donné par la cinnamome, et par un peu de menthe, répondait Nicétas, déjà réconforté. Et, pour la dernière journée, j'ai réussi à me faire apporter un peu d'anis, que tu dois boire alors qu'il se dissout dans l'eau comme un nuage.
- C'est bon, ça n'étourdit pas, tu te sens comme en rêve, disait Baudolino. Si j'avais pu en boire après la mort de Colandrina, j'aurais peut-être pu l'oublier, comme toi tu oublies déjà les malheurs de ta ville et perds toute crainte pour ce qui arrivera demain. Au contraire, je m'alourdissais avec le vin de chez nous, qui t'endort d'un coup, mais quand tu te réveilles tu vas pire qu'avant."

[...]

Ç'avait été une belle journée. Baudolino avait remisé tous les signes de son pouvoir et il était allé faire la fête. Sur la place de la cathédrale les filles dansaient en rond, le Boïdi avait accompagné Baudolino à la taverne, et, dans ce porche parfumé d'ail, tous maintenant allaient tirer directement le vin des tonneaux en perce parce que ce jour-là il ne devait plus y avoir ni maîtres ni serviteurs, surtout plus de servantes dans la taverne, et déjà quelques-unes avaient été emmenées à l'étage, on le sait, l'homme est chasseur.
"Sang de Jésus-Christ", disait Gagliaudo en versant un peu de vin sur sa manche pour montrer que le drap ne l'absorbait pas et qu'il restait une goutte compacte aux reflets de rubis, signe qu'il s'agissait de celui de derrière les fagots.

[...]

Nicétas, qui voulait partir bien réconforté, avait depuis longtemps donné ordre à Théophile qu'il préparât un monokythron, qui prenait du temps à bien cuire. C'était un pot de bronze plein de viande de boeuf et de porc, d'os avec encore un peu de chair et de choux de Phrygie, saturé de gras. Puisqu'il ne restait pas beaucoup de temps pour un souper détendu, le logothète avait abandonné ses bonnes habitudes et puisait dans le pot non pas avec trois doigts mais à pleine mains. C'était comme s'il consommait sa dernière nuit d'amour avec la ville qu'il aimait, vierge, prostituée et martyre. Baudolino n'avait plus faim et il se limita à siroter du vin résiné, car qui sait s'il en trouverait encore à Selymbria.

[...]

Ils avaient du vin frais et des olives, des olives, et puis encore des olives à déguster pour donner encore envie de boire. Nicétas était impatient de savoir si, enfin, ils étaient arrivés au royaume du Prêtre Jean.

[...]

Ainsi fut le souper : de grands plats de pain, autrement dit de leurs fouaces ; une énorme quantité de légumes verts bouillis, où abondaient les choux, qui ne puaient pas trop parce qu'ils étaient saupoudrés d'épices variées ; des coupes d'une sauce noirâtre brûlante, le sorq, où on trempait le fouaces, et le Porcelli, qui fut le premier à essayer, commença à tousser comme s'il soufflait des flammes par le nez, si bien que ses amis se limitèrent à en goûter avec modération (et puis ils passèrent la nuit embrasés par une soif inextinguible) ; un poisson de rivière, sec, squelettique, qu'ils appelaient thinsirèta (tiens, tiens ! muramuraient nos amis), pané dans une semoule et littéralement noyé dans une huile bouillante qui devait être toujours la même depuis nombre de repas ; une soupe de graines de lin, qu'ils appelaient marac, et qui, au dire du Poète, avait le goût de la merde, sur quoi flottaient des fibres de volaille, mais si mal cuites qu'on eût dit du cuir, et Praxeas annonça avec orgueil qu'il s'agissait de méthagallinaire (tiens, tiens ! nos amis se donnaient de nouveau des coups de coude) ; une moutarde qu'ils appelaient tchenfelec, faite de fruits confits, mais où il y avait davantage de poivre que de fruits. A chaque nouveau plat, les Eunuques se servaient gloutonnement, et en mastiquant ils faisaient des bruits avec leurs lèvres pour exprimer leur plaisir, outre des signes d'entente aux hôtes, comme pour dire : "Vous aimez ? N'est-ce pas un don du ciel ?" Ils mangeaient en prenant la nourriture avec les mains, même la soupe, l'absorbant dans leur paume repliée en conque, mélangeant en une seule poignée des choses différentes, et fourrant le tout dans leur bouche d'un seul coup. Mais seulement la main droite, parce que la gauche ils la tenaient sur l'épaule du jouvenceau qui veillait à renouveler toujours leur nourriture. Ils ne l'enlevaient que pour boire, et ils se saisissaient des cruches en les élevant jusqu'au-dessus de leur tête, se versant ensuite l'eau dans la bouche comme d'une fontaine.
Ce n'est qu'à la fin de ce repas lucullien que Praxeas fit un signe, et arrivèrent des Nubiens qui remplirent d'un liquide blanc de toutes miniscules coupes. Le Poète engloutit la sienne et aussitôt devint rouge, émit une sorte de rugissement, et tomba comme mort, jusqu'à ce que des jouvenceaux lui aspergeassent d'eau le visage. Praxeas explique que chez eux l'arbre du vin ne poussait pas, et que l'unique boisson alcoolique qu'ils savaient produire provenait de la fermentation du burq, une baie très commune en ces lieux. Sauf que la puissance de cette boisson était telle qu'il ne fallait la goûter qu'à petites gorgées, mieux, en mettant à peine la langue dans la coupe. Un vrai malheur, ne pas avoir ce vin dont on parlait dans les Evangiles, parce que les prêtres de Pndapetzim, chaque fois qu'ils disaient la messe, s'abîmaient dans l'ivresse la plus inconvenante et peinaient pour arriver au congé final.

[...]

Baudolino avait trop longuement raconté à Nicétas était affamé. Théophylacte le fit asseoir au souper, lui offrant du caviar de différents poissons, suivi d'une soupe aux oignons et à l'huile d'olive servie dans un plat plein de miettes de pain, puis une sauce de mollusques hachés, assaisonné avec vin, huile, ail, cinnamome, origan et moutarde. Pas beaucoup, selon ses goûts, mais Nicétas y fit honneur.

[...]

"Pauvre, infortuné Baudolino", dit Nicétas ému à en oublier de goûter à la tête de porc, bouillie avec du sel, des oignons et de l'ail, que Théophylacte avait conservée durant tout l'hiver dans un tonnelet d'eau de mer.

Baudolino, Umberto Eco (2000]

Corne d'abondance02

Régine Pernoud crayon

Le mariage de la fille de Samuel Bernard, dans le cadre de son somptueux hôtel, eût éclipsé une fête de Versailles : comme les salons étaient jugés insuffisants pour le nombre des invités, Samuel Bernard fit dresser en quelques jours dans ses jardins une immense galerie où lustres et glaces étaient distribués à profusion au milieu des tableau de maîtres ; c'est là que le repas fut servi à 60 convives qui se rendirent en cortège à l'église à minuit, après le bal, escortés par 100 hommes du guet et une compagnie de Suisses. En dehors même de ces occasions extraordinaires, le luxe de sa table était célèbre ; il y dépensait 150000 livres par an et l'on y voyait toutes les extravagances fastueuses que sa fortune lui permettait d'imaginer et de réaliser : des tables chargées qui disparaissaient par des trappes, tandis que d'autres toutes mises descendaient du plafond pour prendre leur place ; il possédait 48 douzaines d'assiettes d'argent et d'or ; certain jour, après avoir bu à la santé du dauphin, on brisa chez lui 2000 verres. C'est l'époque, ne l'oublions pas, où l'on voit pour la première fois apparaître le vin de Champagne.

[...]

Personnage solennel, de réputation plus que suspecte, de moeurs spéciales, il était devenu fameux par le luxe de sa table et par sa gourmandise poussée jusqu'au ridicule.

Histoire de la bourgeoisie en France - II. Les temps modernesRégine Pernoud (1960)

Corne d'abondance02

Enfin, bien entendu, les réunions des confrères sont marquées de fêtes, banquets et larges festivités au point que, dans le Nord, on leur donne fort souvent le nom significatif de potaciones, beuveries.

[...]

La même année, le roi faisait faire par ses baillis de vastes approvisionnements dont le détail donne quelque idée de la façon dont on résout à l'époque le problème relativement nouveau que pose le ravitaillement d'une grande armée (il ne s'était posé jusqu'alors qu'à l'occasion des croisades). On ordonne au bailli de Caen de se procurer 500 muids de blé, 500 tonneaux de vin, 500 muids d'avoine, 1000 pourceaux vifs, 1000 bacons, 10 muids de pois et 10 de fève ; au bailli de Mâcon de rassembler 1000 moutons et 500 bœufs, au bailli d'Auvergne, 2000 moutons et 1000 bacons, plus 1000 aumailles (bœufs). Le bailli de Troyes, lui, devra se procurer 1000 livres de cire, 4000 livres d'amandes et 20 pains de sucre. Ces vivres, payés en billets à courte échéance, étaient transportés francs de tout péage sur des chariots et des bêtes de somme réquisitionnés.

[...]

Les quantités de vin annuellement exporté de Bordeaux vers les ports anglais atteignent des chiffres stupéfiants pour nous : on a pu l'évaluer à 83000 tonneaux, soit environ 747000 hectolitres à la fin du XIVe siècle ; or, l'exportation du vin vers l'Angleterre atteignait environ 900000 hectolitres en 1950. Les chiffres impliquent une énorme disproportion dans la consommation de vin faite par les Anglais, puisque, on l'a fait remarquer, la population anglaise ne dépassait peut-être pas le dixième de celle d'aujourd'hui.

Histoire de la bourgeoisie en France - I. Des origines aux temps modernes, Régine Pernoud (1960)

1 février 2024

Le banquet

Platon, Le Banquet

Le Banquet, de Platon.

4e de couverture : Ils sont allongés sur des lits et parlent de l'Amour et de la Beauté. Leurs discours se succèdent, parfois se répondent : car il y a plusieurs Amours et plusieurs manières de désirer le Beau. À ces hommes vivant en un temps et un lieu où l'éducation des garçons est indissociable de la sexualité qui règles les rapports du maître et du disciple, une étrangère, Diotime, oppose un modèle féminin de la procréation du savoir. À travers elle, Socrate dessine les étapes de l'apprentissage du philosophe capable de se détacher du monde sensible pour devenir l'"amant" par excellence qui guide l'"aimé" dans sa quête du Vrai et du Beau.
Par-delà les interprétations prudentes du Banquet que nous a léguées la tradition philosophique, cette traduction invite à une lecture renouvelée du dialogue : un Banquet parfois extravagant, à l'image de son objet, d'une richesse stylistique exubérante, souvent cru dans son langage, foisonnant enfin dans sa recherche du bonheur véritable.

Extrait n°1 : Apollodore : - Quand au contraire j'entends d'autres propos, les vôtres en particulier, ceux de gens riches et qui font des affaires, cela me pèse et j'ai pitié de vous mes amis, parce que vous vous imaginez faire quelque chose, alors que vous ne faites rien.

Extrait n°2 : Socrate : - Ce serait une aubaine, Agathon, si le savoir était de nature à couler du plus plein vers le plus vide, pour peu que nous nous touchions les uns les autres, comme c'est le cas de l'eau qui, par l'intermédiaire d'un brin de laine, coule de la coupe la plus pleine vers la plus vide.

Extrait n°3 : Phèdre : - Éros n'a ni père ni mère et aucun auteur, qu'il soit poète ou prosateur, ne lui en attribue. Effectivement, Hésiode dit que d'abord il y eut Chaos.

Extrait n°4 : Aristophane : - Mais, pris de pitié, Zeus s'avise d'un autre expédient : il transporte les organes sexuels sur le devant du corps de ces êtres humains. Jusqu'alors en effet, ils avaient ces organes eux aussi sur la face extérieure de leur corps ; aussi ce n'est pas en s'unissant les uns les autres, qu'ils s'engendraient et se reproduisaient mais, à la façon des cigales en surgissant de la terre.

Extrait n°5 : Diotime : - Puis donc qu'il est le fils de Poros et de Pénia, Éros se trouve dans la condition que voici. D'abord, il est toujours pauvre, et il s'en faut de beaucoup qu'il soit délicat et beau, comme le croient la plupart des gens. Au contraire, il est rude, malpropre, va-nu-pieds et il n'a pas de gîte, couchant toujours par terre et à la dure, dormant à la belle étoile sur le pas des portes et sur le bord des chemins, car, puisqu'il tient de sa mère, c'est l'indigence qu'il a en partage.
[...]
Les ignorants ne tendent pas davantage vers le savoir ni ne désirent devenir savants. Mais c'est justement ce qu'il y a de fâcheux dans l'ignorance : alors que l'on n'est ni beau ni bon ni savant, on croit l'être suffisamment. Non, celui qui ne s'imagine pas en être dépourvu ne désire pas ce dont il ne croit pas devoir être pourvu.

Extrait n°6 : Alcibiade : - Mais le fait que Socrate ne ressemble à aucun homme, ni d'avant ni d'aujourd'hui, c'est cela qui est digne d'une admiration sans borne.

29 janvier 2024

À BAS L'EMPIRE-MARCHAND !

Tyrannie Macron kitch copier

À BAS L'EMPIRE-MARCHAND !

11 janvier 2024

Rendez-vous à partir du 9 janvier partout en France, Suisse et Belgique

Rendez-vous à partir du 9 janvier partout en France, Suisse et Belgique

Nous n'avons pas peur des ruines

Il en fallu du temps pour faire ce nouveau film ! Quatre ans ! Cela semble faire une éternité qu’on ne s’est pas revus dans les salles, n’est-ce pas ?
Souvenez-vous : pour nos trois films précédents, la puissance de votre bouche-à-oreille (et de quelques médias alternatifs) avait réussi à ridiculiser le silence des médias dominants… Au fil des semaines, les salles étaient pleines et les blockbusters crétins basculaient souvent en salle 2.
10 ans après « Ne vivons plus comme des esclaves », 8 ans après « Je lutte donc je suis » et 5 ans après « L’Amour et la Révolution », les choses ont parait-il changé. Les cinémas ont souffert de l’épisode covid et des Netflix et cie. Les perspectives politiques et écologiques sont inquiétantes. Les mouvements sociaux sont parait-il fatigués. Ah bon ?
Nous verrons bien. Ensemble, je l’espère. Tous ensemble, c’est-à-dire en convergence de luttes. Parmi les partenaires et soutiens des soirées, j’ai remarqué : les organisations libertaires, ATTAC, la LDH, RESF, les Amis du Diplo, la Horde, les CNT, Sud Solidaires, des UL de la CGT, des groupes antifascistes, libertaires, autonomes, écologistes, des associations d’aide aux migrants, le DAL et des réseaux de squats, des SEL, des enseignants membres de l’ICEM-Pédagogie Freinet, des réseaux de luttes locales et globales, des collectifs d’artistes, des cuisines solidaires et j’en passe… Et puis surtout, ici et là, la porte reste ouverte : si une projection va avoir lieu dans votre ville ou votre département, contactez-nous pour rejoindre l’arc des partenaires et soutiens de la soirée.
Si vous êtes fauché et que la projection est prévue dans un cinéma, ce qui valait pour les films précédents vaut toujours : contactez-nous via maud@paspeurdesruines.net et vous trouverez discrètement une invitation dans un enveloppe à votre nom à la caisse du cinéma. On l’a toujours fait, on le fera toujours, le fric ne sera jamais un obstacle pour voir nos films et être de la fête.
Ce qui n’est pas précisé sur la carte, c’est que dans chaque ville de projection, il y aura de un à trois fourgons sur place, qui partiront en Grèce à l’issue de la tournée (quatre d’entre eux partiront un peu plus tôt, dont deux en février et deux en mars, avant la grosse vague d’avril, dont une surprise formidable venue de Belgique). Mais là encore, il ne faut pas se sentir obligé de participer en apportant quelque chose pour les initiatives solidaires autogérées en Grèce, dont plusieurs sont présentées à l’écran. Chacun fait ce qu’il peut où il peut et, surtout, à sa façon. Venez les mains vides, c’est très bien aussi.
Lors de beaucoup de soirées, il y aura des animations, par exemple des chorales révolutionnaires, des concerts de musiciens ayant participé ou pas à la musique du film, des surprises à la pelle et des repas partagés, par exemple des soupes à prix libre. Parfois, il y aura les tables et infokiosques des partenaires et soutiens. Bref, venez tôt ! En plus, c’est mieux pour être sûr d’avoir de la place. Et puis, ce sera l’occasion de se revoir ou de se rencontrer.
Rendez-vous à partir de demain, ici ou là.
Et si vous trouvez que vous devez faire beaucoup de route jusqu’au lieu de projection le plus proche, pensez à nous en regardant à nouveau la carte.
On compte sur vous pour ridiculiser à nouveau les médias dominants et montrer, une fois de plus, qu’on n’a pas besoin d’eux.


Anarmicalement,
Yannis Youlountas



PREMIÈRES PROJECTIONS-DÉBATS
(EN PRÉSENCE DU RÉALISATEUR)
http://paspeurdesruines.net/spip.php?article20


Avant-premières (film en phase évolutive) :

09/01 ST-SULPICE (81)
10/01 BÉDARIEUX (34)
11/01 LUC/AUDE (11)
13/01 AUBAGNE (13)
14/01 CHAMBÉRY (73)
15/01 LONS-LE-SAUNIER (39)
16/01 LES LILAS (93)
17/01 CORBEIL-ESSONNE (91)
18/01 PARIS (75)
19/01 ST-POINT (71)
21/01 LE PUY-EN-VELAY (43)
22/01 ST-M-VALAMAS (07)
23/01 AUBENAS (07)
24/01 ROGNES (13)
25/01 AIX-EN-PROVENCE (13)
26/01 EYGUIANS (05)


Première du film en version cinéma (avec buffet grec et concert de rébétiko) :

27/01 PORT-DE-BOUC (13)

Puis :

28/01 ST-ÉTIENNE (42)
29/01 CLERMONT-FERRAND (63)
30/01 LIMOGES (87)
31/01 MELLE (79)
01/02 LA RÉOLE (33)
02/02 BORDEAUX (33)
03/02 BAIONA (64) puis
03/02 DAX (40)
04/02 ST-GAUDENS (31)
05/02 TOULOUSE (31)
06/02 CARCASSONNE (11)
07/02 CARMAUX (81)
08/02 MONTPELLIER (34)
10/02 ou 11/02 SAILLANS (26)

Puis :

02/03 BARJOLS puis
02/03 LA VALETTE (83)
03/03 SÈTE (34)
04/03 REVEL (31)
05/03 TOULOUSE (31)
06/03 STE-LIVRADE (47)
07/03 MARENNES (17) puis
07/03 ST-PIERRE-D’OLÉRON (17)
08/03 NANTES (44)
09/03 BREST (29) puis
09/03 GUINGAMP (22)
10/03 RENNES (35) puis
10/03 ST-BROLADRE (35)
11/03 ANGERS (49)
12/03 CAEN (14)
13/03 PARIS (75)
14/03 MONTREUIL (93)
15/03 ST-OUEN-L’AUMÔNE (95)
16/03 ROUEN (76)
17/03 LILLE (59) puis
17/03 DUNKERQUE (59)
18/03 BRUXELLES (BELGIQUE)
19/03 LIÈGE (BELGIQUE)
21/03 STRASBOURG (67)
22/03 BLENOD-LES-PONT-À-MOUSSON (54)
23/03 LURE (70)
23/03 MONTBELLIARD (25)
25/03 LYON (69)
26/03 MARSEILLE (13)
27/03 AVIGNON (84)
28/03 BARJAC (30)
29/03 LE VIGAN (30)
30/03 MOULAYRÈS (81)
01/04 MÂCON (71)
02/04 GENÈVE (SUISSE)
03/04 ANNEMASSE (74)
04/04 ou 05/04 GRENOBLE (38)
06/04 MARTIGUES (13)

Tous les détails ici :
http://paspeurdesruines.net/spip.php?article20
(lieux, horaires…) D’autres dates seront bientôt annoncées...

 

La bande annonce :

PS : pour partager cette lettre d'infos, vous pouvez utiliser sa publication sur le blog : http://blogyy.net/2024/01/08/j-1-rendez-vous-a-partir-de-demain-partout-en-france-suisse-et-belgique/

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