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Amour, émeute et cuisine
Amour, émeute et cuisine
  • Quelques pensées sur la civilisation, considérée dans ses aspects politiques, "philosophiques", et culinaires, entre autres. Il y sera donc question de capitalisme, d'Empire, de révolte, et d'antiterrorisme, mais aussi autant que faire se peut de cuisine.
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26 novembre 2023

Trente-deuxième festivité : SOS fantômes !

Trente-deuxième festivité : L'échevin de la bonne bourgade de Nice, au royaume de Francie, le cœur plein d'une religieuse laïcité, s'enquit un jour de ce que quelques enfants du coin avaient osé s'agenouiller pour prier Allah dans la cour de leur école. Bien conscient qu'une telle provocation ne pouvait être tolérée, en particulier dans le saint des saints même d'un temple du savoir tout entier consacré à la raison, le sieur d'Estrosi réagit aussitôt en appelant à punir sévèrement ces faquins hérésiarques qui se permettaient de défier les autorités scolaires et laïques du pays, au point d'en menacer jusqu'aux fondements : on envoya donc enquêter quelques enquêteurs «policiers», qui découvrirent horrifiés qu'en fait de prière, il n'y avait eu là qu'un jeu d'enfants, qui consistait à invoquer des fantômes pour de rire. Apprenant cela, le sieur d'Estrosi, dit aussi l'injurieux détrousseur de fonds publics, s'en alla sur le champ se signer en croix en la grande cathédrale Sainte-Réparate.SOS Fantômes — Wikipédia

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20 avril 2020

Gargantua

François Rabelais, Gargantua

Gargantua, de François Rabelais.

Extrait n°1 : En son âge viril épousa Gargamelle fille du roi des Parpaillos, belle gouge et de bonne trogne. Et faisaient eux deux souvent ensemble la bête à deux dos, joyeusement se frottant leur lard, tant qu'elle engrossa d'un beau fils, et le porta jusqu'au onzième mois.

Extrait n°2 : Le bon homme Grandgousier buvant, et se rigolant avec les autres entendit le cri horrible que son fils avait fait en entrant en lumière de ce monde, quand il bramait demandant, "à boire, à boire, à boire", dont il dit, "que grand tu as", supple le gosier. Ce qu'oyant les assistants, dirent que vraiment il devait avoir par ce le nom Gargantua, puisque telle avait été la première parole de son père à sa naissance, à l'imitation et exemple des anciens Hébreux.

Extrait n°3 : Toute la ville fut émue en sédition comme vous savez qu'à ce ils sont tant faciles, que les nations étranges s'ébahissent de la patience des Rois de France, lesquels autrement par bonne justice ne les réfrènent : vu les inconvénients qui en sortent de jour en jour.

Extrait n°4 : Toute leur vie était employée non par lois, statuts ou règles, mais selon leur vouloir et franc arbitre. Se levaient du lit quand bon leur semblait : buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur venait. Nul ne les éveillait, nul ne les parforçait ni à boire, ni à manger, ni à faire chose autre quelconque. Ainsi l'avait établi Gargantua. En leur règle n'était que cette clause. Fais ce que voudras.

12 mai 2020

La Mafia se met à table

Jacques Kermoal, La mafia se met à table

La Mafia se met à table, de Jacques Kermoal et Martine Bertolomei.

4e de couverture : "Douze ans de séjour en Italie m'ont appris que l'histoire de la Mafia s'identifie absolument avec l'histoire de la gastronomie sicilienne", écrit Jacques Kermoal. Avec humour, il raconte ici dix rendez-vous décisifs authentiques en les illustrant des menus - bien souvent de véritables festins -"qui y furent servis." Ainsi, du "banquet de Messine, 1860" au "déjeuner chez Lucky Luciano, Naples, 1962" au repas d'anniversaire à Montelepre, 1972", le lecteur retiendra l'anecdote historique autant que les recettes aux noms prometteurs : cuissot de chevreuil faisandé à l'eau de vie de prunes d'Agrigente, courge à l'aigre-douce, flan de châtaignes, cocktail de pâtes froides à la crème, aubergines et tomates à la Caponata, mérou au four, sorbet à l'orange...

Extrait n°1 : Cette monarchie italienne et turinoise ne présentait pour les zii que des avantages. D'abord, le Piémont n'était pas la porte à côté ; ensuite, cette monarchie était parlementaire, atout certain, car les élections, ça se fabrique !

Extrait n°2 : Premier empereur véritable de la Mafia, patron incontesté des trois quarts de la Sicile, Don Vito y taxait toutes les sources de revenus. Non seulement il prélevait le pizzu - son pourcentage - sur les recettes des commerçants, mais il protégeait les situations de monopole de ses amis, dans tous les secteurs de la vie économique de l'île. Homme de justice, Don Vito inaugura la taxation du crime. [...] Sous le règne de Don Vito, la Mafia arrivait même à taxer les amoureux qui (c'était l'usage sicilien), lorsqu'ils se promenaient sous les fenêtres de leurs bien-aimées, devaient payer "a cannila", c'est-à-dire le prix symbolique d'une chandelle qu'un membre de la Mafia, en tant que chaperon appointé et éclairé, était censé avoir tenue pour eux.

Extrait n°3 : L'intérieur, c'est-à-dire la police, lui assurait l'impunité en fermant les yeux, le Commerce extérieur favorisait ses importations de morphine-base et ses exportations d'héroïne. Comment donc ne pas rejoindre le cardinal dans la lutte contre les socialo-communistes qui passaient leur temps à dnoncer ses "manoeuvres" dans leurs journaux diffamatoires.

Extrait n°4 : Le nom de cette innocente victime, Menico Martorana, devint célèbre du jour au lendemain dans toute la Sicile : il vivait encore lorsque le préfet de la province de Palerme, le docteur Migliore, se pencha pour lui demander s'il avait reconnu ses assassins à la mitraillette. Faisant un dernier effort, Menico Martorana eut ce superbe mot de la fin : "Quelle mitraillette ?" Et il rendit le dernier soupir.

Extrait n°5 : Pietro Scaglione pâlit : "Vous voulez dire que le ministre de la Défense nationale a partie liée avec les Américano-siciliens ?"
Mauro De Mauro esquissa un geste de demi-négation : "Ce n'est pas tout à fait cela. Disons plutôt que la Défense nationale et les Américano-siciliens ont des intérêts communs, et même des secrets en commun, des secrets d'Etat. Ici, en Sicile, depuis la mort de Lucky Luciano, un homme a pris sa place. Il est persona grata aussi bien auprès du gouvernement que de la Démocratie chrétienne, il est aussi bien vu du SIM (Servizio Informazione Militare, le DGSE italien), dont il est honorable correspondant, que de l'ambassade des Etats-Unis à qui il rend parfois d'importants services."

Extrait n°6 : Il y avait pourtant une énorme différence entre la lutte antiterroriste et la lutte anti-mafia. Lutter contre le terrorisme, c'était lutter contre les ennemis de l'Etat. Lutter contre la Mafia, c'était lutter contre l'Etat lui-même, puisque la Mafia vivait en symbiose avec le pouvoir, ou plus exactement avec les pouvoirs de l'Etat : Finances, Justice, Police, Législatif. Le seul de ces pouvoirs qui échappât à l'Honorable Société restait peut-être l'armée, encore que quelques généraux présidant aux commissions d'achats militaires étaient depuis longtemps compromis avec elle.

26 juin 2013

Surveiller et punir

Surveiller et punir (1975)

Surveiller et punir, de Michel Foucault, 1975.

Extrait n°1 : Le supplice est une technique et il ne doit pas être assimilé à l'extrémité d'une rage sans loi. Une peine, pour être un supplice, doit répondre à trois critères principaux : elle doit d'abord produire une certaine quantité de souffrance qu'on peut sinon mesurer exactement, du moins apprécier, comparer et hiérarchiser ; la mort est un supplice dans la mesure où elle n'est pas simplement privation du droit de vivre, mais où elle est l'occasion et le terme d'une gradation calculée de souffrances : depuis la décapitation - qui les ramène toutes à un seul geste et dans un seul instant : le degré zéro du supplice - jusqu'à l'écartèlement qui les porte presque à l'infini, en passant par la pendaison, le bûcher et la roue sur laquelle on agonise longtemps ; la mort-supplice est un art de retenir la vie dans la souffrance, en la subdivisant en "mille morts" et en obtenant, avant que cesse l'existence "the most exquisite agonies".

Extrait n°2 : Dans son affrontement avec le condamné, l'exécuteur était un peu comme le champion du roi. Champion cependant inavouable et désavoué : la tradition voulait, paraît-il, quand on avait scellé les lettres du bourreau, qu'on ne les pose pas sur la table, mais qu'on les jette à terre. On connaît tous les interdits qui entouraient cet "office très nécessaire" et pourtant "contre-nature". Il avait beau, en un sens, être le glaive du roi, le bourreau partageait avec son adversaire son infamie. La puissance souveraine qui lui enjoignait de tuer, et qui à travers lui frappait, n'était pas présente en lui ; elle ne s'identifiait pas à son acharnement. Et jamais justement elle n'apparaissait avec plus d'éclat que si elle interrompait le geste de l'exécuteur par une lettre de grâce.

Extrait n°3 : Le pouvoir dans la surveillance hiérarchisée des disciplines ne se détient pas comme une chose, ne se transfère pas comme une propriété ; il fonctionne comme une machinerie. Et s'il est vrai que son organisation pyramidale lui donne un "chef", c'est l'appareil tout entier qui produit du "pouvoir" et distribue les individus dans ce champ permanent et continu. Ce qui permet au pouvoir disciplinaire d'être à la fois absolument indiscret, puisqu'il est partout et toujours en éveil, qu'il ne laisse en principe aucune zone d'ombre et qu'il contrôle sans cesse ceux-là mêmes qui sont chargés de contrôler ; et absolument "discret", car il fonctionne en permanence et pour une bonne part en silence.

21 octobre 2013

Du trop de réalité

Du trop de réalité (2000)Du trop de réalité, de Annie Le Brun, 2000.

Extrait n°1 : Car c'est le trop de réalité qui engendre cette "réalité virtuelle" destinée à englober toute réalité, dans la mesure où "il s'agit d'un système dans lequel la réalité même (c'est-à-dire l'existence matérielle/symbolique des gens) est entièrement captée, immergée, dans un cadre d'images vituelles, dans un univers de simulacres, dans lequel les apparences ne se situent pas seulement sur l'écran où l'expérience est communiquée, mais deviennent l'expérience même".

Extrait n°2 : Quant aux exceptions, il paraît bien difficile d'en trouver dans un temps où il n'est plus d'intellectuel à pouvoir même concevoir l'honneur de refuser le Légion d'honneur.

Extrait n°3 : Quant aux artistes - dont il n'y a pas grand-chose à attendre depuis que Jacques Vaché en a tranché en 1917 : "Nous n'aimons ni l'art, ni les artistes" -, on ne sait pas ce qui les aurait empêchés de rejoindre cette domesticité culturelle. Sinon, on ne verrait pas prétendre à ce titre une pléthore de travailleurs culturels censés produire l'art de ce temps, au rythme des bourses et subventions que tous les Etats du monde leur accordent généreusement.

Extrait n°4 : Sur ce point, comme sur tant d'autres aujourd'hui, l'université donna le ton - ce qui, soit dit en passant, confirmait l'analyse de "Unabomber" pour qui les universitaires sont les meilleurs agents de la société qu'ils prétendent critiquer. En effet, tous les professeurs d'université, sollicités par la police pour évaluer le texte dont on cherchait à arrêter l'auteur, furent unanimes : non seulement ce texte ne répondait pas aux critères universitaires mais son auteur n'était pas des leurs.

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23 septembre 2020

"Cette pute me fera mourir..."

Saint-Simon, Cette pute me fera mourir

"Cette pute me fera mourir...", Mémoires du duc de Saint-Simon, Intrigues et passions à la cour de Louis XIV, de Saint-Simon.

4e de couverture : "Cette pute me fera mourir..." soupirait Marie-Thérèse, reine de France, épouse de Louis XIV, en regardant le Roi s'afficher avec la belle Montespan.
Le duc de Saint-Simon, qui a tout vu et tout entendu, raconte Versailles et ses brillants acteurs. Témoin de la grandeur du règne, il en explore aussi les coulisses : intrigues, scandales et anecdotes se mêlent aux récits des morts illustres. A la fois véridiques et visionnaires, ses Mémoires nous font entrer au Château et partager la vie de la cour et du Grand Roi avec un esprit, une verve, un génie inégalés.

Extrait n°1 : Le Roi s'informa des pièces et des acteurs, et demanda à Racine pourquoi, à ce qu'il entendait dire, la comédie était si fort tombée de ce qu'il avait vu autrefois. Racine lui en donna plusieurs raisons, et conclut par celle qui, à son avis, y avait le plus de part, qui était que, faute d'auteurs et de bonnes pièces nouvelles, les comédiens en donnaient d'anciennes, et, entre autres, ces pièces de Scarron qui ne valaient rien et qui rebutaient tout le monde.

Extrait n°2 : Il avait tous les vices de son frère. Sur la débauche il avait de plus que lui d'être au poil et à la plume, et d'avoir l'avantage de ne s'être jamais couché le soir depuis trente ans que porté dans son lit ivre mort, coutume à laquelle il fut fidèle le reste de sa vie. Il n'avait aucune partie de général ; sa poltronnerie reconnue était soutenue d'une audace qui révoltait.

Extrait n°3 : Parmi ces pensées, je sentais malgré moi un reste de crainte que le malade en réchappât, et j'en avais une extrême honte.

Extrait n°4 : Monseigneur, tel pour l'esprit qu'il vient d'être représenté, n'avait pu profiter de l'excellente culture qu'il reçut du duc de Montausier, et de Bossuet et de Fléchier, évêques de Meaux et de Nîmes. Son peu de lumières, s'il en eut jamais, s'éteignit au contraire sous la rigueur d'une éducation dure et austère, qui donna le dernier poids à sa timidité naturelle, et le dernier degré d'aversion pour toute espèce, non pas de travail et d'étude, mais d'amusement d'esprit, en sorte que, de son aveu, depuis qu'il avait été affranchi des maîtres, il n'avait de sa vie lu que l'article de Paris de la Gazette de France pour y voir les morts et les mariages.

22 novembre 2023

Ô vache d'un oignon : boustifailles méphitiques !

Ô vache d'un oignon : boustifailles méphitiques !

00 Titre

Poulet au Mont d'Or : un poulet, du Mont d'Or, le tout au four et accompagné de mauvaises frites et d'un bon Savagnin en écoutant du AC/DC. A déguster sous un soleil automnal pour un dimanche parfaitement décadent. Une recette recommandée par @captionde3.bsky.social !

Poulet au Mont d'Or

 Corne d'abondance02

3 avril 2020

L'eldorado de la méduse

L'eldorado de la méduse

Esclaves & champ de coton net

Que penser de ceci ?

Hier nous apprenons via l’ORTF de la bouche du préfet de Seine et Marne que celui-ci débauchera très prochainement les « réfugiés » de sa région pour les envoyer travailler auprès des maraîchers de cette même région, le tout encadré par des contrats « en bonne et due forme » c'est-à-dire au smic. Or « réfugiés » n’est plus utilisé depuis au moins 3 ans, les autorités et les médias utilisent unanimement « migrants » ; alors qu’entendre par « réfugiés » ? Là commence l’écoeurement.

Si ce préfet emploie sciemment ce mot cela signifie que la région mènera cette opération de secours aux maraîchers en détresse en s’adressant directement aux réfugiés enfermés dans les camps « centres d’hébergement » pour migrants gérés par sa bureaucratie, donc aux êtres qu’elle administre d’ores et déjà ; elle va aller piocher la main d’oeuvre dans les établissements-camps où elle a ses entrées, où les dossiers sont déjà prêts, où tout se mettra tranquillement en place en échange d’un peu de monnaie d’état*.

Donc quand le camembert ne peut plus disposer des 20 % de sales travailleurs étrangers qu’il fait venir chaque année pour récolter, l’Etat, et la coro-providence, met à sa disposition d’autres étrangers sans papiers qui bénéficieront exceptionnellement d’une autorisation d’existence administrative (d’existence tout court soyons clairs) pour soutenir l’effort national. Quelle mansuétude... En plus, tout le monde y trouvera son compte ! le travailleur est content d’accéder à la petite partie du code du travail que l’état daigne lui accorder…après tout l’Homme est un blanc comme nous… Et le maraîcher sera content de pouvoir TOUT récolter, mais aussi de pouvoir aider ces bonnes âmes perdues en Europe ; l’échange interculturel n’est plus très loin.

Donc nous vivons dans un pays sans classes où l’Etat peut mettre une catégorie de personne en mouvement et au travail par critère. Or ce critère c’est lui-même qui en est le recteur : tu n’as pas de papier Q, politiquement pour nous tu n’es pas même un mineur, tu ne peux pas te déplacer, c’est nous qui te déplaçons.

- oui, mais pourquoi me déplacer précisément aujourd’hui ?

- parce que, José, les bons français vont restés confinés chez eux jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de dangers pour eux et leur brillante progéniture pleine de génie et qu’en attendant c’est toi Monsieur pas de papier Q qui assurera le boulot ; peut-être nous prouveras-tu ainsi ton amour de la patrie en danger et peut-être qu’ainsi lors du prochain examen de ton dossier de candidature à la nationalité française cette passe d’armes en prairie jouera-t-elle en ta faveur, qui sait ?

C’est drôle, mais puisque « l’Union Sacrée » est entonnée tous les jours, eh bien allons y, filons la cette métaphore : qu’est ce qui est bronzé et qui meurt en première ligne ?

Ainsi deux nouveaux points Godwin se font jour : le Godwin 14-18 et le Godwin de l’Occupation que je ne qualifierai pas ici de peur de m’étouffer dans ma bile.

Donc dans la vie il y a les nous-autres, et puis il y a les sous-autres. CQFD

Et après quoi ? Quand les cantonniers ne voudront plus travailler les rues on enverra les 6 000 mandats de dépôt qui viennent de sortir de prison ? dans les entreprises seuls les mauvais employés rétifs seront mis au contact du client ennemi potentiellement contaminé ?

Que les foucaulâtres puissent y puiser la confiote prophétique qu’ils prisent ne change rien à l’affaire.

Je m’inquiète énormément. S’il y a un nous, Que devenons-nous ?

L’Etat vit en France comme chez lui.

R. me demande quelques préconisations. En bon idéologue précieux et faussement humble je lui réponds que je n’en ai aucune, or quel mytho ! Quand le confinement national sera fini, ou avant s’il le faut, je pose ma tente dehors, je squatte l’espace public jusqu’à ce que même les municipaux m’appellent par mon prénom, je m’associe trois ou quatre chiots que je fais vivre et courir à même Tréfilerie devant le Taudis, je fais le barbeuk devant la maison de l’armée, je fais pipi sur le consulat d’Algérie, caca devant la maison de l’université, je me bourre la gueule sur la chaussée, je vomis sur le passage piéton etc. jusqu’à ce que les autorités comprennent cette chose qui résume admirablement la situation présente et future : ON EST CHEZ NOUS !..

Si l’exécutif « maintient le cap », parce que le France est un bateau avec son capitaine et ses officiers et qu’il aime à « maintenir le cap », eh bien nous ne passerons pas le prochain hiver. Il faudra nécessairement tous les enculer sévèrement un par un. Nous aurons, entre autre, besoin d’une prose bien moins scato que celle présentée ici, et plus intelligente, mais nous n’aurons pas non plus besoin de cette prose évangélique expiatoire débile qui fleurit partout.

Car Peter Steele l’a prédit et chanté il y a 20 ans : « une apocalypse frigide » ; et non pas une belle Parousie avec descente du messie et jugement dernier rococo-gothique auréolé.

Ne jouez pas vos notes en tas !!

José, le mangeur de pain standard

* Par monnaie d’état nous entendons qu'il y a des emplois capitalistes réalisés en monnaie de capitaux, et des échanges non marchands, d'état, réalisés dans une monnaie symbolique : aussi un impôt n'est rien de mieux que cette monnaie d'état, qui signifie la force de travail : et sinon cette monnaie n'a aucune valeur : c'est une monnaie de pauvre.

Camp de réfugiés en France, Paris

11 décembre 2017

Un seul héros, le peuple !

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Un seul héros, le peuple !

La contre-insurrection mise en échec par le peuple algérien en décembre 1960

Un livre, un site, un film

Mathieu Rigouste a donc le projet de réaliser un documentaire, un livre et un site afin de mener une enquête indépendante sur, pour le dire vite, la libération du peuple algérien par lui-même, et d'en offrir les résultats. Nous soutenons cette excellente initiative, et recommandons d'aller le soutenir de même, si vous le souhaitez, en vous rendant sur cet espace dédié : Un seul héros, le peuple !

Pour mémoire, Mathieu Rigouste est l'auteur, entre autres choses, des ouvrages suivant : "L'ennemi intérieur : La généalogie coloniale et militaire de l'ordre sécuritaire dans la France contemporaine" (éditions La Découverte, 2009) / "Les marchands de peur : La bande à Bauer et l'idéologie sécuritaire" (éditions Libertalia, 2011) / "Théorème de la hoggra : Histoires et légendes de la guerre sociale" (chez BBoyKonsian, coll. « Béton arméE », 2011) / "La domination policière : Une violence industrielle" (éditions La Fabrique, 2012) / "Le marché global de la violence" (éditions Lux, 2015) / "État d'urgence et business de la sécurité" (éditions Niet, 2016)

Un Seul Heros Le Peuple. Bande Annonce - Appel à Soutien from Lepeuple Unseulheros on Vimeo.

2 avril 2020

Le salaire de la peur

Georges Arnaud, Le salaire de la peur

Le salaire de la peur, de Georges Arnaud.

Avertissement : Les apaches démodés se font tatouer au front le mot "Fatalitas". Mais le fatum latin n'a rien à voir dans cette hideuse et aveugle malchance par quoi ils aiment à expliquer leurs déboires. Le destin sait ce qu'il fait. Il est même méticuleux. 
Un tropical tramp, un jour ou l'autre, perd une jambe dans la gueule d'un requin ; contracte la lèpre ; vêtu d'un scaphandre, cherche des diamants dans un rio par six mètres de fond, avec, aux postes de sécurité, un équipier douteux. Ce n'est pas au hasard qu'on entre dans ces professions. Que de gens à qui une telle chose ne saurait arriver. 
Le destin prend son homme au berceau. 

A chacun de ces hommes est souvent ménagé un tête-à-tête avec sa propre mort. Elle porte des visages divers. Insidieuse, morne et terne aux jours de maladie et de misère ; muette, fluide aussi ; ou bien hurlante et ostentatoire. C'est, la nuit, un triangle du ciel où il n'y a pas d'étoiles. C'est aux bords d'une rivière claire comme celle d'Europe, le parasite mortel qui rongera les chairs. Peut-être autre chose. Le sujet de ce livre, par exemple. 
Ce n'est pas toujours la mort qui gagne. Mais, dès qu'elle redevient présente, le mot "là-bas" prend sa valeur. Oubliés, évanouis, gens et choses de là-bas : d'avant. Sur eux, les portes sont tirées. 
Alors, sans liens extérieurs, sans décors - du moins s'il en existe, n'ont-ils pas d'importance - la tragédie se noue entre l'homme et sa peur que, fuyant sa prison, il emmène avec lui, volens, nolens ; en bon français : Invitus invitam... Pour l'exprimer, les tramps ont rejeté les vrais mots ; ils emploient le blasphème et l'injure. De même, ils refusent de penser ; leur âme ne les intéresse pas. 
Parmis eux, l'homme intelligent, c'est celui qui tire au bon moment. La sensibilité a place au volant d'un camion. Il y a aussi un lyrisme de la pioche et de la battée. 
A ras de terre, ils vivent sous le soleil du tropique, d'une existence virile et triviale, en ombre chinoise. Ils ont dépouillé jusqu'à la sécheresse le faux pittoresque des prestiges empruntés.
Telle est la poétique du risque salarié.

Extrait n°1 : Ce qu'il y a d'empoisonnant, c'est de toujours regarder à ses pieds pour voir si on ne perd pas son chemin.

Extrait n°2 : La marihuana agissait. Jacques, depuis un quart d'heure, se prenait pour Franco. Il avait également décidé que l'indien à la pelade n'était autre qu'Evita Peron, l'épouse capiteuse du dictateur argentin.

Extrait n°3 : Le choix était pour eux bien simple : partir ou crever. Ils ne pouvaient partir, ils refusaient absolument de crever.

Extrait n°4 : Tant qu'il y a du squelette, il y a de l'espoir ; reste du moins une forme humaine. Un squelette, c'est une marchandise, négociable et tout, même transformable : on peut vendre, acheter, habiller un squelette. Il y a des marchands de squelettes, pour les étudiants en médecine et les Facultés. Tandis que cette boue qui se dispersera...

Extrait n°5 : Il est de cette race de types qui n'acceptent jamais ; qu'il faut assommer pour les porter à l'échafaud, qui, sur leur lit de mort, discutent le prix de leurs propres funérailles avec l'employé des Pompes funèbres.

7 avril 2020

Non assistance à peuple en danger

Non assistance à peuple en danger

Mad Marx

 En réaction à l’impéritie des gouvernants français face au coronavirus, les critiques pleuvent et les dépôts de plaintes se multiplient. Depuis que la pandémie a été officiellement reconnue comme telle, il n’est pas un jour sans que de nouvelles accusations surgissent contre les représentants de l’État : irresponsabilité, incapacité, imprévoyance, aveuglement, explications contradictoires, mensonges éhontés, silences complices, amnésie simulée, statistiques truquées, destruction programmée des services publics de santé, inféodation aux cliniques et aux laboratoires privés… Avec le refus des soi-disant «autorités» françaises d’appliquer un médicament, la chloroquine, qui semble pourtant avoir fait ses preuves, sous prétexte qu’il n’est pas homologué par un «conseil scientifique» suspecté de complaisance voire de docilité à l’égard d’un pouvoir politique lui-même soumis à big pharma, l’obligation imposées aux soignants, de manière plus ou mois implicite mais de plus en plus évidente, de faire le tri entre les malades à sauver et ceux considérés comme perdus, suscite une indignation accrue de la part d’une «opinion publique» qui s’en laisse de moins en moins conter par les médias dominants.

Voilà bien ce qui devrait inciter à écourter au plus vite un mandat présidentiel qui n’a déjà que trop duré : celui d’Émmanuel Macron. Encore faudrait-il toutefois que ce que l’on appelle «l’opposition», de gauche notamment, cesse de se complaire, comme elle l’a fait jusqu’ici, en critiques dont la virulence n’a d’égal que l’innocuité pratique. Hélas, on en est loin.

Bréviaire de l’alter-capitalisme citoyenniste, Le Monde diplomatique n’a pas dérogé à la ligne idéologique qui est la sienne : dans le dossier qu’il se devait de confectionner sur un événement dont les pouvoirs en place s’autorisent pour boucler chez elle, faute de mieux, la majeure partie de la population qui, par leur faute, survit tant bien que mal à la pandémie, on chercherait en vain trace d’une quelconque incitation, fût-elle euphémisée dans le langage diplomatique qui convient, à la sédition populaire. Si l’on en croit l’éditorial pondu à cette occasion sous le titre martial, Dès maintenant !, par Serge Halimi, le directeur de rédaction, cette catastrophe planétaire devrait rendre urgente la formation d’«une coalition politique anticapitaliste assez puissante pour imposer, dès maintenant, un programme de rupture». On sait pourtant, aux vu des précédents, qu’il ne ferait, une fois de plus, qu’obéir au précepte qui assure depuis des lustres au capitalisme sa pérennité : le changement dans la continuité[1].

Plus à gauche, si l’on peut dire, Lundi matin n’est pas en reste. Bible des adeptes de ce que l’un de ses inspirateurs, l’ex-situ Raoul Vanneighem appelle sans rire le «pacifisme insurrectionnel», oxymore de son cru qui condense de manière cocasse l’impasse contradictoire où aime batifoler depuis un demi-siècle la rebellitude de confort, l’un des contributeurs du site régale ses lecteurs d’une alternative innovante : «L’économie ou la vie». Ponctuée elle aussi d’un «Maintenant» viril, sans point d’exclamation mais asséné et répété avec l’énergie factice dont les anarchoïdes aiment à faire montre dans leurs proclamations sans lendemains qui chantent, elle est censée renvoyer à un passé irrémédiablement dépassé celle posée par Rosa Luxembourg depuis la prison où son refus de la guerre l’avait conduite : «Socialisme ou barbarie ?»[2].

En guise d’alternative, non pas au capitalisme, qui risque de sortir une fois encore indemne de la «crise» avec de pareils opposants, mais au communisme, décrété d’un autre âge, notre gogôche écologisée et, osons le dire, egologisée jusqu’à la moelle, nous offre le retour au «commun», aux «communaux» voire à la «commune» — dépouillée bien sûr des réminiscences sanglantes laissées par son écrasement au printemps 1871 —, aménagés dans les espaces interstitiels sous le signe du «partage» et de la «coopération», que la classe dirigeante, dans sa bienveillance, c’est-à-dire pour avoir la paix, aura abandonnés aux bons soins de ceux qui ne lui reprochent finalement que de régner sans partage.

C’est ainsi, parmi d’autres exemples que l’on pourrait multiplier, qu’un contributeur occasionnel du Diplo, chercheur en anthropologie politique de son état… et d’État, convié lui aussi à tirer les leçons de la pandémie et de sa gestion calamiteuse, croit discerner «la société du futur vivable» comme «organisée par des entités petites et conviviales […]»[3]. Une autre contributrice au même mensuel, régulière celle-là, n’y va pas par quatre chemins en empruntant celui, allant dans le même sens, tracé par un autre anthropologue dans la forêt mexicaine des Chiapas pour y puiser son modèle d’«espaces libérés» chez les Indiens zapatistes — en omettant fortuitement qu’ils l’ont été les armes à la main[4]. Pour «réinventer l’humanité…», intitulé pour le moins ambitieux de cette contribution, «c’est bien sûr [sic] d’abord au local, dans de petites communautés, que peut s’élaborer ainsi, “de manière balbutiante”, un autre mode du vivre ensemble, convergence entre la capacité coopérative et l’épanouissement des singularités»[5]. En réalité, c’est à réinventer le fil à couper un beurre devenu rance qu’est consacré cet article, celui des «espaces infinis qui s’ouvrent à l’autonomie», en fait des enclaves exigües autogérées, qu’avaient cru découvrir il y a un demi siècle Gilles Deleuze et Félix Guattari, deux des mentors en vue de la mouvance anarcho-désirante issue du reflux de la «contestation» soixante-huitarde, ancêtre de la nouvelle vague anarchoïde contemporaine.

Découvrant sur le tard le caractère avant tout destructeur du mode de production capitaliste, tout ce petit monde lettré qui se dit «degôche», très représentatif de la «classe moyenne éduquée», c’est-à-dire d’une petite bourgeoisie intellectuelle velléitaire à bout de souffle historique, ne trouve ainsi rien de mieux à faire, plutôt que de chercher à en finir avec le capital en commençant par appeler à évincer sans préavis ses fondés de pouvoir à la faveur d’une «crise sanitaire» que ceux-ci n’ont fait qu’aggraver, que d’ériger prudemment sa petitesse en mesure du monde au moment où la mondialisation capitaliste, presque parachevée, produit ses effets les plus délétères. Et cela en recyclant en douce le vieux slogan small is beautiful pour habiller de neuf et valoriser sous le signe d’une «émancipation heureuse»[6] un anticapitalisme de pacotille.

Dans ce numéro printanier du Diplo décidément riche en inepties politico-idéologiques, figure un autre article, inspiré de part en part par un citoyennisme exacerbé. Sous la double signature d’un «constituant» invétéré et d’un pilier féminin du journal, experte en démocratie représentative, il en ressort que «le rapport de forces idéologique et les luttes populaires doivent trouver leur expression dans les nouvelles institutions sous peine de les voir surgir sous d’autres formes»[7]. Des formes violentes véritablement effrayantes dont «les attaques de domiciles des élus de la majorité durant l’été 2019 et l’hiver 2019-2020 constituent le symbole» ou, horresco referens, les «guillotines de carton» construites par des gilets jaunes en furie. Pour prévenir de tels «excès» et d’autres plus terribles encore, rien de tel qu’un «changement d’institutions» qui s’appuierait sur «une reconstruction du peuple républicain, c’est-à-dire une réappropriation de la chose publique par les citoyens». Comment ? «En construisant le rapport de forces, le mouvement social» qui «doit, comme toujours [sic], faire évoluer le droit», et non, au grand jamais, mettre un terme définitif au règne de la bourgeoisie. «La Ve République en coma politique», tel est l’intitulé de ce papier soporifique. Mais que dire alors de cette gauche bien pensante dont les duettistes assoupis du Diplo qui l’ont signé sont de parfaits représentants ! Rappelons-nous à cette occasion le couplet final du Mariage de Figaro de Beaumarchais :

"Or, Messieurs la comédie
Que l’on juge en cet instant,
Sauf erreur, nous peint la vie
Du bon peuple qui l’entend.
Qu’on l’opprime, il peste, il crie,
Il s’agite en cent façons,
Tout finit par des chansons..."

Au Diplo, tout doit finir — sauf, bien sûr, le capitalisme — par des élections qui accoucheront d’une nouvelle constitution.

Jean-Pierre Garnier 

Après la crise covid19 tous dans la rue net

Notes :

1 - Les gens qui n’ont la mémoire aussi courte que la vue, se souviendront peut-être de la célèbre proclamation d’une fripouille politicienne rescapée de la IVe République, François Mitterrand, lors du congrès fondateur du PS à Épinay en 1971 :« Celui qui n'accepte pas la rupture avec l'ordre établi, avec la société capitaliste. Celui-là, je le dis, ne peut pas être adhérent du Parti socialiste.» À cet égard, Halimou se montre fidèle à la tradition de ce qui deviendra la deuxième droite.

2 - Le NPA, dont on se demande toujours en quoi consiste la nouveauté dont il se réclame en matière d’anticapitalisme, mis à part l’électoralisme et le goût pour les plateaux de télévision de ses deux leaders, semble infirmer ce jugement. «Encore et toujours, socialisme ou barbarie», pouvait-lire récemment en une de son site. Suivaient quelques extraits de la prose de Rosa qui «résonnent toujours en cette période de coronavirus». Le hic est que la virulence des propos cités de la révolutionnaire allemande contre la bourgeoisie de l’époque contraste singulièrement avec la fadeur, sur le fond comme dans la forme, de la prose lâchée par les falots héritiers hexagonaux de Trotski contre le «macronisme».

3 - Denis Duclos, «Viralité et confinement», Le Monde diplomatique, avril 2020.

4 - Jérôme Baschet, « Une juste colère . Interrompre la destruction du monde », Divergences, 2019.

5 - Evelyne Pieiller, «Réinventer le monde…», Le Monde diplomatique, avril 2020.

6 – Ibid.

7 - André Bellan et Anne-Cécile Robert, «La Ve République en coma politique», Le Monde diplomatique, avril  2020.

27 juin 2022

LTI, la langue du IIIe Reich

Victor Klemperer, LTI, la langue du troisième ReichLTI, la langue du IIIe Reich, de Victor Klemperer.

4e de couverture : Le philosophe allemand Victor Klemperer s'attacha dès 1933 à l'étude de la langue et des mots employés par les nazis. En puisant à une multitude de sources (discours radiodiffusés d'Adolf Hitler ou de Joseph Paul Goebbels, faire-part de naissance et de décès, journaux, livres et brochures, conversations, etc.), il a pu examiner la destruction de l'esprit et de la culture allemands par la novlangue nazie. En tenant ainsi son journal, il accomplissait aussi un acte de résistance et de survie.
En 1947, il tirera de son travail ce livre : LTI, Lingua Tertii Imperii, la langue du IIIe Reich, devenu la référence de toute réflexion sur le langage totalitaire. Sa lecture, à près de soixante-dix ans de distance, montre combien le monde contemporain a du mal à se guérir de cette langue contaminée, et qu'aucune langue n'est à l'abri de nouvelles manipulations.

Extrait n°1 : On cite toujours cette phrase de Talleyrand, selon laquelle la langue seraait là pour dissimuler les pensées du diplomate (ou de tout homme rusé et douteux en général). Mais c'est exactement le contraire qui est vrai. Ce que quelqu'un veut délibérément dissimuler, aux autres ou à soi-même, et aussi ce qu'il porte en lui inconsciemment, la langue le met au jour. Tel est sans doute aussi le sens de la sentence : Le style c'est l'homme ; les déclarartions d'un homme auront beau être mensongères, le style de son langage met son être à nu.

Extrait n°2 : Jamais traité d'imposture cléricale - au lieu d' "imposture cléricale", la LTI dit "propagande" - n'aura été écrit avec une franchise plus impudente que le Mein Kampf de Hitler.

Extrait n°3 : Là où, autrefois, on aurait dit ou écrit par exemple "passionnément", on trouvait à présent "fanatiquement". Ainsi apparut nécessairement un certain relâchement, une espèce d'avilissement du concept. Dans ladite monographie consacrée à Göring, le maréchal du Reich est célébré, entre autres, comme un "ami fanatique des animaux". (La connotation critique que comportait l'expression "artiste fanatique" est ici totalement annulée, puisque Göring est toujours dépeint comme l'homme le plus avenant et le plus sociable qui soit.)
Reste à savoir si, en perdant de sa vigueur, le mot a aussi perdu de son poison. On pourrait répondre affirmativement en alléguant que "fanatique" s'est désormais chargé sans qu'on n'y prenne garde, d'un sens nouveau, qu'il s'est mis à désigner un heureux mélange de bravoure et de dévouement passionné. Mais il n'en est rien. "Langue qui poétise et qui pense à ta place..." Poison que tu bois sans le savoir et qui fait son effet - on ne le signalera jamais assez.

Extrait n°4 : Il va de soi qu'à son acmé, la LTI doit être une langue de croyance, puisqu'elle vise au fanatisme.

Extrait n°5 : On a prétendu que l'idéal humaniste avait préservé (du côté nazi on dit "privé") les romantiques des conséquences logiques de leur affirmation de l' "élection" du peuple germanique. Mais, surchauffée jusqu'au nationalisme et jusqu'au chauvinisme, la conscience nationale fait fondre ce bouclier de protection. Le sentiment de solidarité avec l'ensemble de l'humanité est complètement perdu. La valeur humaine est tout entière contenue dans le peuple allemand - quant à ses adversaires : "Tuez-lez ! Le tribunal du monde ne vous demande point vos raisons !"
Pour les poètes des guerres d'indépendance, cet ennemi des Allemands, qu'il faut tuer, c'est le Français.

24 novembre 2023

Trentième festivité : Argent TINA !

Trentième festivité : Or donc, comme les choses dans le monde allaient bon train, une vaste contrée du ponant méridional organisa une fois encore des élections présidentielles, dans l'espoir d'y voir s'imposer là-aussi tout ce qui faisait déjà presque partout ailleurs l'immense amélioration continue de l'existence de tout un chacun, et le sel de la vie posé sur les rayons des mercaturales. Ainsi vit-on arriver au pouvoir en Argentine, non sans que certains feignissent la surprise, un fanatique notoire de la collusion de l’État avec la grande industrie capitaliste, autrement nommé à présent un libertarien, et la plupart des dirigeants mondiaux s'en félicitèrent ; on n'ignorait pas, en effet, dans les hautes sphères de la domination mondiale, qu'on pouvait changer le nom d'une chose quand cette chose elle-même perdurait pleinement, et qu'un libertarien après tout n'était qu'un bon fasciste au service de la haute bourgeoisie impérialiste – Javier Milei allait régner en Argentine : la souffrance du peuple, après tout, devait bien finir par se rendre utile aux riches !

The TINA doctrine

22 octobre 2020

La Révolution russe

Rosa Luxemburg, La Révolution russe

La Révolution russe, de Rosa Luxemburg.

4e de couverture : Alors qu'elle est emprisonnée, la théoricienne marxiste Rosa Luxemburg étudie le déroulement de la Révolution russe et en tire les leçons. Son enthousiasme et son soutien total au bolchevisme ne sont néanmoins pas exempts de critiques, notamment en ce qui concerne l'autoritarisme du régime mis en place par Lénine. Ce travail d'analyse ne sera pas achevé, et ses notes ne seront publiées qu'après sa mort. A chacun, donc, d'interpréter ce qui relève d'une pensée en mouvement de ce qui est jugement définitif... / Rosa Luxemburg, née de parents juifs polonais en 1870, prend la nationalité allemande en 1898. Incarcérée durant la Première Guerre mondiale à cause de son engagement pacifiste, elle a participé à l'insurrection spartakiste de janvier 1919 à Berlin, où elle meurt assassinée.

Extrait n°1 : Ce n'est pas l'aventure guerrière de l'impérialisme allemand, sous l'écusson idéoogique de la social-démocratie allemande, qui a provoqué la révolution en Russie. Elle n'a fait au contraire que l'interrompre pour quelques temps, à ses débuts, après la première vague des années 1911-1913, et lui créer ensuite les conditions les plus difficiles et les plus anormales.

Extrait n°2 : En réalité, ce qu'ont démontré la guerre et la Révolution russe, ce n'est pas le manque de maturité de la Russie, mais l'incapacité du prolétariat allemand à remplir sa mission historique ; et faire ressortir ce fait avec toute la netteté désirable est le premier devoir d'une étude critique de la Révolution russe.

Extrait n°3 : D'autre part, ce n'est que de cette manière qu'apparaît l'importance décisive de l'action internationale de la révolution prolétarienne - comme une condition essentielle, sans laquelle les plus grands efforts et les plus sublimes sacrifices du prolétariat dans un seul pays doivent inévitablement tomber dans un tourbillon de contradictions et d'erreurs.

Extrait n°4 : Or le mot d'ordre lancé par les bolcheviks : prise immédiate et partage des terres par les paysans, devait agir précisément dans le sens inverse. Car non seulement ce n'est pas une mesure socialiste, mais elle barre la route qui y mène, elle accumule devant la transformation socialiste de l'agriculture des difficultés insurmontables.

Extrait n°5 : Mais ce n'est pas tout : par cette mesure et la façon chaotique, purement arbitraire, dont elle fut appliquée, les différences sociales dans les campagnes n'ont pas été supprimées, mais aggravées au contraire.

4 juin 2013

L’écœurement n°04, la revue du désœuvrement actif

 Couv revue l'écoeurementn°4 copiernet

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L'écoeurement n°04

Sommaire

Page 3 à 5 : Edito (Léolo)

Page 7 à 16 : L'architecture entre le politique et la politique (Jean-Pierre Garnier)

Page 17 à 19 : Nous sommes la race des survivants (L'un-nous d'entre nous-autres)

Page 21 à 29 : Compte-rendu de la soirée sur la punition (Manuela Rodriguez)

Page 31 à 40 : Le nouvel ordre local (Jean-Pierre Garnier)

Page 41 à48 : L'usager sans usage (Léolo)

Page 49 à 50 : De la présence-absente et de la tyrannie des dispositifs (Jordan)

4 juin 2013

Tiqqun 2

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Tiqqun - Organe de liaison au sein du Parti Imaginaire

Ce n’est pas une société qui est en crise, c’est une civilisation qui est à son terme, et peut-être même au-delà. La façon dont tout devient si problématique, dans cette époque, dit seulement à quel point les évidences qui la soutenaient se sont volatilisées. La politique fut une de ces évidences, une invention grecque qui se condensait en une équation : tenir une position, c’est prendre parti, et prendre parti, c’est déclencher la guerre civile. Guerre civile, position, parti, c’était un seul mot en grec, stasis. Et la politique, c’était l’art de conjurer la stasis.

En fouillant les décombres de la civilisation, nous avons découvert ceci : la guerre civile n’est pas ce qui menace, ce qui se déclenche, ce dont on entend au loin approcher la rumeur. La guerre civile est ce qui est là, sous nos yeux, de toute éternité. Il n’y a pas l’ordre et le désordre. Il y a depuis toujours une pluralité d’ordres, en lutte plus ou moins réglée. Mais ce qu’il y a surtout, c’est un écran de concepts morts-nés dressés à la seule fin de masquer cette lutte . Nous leur réglons ici leur compte.
Introduction à la guerre civile, comprenez : introduction à un autre régime de la perception, à une autre profondeur de la réalité.

 

Sommaire

- Introduction à la guerre civile

- L'hypothèse cybernétique

- Thèses sur la communauté terrible

- Le problème de la tête

- "Une métaphysique critique pourrait naître comme science des dispositifs..."

- Rapport à la S.A.S.C. concernant un dispositif impérial

- Le petit jeu de l'homme d'Ancien Régime

- Echographie d'une puissance

- Ceci n'est pas un programme

- Comment faire ?

 

25 juin 2013

LQR - La propagande du quotidien

LQR (2006)

LQR - la propagande du quotidien, de Eric Hazan, 2006.

Extrait n°1 : Il est vrai que la LTI, création des services dirigés par Goebbels, était étroitement contrôlée par les organes de sécurité nazis alors que la LQR évolue sous l'effet d'une sorte de darwinisme sémantique : les mots et les formules les plus efficaces prolifèrent et prennent la place des énoncés moins performants. La langue du IIIe Reich disait  de la façon la plus "vulgaire" possible le racisme le plus sauvage ; la LQR cherche à donner un vernis de respectabilité au racisme ordinaire. La LTI visait à galvaniser, à fanatiser ; la LQR s'emploie à assurer l'apathie, à prêcher le multi-tout-ce-qu'on-voudra du moment que l'ordre libéral n'est pas menacé. C'est une arme postmoderne, bien adaptée aux conditions "démocratiques" où il ne s'agit plus de l'emporter dans la guerre civile mais d'escamoter le conflit, de le rendre invisible et inaudible.

Extrait n°2 : L'autre fonction de l'euphémisme consiste à prendre un mot banal, à en évacuer progressivement le sens et à s'en servir pour dissimuler un vide qui pourrait être inquiétant. Soit par exemple, pour cette fonction de masque, l'omniprésente réforme : en LQR, le mot a deux usages principaux. Le premier est de rendre acceptable le démantèlement d'institutions publiques et l'accélération de la modernisation libérale : "Seule la mise en place immédiate et accélérée d'un programme de réformes peut rétablir notre situation économique", écrit Ernest-Antoine Sellière dans Le Monde du 1er juin 2005, au lendemain du référendum sur la Constitution européenne. Et dans le même journal, Edouard Balladur, ancien premier ministre, livre une belle dénégation : "Qui dit réforme ne dit pas nécessairement injustice, bien au contraire" (17 août 2005). Dans son autre usage, réforme est une manière pour les gouvernants de signifier, face à une question vraiment litigieuse, que la décision est prise de l'enterrer sous les enquêtes, rapports et travaux de commissions. Le lobby des constructeurs contraint-il le ministre de l'Ecologie à abandonner son projet de "malus" pour l'assurance des voitures neuves les plus polluantes ? "Il a confirmé que deux groupes de travail parlementaires seraient mis en place d'ici fin septembre pour étudier cette réforme et que des discussions auraient lieu." Les députés refusent-ils les CV anonymes proposés par Claude Bébéar, l'ancien P-DG d'Axa ? Jean-Louis Borloo, ministre de la Cohésion sociale, annonce que cette réforme (le projet d'anonymat) sera étudiée par une commission technique sous l'autorité de l'ancien président du Haut Conseil de l'intégration et patron de Saint-Gobain, Roger Fauroux. Bref, derrière réforme, il n'y a rien que du vide.

Extrait n°3 : Il entre souvent une part de comique involontaire dans ces efforts de promotion à tout prix. A une époque où l'on compte un nombre inhabituel d'escrocs et de menteurs au plus haut niveaux des grandes sociétés, des partis et de l'Etat, où l'on ne sait plus si le mot affaires a trait aux activités économiques ou aux scandales financiers, les oligarques et leur personnel de haut rang sont présentés dans les médias comme nos élites. Dans l'éditorial de Libération paru le lendemain du référendum constitutionnel, Serge July écrit que les partisans du non ont rejeté "la construction européenne, l'élargissement, les élites, la régularisation du libéralisme, le réformisme, l'internationalisme, même la générosité". Le même jour (30 mai 2005), on pouvait lire dans Le Parisien : "Le résultat - que Michelle Alliot-Marie tient pour 'une défaite de la France' - est donc, pour les élites, un désaveu cruel." Le 1er juin, Alain-Gérard Slama affirmait sur France Culture que "La victoire du non consacre le discrédit dans lequel nos élites sont tombées". Le 2 juin, Le Nouvel Observateur titrait en couverture : "Le pouvoir rejeté, les élites désavouées, l'Europe sanctionnée" et, dans le même numéro, Jacques Julliard notait dans sa chronique : "Dans tous les cas, c'est le contrat national qui est gravement atteint... La faute en incombre d'abord aux élites." Remplaçant presque naïvement, sans guillemets ni ironie aucune, le syntagme caste dominante, le terme d'élites aligne le vocabulaire "politique" sur celui des commentaires sportifs où il est depuis longtemps question - à juste titre d'ailleurs - de l'élite du cyclisme italien ou du football brésilien.

 

4 février 2014

Les Ignorants

Les-Ignorants (2011)

Les Ignorants, récit d'une initiation croisée, de Etienne Davodeau, 2011.

4ième de couverture : Etienne Davodeau est auteur de bande dessinée, il ne sait pas grand chose du monde du vin. Richard Leroy est vigneron, il n'a quasiment jamais lu de bande dessinée.

Mais ces deux-là sont pleins de bonne volonté et de curiosité. Pourquoi choisit-on de consacrer sa vie à écrire et dessiner des livres ou à produire du vin ? Comment et pour qui les fait-on ?

Pendant plus d'une année, pour répondre à ces questions, Etienne est allé travailler dans les vignes et dans la cave de Richard, lequel, en retour, s'est plongé dans le monde de la bande dessinée.

Ils ont ouvert de nombreuses bouteilles et lu pas mal de livres. Ils se sont baladés, à la rencontre d'auteurs et de vignerons passionnés par leur métier.

Etienne Davodeau fait le pari qu'il existe autant de façons de réaliser un livre qu'il en existe de produire un vin. Il fait le constat que l'un et l'autre ont ce pouvoir, nécessaire et précieux, de rapprocher les êtres humains.

C'est le joyeux récit de cette initiation croisée que vous propose Les Ignorants.

 

Extrait n° 1

Les ignorants extrait 1

 

Extrait n°2

Les ignorants extrait 2

 

Extrait n°3

Les ignorants extrait 3

 

Extrait n°4

Les_ignorants_extrait_4

26 mars 2020

Le capitalisme de la séduction

Le capitalisme de la séduction, Clouscard

Le capitalisme de la séduction, critique de la social-démocratie libertaire, de Michel Clouscard.

4e de couverture : La crise actuelle s'avère l'ultime expression de la négation du procès de production : prévalence des actionnaires sur les producteurs, prépondérence des services en Occident et "usine du monde" délocalisée partout ailleurs etc. Si cette négation tyrannique a été intériorisée même par ses victimes, c'est qu'elle est au résultat de ce long dressage que réalisa le "libéralisme libertaire", dont Michel Clouscard a le premier théorisé le concept.

Pour faire pièce au progressisme issu de la Résistance, il s'agissait pour le capitalisme, avec le Plan Marshall, de créer un modèle "permissif pour le consommateur", mais toujours aussi "répressif envers le producteur". Ce fut alors d'une part l'initiation d'un "marché du désir", dont le Mai 68 sociétal a été ensuite le promoteur décisif, et qui eut tôt fait de réduire le désir au marché, et d'autre part le surgissement de nouvelles couches moyennes, tampon entre le capital et le travail et cibles de ce marché. Le modèle de consommation libidinal, ludique et marginal pour le happy few fut alors décrété seul horizon d'émancipation. "Tout est permis mais rien n'est possible."

Relire cette oeuvre monumentale, c'est donc se réapproprier notre histoire jusqu'à la crise actuelle.

Extrait n°1 : Ce qui était censé être l'opposition au pouvoir va devenir l'alibi même du pouvoir. C'est le principe du pourrissement de l'histoire. Et le triomphe de la "bête sauvage" : la société civile.

Extrait n°2 : La farouche guerre des sexes n'est qu'une querelle de consommateur.

Extrait n°3 : Tous, ayant voulu le même modèle sélectif, se retrouveront dans la même culture de masse. Celle-ci, fondamentalement snob, se dira populaire.

Extrait n°4 : Le droit à la différence - ce fameux droit à la différence revendiqué avec tant de passion par les doctrinaires du libéralisme - va permettre de situer les nouvelles hiérarchies sociales. Celles du potlatch de la consommation mondaine. Différences qui ont fonction idéologique de "dépasser" les hiérarchies du procès de production : les classes sociales. Droit à la différence qui prétend rendre subsidiaire le critère de classification selon ces classes sociales. Des stratifications d'une autre époque, révolue, nous dira-t-on.

Nous avons déjà constaté que les différences définies par le procès de consommation n'étaient que des corporatismes de consommateurs. Le droit à la différence se révèle n'être qu'une stratégie de diversion, de séduction, d'intégration.

13 novembre 2020

La Cité future

Antonio Gramsci, La cité future

La cité future, de Antonio Gramsci.

4e de couverture : Journal à numéro unique paru en février 1917, entièrement rédigé par Antonio Gramsci, La Cité future est une oeuvre inclassable publiée intégralement en français pour la première fois.
Fruit d'une pensée rigoureuse et inventive, ces textes vont du simple tract à l'article de fond, de l'aphorisme au billet d'humeur passionné, du conseil de lecture à l'essai explorateur de pistes.

Préface de André Tosel :

Extrait n°1 : Dans un PSI divisi, impuissant face au désordre qui accompagne la guerre, débordé par un fort nationalisme - le directeur de l'Avanti ! Benito Mussolini a fait dissidence pour créer un mmouvement populiste, le fascisme qui se veut transclassiste et subordonne le social au national -, le jeune Gramsci remet en cause une action politique qui demeure subalterne aux forces dirigeantes industrielles et agrariennes, qui ne dépasse pas un double enfermement dans un parlementarisme corrompu par le transformisme et dans un mouvement syndical étroitement économiciste.

Extrait n°2 : Pour Gramsci la culture en tant que culture du socialisme est critique de toute la civilisation devenue capitaliste, tout comme le socialisme devenu culture s'oriente selon une discipline nouvelle, celle de créateur d'un ordre intégral délivré des privilèges, des préjugés et des idôlatries anciens et modernes.

Gramsci :

Extrait n°1 : L'avènement de la guerre a secoué comme l'aurait fait un coup de vent les indifférents, les jeunes qui jusqu'à hier se fichaient de tout ce qui était solidarité et discipline politique. Mais cela ne suffit pas, cela ne suffira jamais. Il faut toujours grossir les rangs et les serrer.

Extrait n°2 : Les jeunes sont comme les vélites légers et courageux de l'armée prolétarienne qui vont à l'assaut de la vieille cité pourrie et chancelante pour faire surgir de ses ruines la nouvelles cité.

Extrait n°3 : Le sens commun, le très balourd sens commun, prêche habituellement qu'il est mieux d'avoir un oeuf aujourd'hui qu'une poule demain. Le sens commun est un terrible négrier des esprits.

Extrait n°4 : On voulait, avec l'utopie, présenter une mise en ordre du futur qui fut bien coordonnée, bien polie, et enlever l'impression du saut dans l'inconnu. Mais les constructions sociales utopiques se sont toutes écroulées parce que, polies comme elles l'étaient et bien mises en ordre, il suffisait de démontrer qu'un détail n'était pas fondé pour les faire s'écrouler dans leur totalité.

Extrait n°5 : On ne conçoit pas une volonté qui ne soit pas concrète, c'est-à-dire qui n'ait pas un but. On ne conçoit pas une volonté collective qui n'ait pas un but universel concret.

7 février 2024

Aurora

Michel Leiris, Aurora

Aurora, de Michle Leiris.

4e de couverture : Rédigée en 1927-1928, publiée en 1946, Aurora, à la fois exploration périlleuse des rêves, longue hallucination du corps des femmes, expérimentation du langage, confiance absolue ajoutée au pouvoir de l'imagination, contient en outre le premier en date des récits autobiographiques de Michel Leiris, donné ici sous l'anagramme, si prestigieux, de Damoclès Siriel.
Comme jadis Rome vouait le supplicié à l'escalier des Gémonies, dans ce tumultueux roman d'amour la langue soumet le narrateur, entre l'avant-dernière marche et la rampe-cordelière, la panoplie et la gravure désuète, le souvenir des livres et la profondeur énigmatique d'un corps, à la libre sauvagerie du nom de l'héroïne. Aurora, fille d'Hypérion, sœur du soleil, mère des Vents et des Astres, selon les formes que son nom revêt (Eau-Rô-Râh, OR AUX RATS, Horrora, etc.), décide de la nature des épisodes et des épreuves, et les fait s'enchaîner bâtissant un tissu de chimères autonomes, où débondent les terreurs comme prolifèrent les mondes, comme s'irritent les désirs. Elle rejoue un sacrifice sans âge : corps sans cesse démembré et réarticulé sans fin, nom unique dont la perte est consommée indéfiniment.

Pascal Quignard

Extrait n°1 : Ma poitrine respirait et je sentais le poids de mes viscères, cette pesanteur aussi lugubre que celle d'une valise remplie, non de vêtements, mais de viande de boucherie.

Extrait n°2 : Mes détonations donneraient la jaunisse au tonnerre, les pluies tourneraient en urine et tout l'automne le ciel ne ferait que pisser, ainsi qu'un animal qui a trop peur et dégage candidement sa vessie sans se préoccuper de vos stupides formules de politesse, bonnes tout juste pour ce que sont les hommes : des animaux qui se retiennent d'excréter.

Extrait n°3 : Car dans cet immeuble qui, comme un phallus obscène, gratte la vulve du ciel, on fait furieusement l'amour.

Extrait n°4 : Tant que ma voile triangulaire résoudra l'équation dont les deux inconnues sont le vent et les flots, j'insulterai tout ce qui vit sous les cieux ; je maudirai toutes ces végétations informes et tenterai d'envenimer la mer par mes crachats.

Extrait n°5 : Son pas lui-même était toujours aussi agile, mais c'était le déroulement des paysages qui fonctionnait moins bien. C'est pourquoi il devait se tenir pour victime d'un complot de la nature environnante, d'une coalition des arbres et des ruisseaux, désireux de résister à tout prix à l'écœurante instabilité de "choses vues" que leur infligeait le pas du voyageur.

Extrait n°6 : Une plainte traînait ses vieux moignons tachés de sang dans une ruelle perdue au fond de l'âme suburbaine du vagabond et celui-ci chassait cette vieille mendiante à coups de pied, l'invitant, non certes pas ! à travailler, mais bien plutôt à tuer ou à voler.

Extrait n°7 : Il me fallait commencer à comprendre qu'aucun cataclysme ne viendrait, du choc de sa massue d'éther, ruiner l'infecte cathédrale qui s'élève au-dessus des cryptes souterraines dont la cachette est plus secrète encore que celle de la matière, qu'à jamais je serais lié au poteau des idées forcément ancillaires, parce que rien, sinon cette destruction du monde, ne pourrait me délivrer de l'horrible nasse baveuse dont les joncs relatifs s'étaient croisés autour de moi, comme des grillages de prisonnier, à la minute où la sorcière des naissances m'avait fait vivre malgré moi, me jetant corps et âme entre les rouages de cette affreuse machine grâce au truchement d'une semence éphémère.

16 février 2024

Trente-troisième festivité : Menu Mac Kinsey !

Trente-troisième festivité : Ce fut à l'heure où, en ledit bon royaume de la Francie jupitérienne, l'évidence apparut de ceci que l'hôpital public, qu'on avait abandonné de longue date, avait fini par ne presque plus pouvoir opérer, qu'enfin du plus haut sommet élyséen jusqu'au fin fond du trou des taupes matignonesques et parlementaires, on commença de s'interroger sur ce à quoi il eût pu s'avérer bon d'œuvrer pour sortir de la panade un personnel soignant devenu si débordé et dénué de moyens, qu'il s'en trouvait bien malgré lui contraint de désavouer souvent un serment d’Hippocrate rendu hypothétique, comme les soins auxquels il obligeait. Une situation si désastreuse ne pouvant plus durer, on résolut bientôt de prendre conseils auprès des meilleures institutions élitistes mondiales, et tandis qu'on allait d'une consultation financière l'autre, un certain monsieur Mac Kinsey finit par éclairer d'un éclair de son génie « simoniaque » l'ensemble des élus jupitériens, et puisqu'à l'évidence elle était la seule possible, nul ne douta plus de la solution à employer ; aussi s'appliqua-t-on rapidement à rendre illégales la souffrance et la maladie, en particulier pour la plèbe laborieuse.

Un Hamburger Géant Est Montré Dans Cette Image Du Film Hamburger. | Photo Premium

24 octobre 2013

Cinéma, prison et causeries populaires

affichecycle-cinéma prison 2013

5 films, 5 regards sur l’univers carcéral La question carcérale défraie régulièrement l’actualité et particulièrement en période pré-électorale. Politiques et média de masse déversent alors un torrent de communication de façon à orienter le débat entre une folie paranoïaque du tout sécuritaire et un politiquement correct passablement humaniste. Ainsi, vouloir abolir toute mesure d’enfermement, et en cela la prison est une problématique centrale, peut paraître incongru, déplacé, voire même vécu comme une provocation pour la grande majorité de nos concitoyens.

Avec ce cycle de films, suivis de discussions à la manière des "causeries populaires", nous vous invitons dans différents lieux [1] de la ville afin d’explorer des aspects variés de la réalité pénitentiaire et de porter auprès de vous cette question essentielle de l’enfermement comme torture inutile, étant criminogène, funeste et donc nuisible à la société, c’est-à-dire à chacune et chacun d’entre nous...

- OMBLINE [16/10/2013 - 20H - L’ENTRE-POTS CAFE] Film français de Stéphanes Cazes (2012 - 1h35min) avec Mélanie Thierry, Nathalie Becue, Corinne Masiero ...

Alors qu’elle est condamnée à trois ans de prison, Ombline découvre qu’elle est enceinte … On l’oublie trop souvent, les femmes aussi vont en prison et l’univers carcéral féminin est très peu évoqué dans nos quotidiens

- DOG POUND [06/11/2013 - 20H - LA GUEULE NOIRE] Film américain de Kim Chapiron (2010 - 1h31min - VOST) avec Adam Butcher, Trent McMullen, Arnol Pinnock ...

La prison pour mineurs ? Une cocotte-minute pleine de violence, et parfois cela explose malgré les soupapes … Comment peut-on ainsi imaginer que ces délinquants juvéniles se réadapteront au sein de la société ?

- ZONZON [20/11/2013 - 20H - L’ENTRE-POTS CAFE] Film français de Laurent Bouhnik (1998 - 1h42min) avec Pascal Greggory, Gaël Morel, Jamel Debbouze ...

Pourquoi le présenter car presque tout le monde l’a déjà vu ? Et bien nous vous invitons à le redécouvrir : c’est l’un des films grand public les plus justes traitant de la situation carcérale contemporaine en France.

- THE ROAD TO GUANTANAMO [04/12/2013 - 20H - LA GUEULE NOIRE] Film anglais de Michael Winterbottom et Mat Whitecross (2006 - 1h35min - VOST) avec Riz Ahmed, Christopher Fosh, Mark Holden ...

L’histoire vraie de jeunes anglais incarcérés dans la prison de Guantanamo. Voici comment les grandes démocraties de la planète traitent leurs opposants. Pour ce qui est des principes démocratiques et des Droits humains : "faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais". à découvrir … surtout dans le contexte géopolitique actuel.

- HUNGER [18/12/2013 - 20H - LE PETIT CAFE] Film anglo-irlandais de Steve McQueen (2008, 1h40min - VOST) avec Michael Fassbender, Stuart Graham, Brian Milligan ...

La lutte des prisonniers de l’Irish Republican Army (IRA), dans la prison de Maze, en Irlande du Nord. Bobby Sand et ses compagnons mènent, nus sous leurs couvertures, grèves de l’hygiène (Blanket and No-Wash Protest) et de la faim (Hunger Strike) afin de recouvrer leur statut de prisonniers de guerre.

4 juin 2013

Tiqqun 1

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Tiqqun - Organe conscient du Parti Imaginaire

Il faut en tout commencer par les principes. L'action juste en découle. Quand une civilisation est ruinée, il lui faut faire faillite. On ne fait pas le ménage dans une maison qui s'écroule.
Les buts ne font pas défaut, le nihilisme n'est rien. Les moyens sont hors de cause, l'impuissance n'a pas d'excuse. La valeur des moyens se rapporte à leur fin.
Tout ce qui est, est bon. Le monde des qelipoth, le Spectacle, est de part en part, mauvais. Le mal n'est pas une substance, s'il était une substance, il serait bon. Le mystère de l'effectivité du mal se résout en ceci que le mal n'est pas, mais qu'il est un néant actif.
Le mal, c'est de ne le pas distinguer du bien. L'indistinction est son royaume, l'indifférence sa puissance.
Les hommes n'aiment pas le mal, ils aiment le bien qui est en lui.
Dans le Tiqqun, l'être retourne à l'être, le néant au néant. L'accomplissement de la Justice est son abolition.

 

Sommaire

3 - Eh bien, la guerre !

7 - Qu'est-ce que la métaphysique critique ?

23 - Théorie du Bloom

46 - Phénoménologie de la vie quotidienne

50 - Thèse sur le Parti Imaginaire

72 - Le silence et son au-delà

80 - De l'économie considérée comme magie noire

94 - Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune Fille

127 - Hommes-machines, mode d'emploi

137 - Les métaphysiciens critiques sous le "mouvement des chômeurs"

146 - Quelques actions d'éclat du Parti Imaginaire

 

8 avril 2020

CHANSON DE CIRQUE - Corrida de Muerte

CHANSON DE CIRQUE
Corrida de Muerte

Commune_de_Paris_barricade_boulevard_VoltaireAEC

Les hauts barons blasonnés d'or,
Les duchesses de similor,
Les viveuses toutes hagardes,

Les crevés aux faces blafardes,
Vont s'égayer. Ah ! oui, vraiment,
Jacques Bonhomme* est bon enfant.

C'est du sang vermeil qu'ils vont voir.
Jadis, comme un rouge abattoir,
Paris ne fut pour eux qu'un drame
Et ce souvenir les affame ;
Ils en ont soif. Ah ! oui, vraiment,
Jacques Bonhomme est bon enfant.

Peut-être qu'ils visent plus haut :
Après le cirque, l'échafaud ;
La morgue corsera la fête,
Aujourd'hui seulement la bête,
Et demain l'homme. Ah ! oui, vraiment,
Jacques Bonhomme est bon enfant.

Les repus ont le rouge aux yeux.
Et cela fait songer les gueux,
Les gueux expirants de misère.

Tant mieux ! Aux fainéants la guerre ;
Ils ne diront plus si longtemps :
Jacques Bonhomme est bon enfant.

Louise Michel, Oeuvres posthumes (1905)

* Nom qui désigne l'ensemble des révoltés de la Grande Jacquerie.

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