Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Amour, émeute et cuisine
Amour, émeute et cuisine
  • Quelques pensées sur la civilisation, considérée dans ses aspects politiques, "philosophiques", et culinaires, entre autres. Il y sera donc question de capitalisme, d'Empire, de révolte, et d'antiterrorisme, mais aussi autant que faire se peut de cuisine.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
6 octobre 2020

Dans le patio universitaire des lieux communs

Banalités de base

Dans le patio universitaire des lieux communs, de la Cellule H1N1 :

Extrait : Quand l'étudiant par contre a bien constaté la disparition du travail, en particulier qualifié, et la probabilité inlassablement grandissante d'avoir à continuer sa "vie" dans une précarité d'ANPE, ce n'est encore que pour mieux revendiquer de l'esclavage à plein temps, afin au moins de pouvoir consommer plus de cela même qui l'asservit tant : la marchandise.

6€50 soit 5€ + 1€50 de frais de port (60 pages - 12,5 x 18,5 cm)

Pour acheter ce livre par carte bancaire, cliquez sur le bouton paypal ci-dessous :

 

En tant qu'association de loi 1901, les éditions A.E.C ont besoin de votre soutien pour pouvoir publier livres et autres oeuvres à venir en toute indépendance, aussi pouvez-vous nous soutenir en faisant un don à votre convenance en cliquant sur le bouton ci-dessous :

Le livre est également en vente dans les librairies suivantes :

- Quartier Latin, 6 rue Georges Teissier, 42000 Saint-Etienne

- L'Une et L'Autre, 19 rue Pierre Bérard, 42000 Saint-Etienne

Pour celles et ceux qui n'aiment pas payer par internet, il est possible bien sûr d'envoyer un chèque aux "éditions AEC, 40 rue de la Mulatière, 42100 Saint-Etienne".

Pour nous contacter, écrire aux editionsaec@gmail.com

Publicité
22 juillet 2018

Ce qui n'a pas de prix

Annie Le Brun, Ce qui n'a pas de prix 02

Ce qui n'a pas de prix, de Annie Le Brun

4ième de couverture : C'est la guerre, une guerre qui se déroule sur tous les fronts et qui s'intensifie depuis qu'elle est désormais menée contre tout ce dont il paraissait impossible d'extraire de la valeur. S'ensuit un nouvel enlaidissement du monde. Car, avant même le rêve ou la passion, le premier ennemi aura été la beauté vive, celle dont chacun a connu les pouvoirs d'éblouissement et qui, pas plus que l'éclair, ne se laisse assujettir.

Y aura considérablement aidé la collusion de la finance et d'un certain art contemporain, à l'origine d'une entreprise de neutralisation visant à installer une domination sans réplique. Et comme, dans le même temps, la marchandisation de tout recourt à une esthétisation généralisée pour camoufler le fonctionnement catastrophique d'un monde allant à sa perte, il est évident que beauté et laideur constituent un enjeu politique.

Jusqu'à quand consentirons-nous à ne pas voir combien la violence de l'argent travaille à liquider notre nuit sensible, pour nous faire oublier l'essentiel, la quête éperdue de ce qui n'a pas de prix ?

 

Mini-biographie : Annie Le Brun a participé aux dernières années du mouvement surréaliste. Parallèlement à des poèmes réunis dans Ombre pour ombre, elle a publié des essais, dont Les Châteaux de la subversion (1982) et Soudain un bloc d'abîme, Sade (1986) en introduction à l'oeuvre de celui-ci, avant de concevoir l'exposition "Sade, Attaquer le soleil" au musée d'Orsay (2014). Menant une réflexion sur la poésie à travers Appel d'air (1988) ou Si rien avait une forme, ce serait cela (2010), elle s'est livrée à une analyse critique de ce temps dans Du trop de réalité (2000). Ce qui n'a pas de prix peut en être considéré comme la suite.

12 novembre 2018

Bure : soutenir une oeuvre de "malfaisance"

Faire un don à la caisse de solidarité CACENDR pour les procès et les malfaiteurs-trices de Bure

Bure, nous abattons des murs

Bonjour à toutes et à tous,

Tout d'abord un grand merci pour votre généreuse solidarité depuis tant d'années en ce qui concerne les soutiens de longue date de notre association Cacendr et à vous qui, plus récemment, nous avez apporté votre aide financière pour faire face aux frais entraînés par l'opération du 20 juin 2018 avec sa série de perquisitions, de gardes à vues, de convocations...

Que se passe-t-il depuis juin ?
Comme vous avez pu le constater récemment dans quelques médias, la répression continue de manière exacerbée à Bure qui nous semble être devenu un nouveau laboratoire répressif pour asphyxier physiquement, moralement et financièrement les opposant-es :

BURE : Il est jugé sans être averti de son procès

Plus de 150 organisations maintenant ont signé un appel "à une réaction massive face à la criminalisation de la lutte contre Cigéo à Bure" :

Tribune des associations, collectifs et habitant-es en lutte contre la poubelle nucléaire CIGEO,

Depuis juin, nous tentons de nous ré-organiser, de retrouver des espaces où militer collectivement : il nous est difficile de nous réunir car ce sont, à présent, 10 personnes, dont 7 sont mises en examen, qui sont concernées par l'interdiction de se parler : l'obligation du contrôle judiciaire de "s"abstenir de rentrer en relation". Comme il est dit dans ce texte : nos amitiés militantes sont criminalisées sous la forme de l'accusation fourre-tout "association de malfaiteurs".

La répression sur place à Bure et dans ses environs par une présence constante et importante du dispositif de gendarmerie, dont une base est installée au sein même du laboratoire de l'Andra, continue, provoque, harcèle et amène à des procès pour un oui et surtout pour un non.

Et la lutte ?
Nous ne lâchons rien ! Nous sommes des militant.es contre le nucléaire (et son monde) et nous savons qu'en ce moment, plus que jamais, si le monstre abat sa répression ainsi sur nous, c'est bien parce que la logique sécuritaire des États les amène à vouloir régler les problèmes par la force - misère, migration, exploitation salariale, opposition politique - et également parce que l'industrie atomique est à l'agonie - en grande perte de vitesse au niveau international, le nucléaire est devenu obsolète, has-been.

Il n'y a que la France pour continuer à le développer, soutenu par un gouvernement pro-nucléaire, tête baissée et bornée, qui essaye de passer en force la poursuite du programme nucléaire français (civil et militaire) pour les 30 années à venir, et, par conséquent, imposer la réalisation de Cigéo.

Notre combat ne s'arrête donc pas : nous appelons à boycotter le nouveau faux-débat public qui aura lieu en 2019 concernant le PNGMDR ( = au choix Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs ou Persévérer à Nuire en Générant des Merdiers Radioactifs) et à organiser des actions de boycott et des débats nous-même dans nos rues, dans nos associations, dans nos familles !

Et face à la répression ?
Pendant ce temps, les personnes prévenues agissent contre la répression, notamment dans le cadre de l'instruction :

- elles ont fait appel de leur contrôle judiciaire : rejeté le 22 août, alors elles se sont pourvus en cassation : audience le 14 novembre.

- elles ont demandé la copie de leur dossier des milliers de fichiers (!) qu'elles ne peuvent consulter qu'au cabinet de leurs avocat.es : copie refusée le 2 octobre. L'appel est en cours.

- elles ont donc fait des aller/retour vers Paris/Lille (où exercent leur avocat.es) pour consulter et commencer à étudier ce dossier faramineux d'élucubrations policières et judiciaires en tout genre.

- leur 7 avocat.es ont commencé à travailler sur les nullités qu'il faut avoir purgées avant décembre (c'est-à-dire pour faire simple, soulever toutes les fautes de procédure qu'il pourrait y avoir dans le dossier).

- d'autres avocat.es pourraient encore les rejoindre tant la tâche est colossale et le dossier symbolique et symptomatique de la répression à l'égard des opposant.es politiques à ce gouvernement et son monde nucléarisé.

Côté finance, en ce qui concerne l'instruction, nous avons déjà versé plus de 4 000 € à nos avocat.es, bientôt vont venir les frais du pourvoi en cassation, c'est-à-dire plusieurs milliers d'euros.

Et nous ne sommes qu'au début de l'instruction...

C'est pourquoi, nous relançons un appel à votre générosité pour soutenir la caisse anti-rep qui est donc gérée, bénévolement, par Cacendr. Cet argent servira pour l'instruction mais également pour financer les avocat.es de tous les autres procès en cours à Bure, comme à soutenir celles et ceux de nos camarades déjà derrière les barreaux de la répression...

Heureusement, l’État nucléaire et policier possède un pouvoir en partie limité par son organisation fortement hiérarchisée et bureaucratique avec ses contradictions internes, ses erreurs (qui peuvent aussi être en notre faveur), ses lenteurs... mais il ne tombera certainement pas tout seul.

Face à la répression, tous vos gestes de solidarité financière ou par un simple message, un rassemblement, la poursuite de la lutte en rejoignant un comité de soutien nous apportent chaleur, joie, force et courage :

MERCI !

Pour collecter, pour nous soutenir, pour lutter avec force, rage et joie, continuons d'organiser des bals, concerts et autres guinguettes de malfaiteurs et malfaitrices : dansons contre la répression !

Pour voir l'article sur sa page d'origine, c'est  ICI !

4 octobre 2018

Fête des éditions A.E.C

Affiche tract soirée dans le patio copier

A l'occasion de la sortie de leur premier ouvrage, les éditions A.E.C organisent petite sauterie le vendredi 12 octobre 2018, de 18h à minuit et plus si affinité, au 3 rue Jules Romain, derrière la bibliothèque universitaire de Tréfilerie à Saint-Etienne.

On peut d'ores et déjà commander ledit livre ici.

Ou le trouver en vente à la librairie Quartier Latin, 6 rue Georges Teissier à Saint-Etienne.

28 novembre 2016

Ré-Ré Occupation de la forêt de Mandre

Ré-Ré Occupation de la forêt de Mandre

un appel

Les feuilles rougissent de plus belle chaque jour. Le vent fraîchit. La nuit s’étire peu à peu. Les brumes givrantes du matin pointent le bout du nez. Il y a des bouquets flamboyants où que l’on tourne le regard, les chemins défrichés couverts de tapis craquants, et les hourras de chiens joueurs. Le vert tendre a laissé place au rouge rage, l’automne a embras(s)é l’été et, contrairement à ce que nous écrivions dans notre premier appel, à Bure, nous allons toujours aux champignons ! Après presque 5 mois de manifestations, d’occupations, de balades, d’expulsions, de réoccupations, d’affrontements, de recours juridiques, de pique-nique, de tractages, de constructions de vigies, de boums improvisées, de sabotages de mur... le bois Lejuc est plus que jamais libéré !

Sans crier gare, voici que depuis l’épique chute du "Bure de merlin" le 14 août, des dizaines de hiboux ont refait leurs nids dans cette jolie forêt. Cette fois, il n’y a pas eu d’appels pétaradants, pas de textos urgents, pas d’overdoses d’informations ou de demandes de soutien. La nouvelle occupation s’est installée tranquillement, profitant de la douceur automnale : le plaisir de monter une grande plate-forme au cœur d’un hêtre, de s’initier à la grimpe, de redécouvrir cette forêt aux couleurs changeantes, sans pression des flics. Prendre le temps de discuter avec celles et ceux qui continuent de s’y promener. Apprendre à respirer à nouveau après avoir passé un été en apnée furieuse et euphorique. Le changement de saison : d’été d’urgence, à automne paisible…vers un hiver déter !

Tôt ou tard les barricades de papier tomberont

Car nous ne sous-estimons pas les VRPs de l’atome, qui ne sont pas restés bras croisés à flemmarder dans leurs costumes trop grands et leurs bureaux aseptisés. Ils ont fait appel de la décision de suspension des travaux du 1er août ; celui-ci sera jugé entre décembre et janvier selon les différentes audiences encore à venir. La procédure d’obtention d’autorisation de défrichement est en cours. Fin novembre, nous avons appris que l’agence ne serait pas soumise à une étude d’impact, ce qui nous aurait permis de gagner encore un peu de temps.

Début octobre un huissier est venu se balader avec à son bras l’homme de main de l’Andra et deux vigiles armés de bâtons. Ceux-là même qui tentent des embuscades ou testent notre vigilance en lisière. Chaque semaine, au moins une fois l’hélico nous survole, les bleus rôdent dans les alentours. Même le commandant de gendarmerie, le fameux « Dubois », cherche insidieusement à se faire inviter en promenade. Pour couronner le tout, l’Andra semble à présent prendre mesure de la richesse inestimable de ce bout de forêt : mardi 29 novembre elle veut en effet venir reboiser des parcelles… pour mieux les détruire d’ici à quelques mois.

Côté répression, des ami-e-s ont pris 2 mois de sursis pour un graff sur une ruine, un autre une interdiction de Meuse pour 2 ans, et des convocations s’accumulent pour l’affaire du mur. Une nouvelle préfète s’est installée en Meuse, et un nouveau directeur du cru pour CIGEO. L’Andra a aussi recruté un expert en droit public pour éviter de reproduire les erreurs passées. Bref, ils se réorganisent, et les menaces d’expulsion de la forêt et de reprise des travaux de forages se rapprochent. À nous de les anticiper, comme nous l’avons toujours fait depuis ce fol été.

Des dizaines de personnes ont choisi de s’installer sur place

Par ce nouvel appel, après un relatif temps de repos, nous souhaitons donner des nouvelles à toutes les amies passées cet été, l’an dernier, depuis 20 ans. À tous les curieux qui ont préféré des destinations de vacances plus exotiques qu’un été en Meuse (on ne vous en tient pas rigueur). Aux tritons sans frontière qui résistent assourdis par le bruits des bottes bornées qui clôturent cette fin de règne en annonçant une ère encore plus martiale. À celles et ceux qui cherchent quelques raisons d’espérer.

Ici, c’est avec un optimisme joyeux et déterminé que nous enracinons cette petite victoire ; des arbres sont replantés dans les gravats ; et aux solides branches de leurs ancêtres centenaires des cabanes sont reconstruites. De là-haut, les vigiles et autres sbires de l’Andra paraissent enfin à leur taille : ridiculement minuscules face à la grandeur de cette forêt. Malgré le froid, les hiboux en tout genre semblent s’y plaire et se sont même mis à hululer des tas de camarades partout en France et en Europe pour leur prêter main forte ! Cabanes, plate-forme, cuisine, toilettes sèches, tipi avec feu central, préau récolteur d’eau de pluie, espace de couarail chauffé avec dortoirs... sortent de terre et des aires comme les champignons qui poussent et les grues cendrées qui passent...

L’un d’entre nous, Swen a décidé d’élire officiellement domicile dans le bois Lejuc. Ensemble, nous y fêterons ses 30 ans le 13 décembre.

Défendre dans la diversité des tactiques

Nous amplifions notre hululement, qu’il résonne au plus loin et qu’encore plus nombreux-euses nous convergions. Déjà, des dizaines de personnes ont choisi de s’installer sur place après l’été. Nous savons que c’est aussi, en grande partie grâce à la condamnation juridique de l’Andra que la forêt est protégée. Toutefois, ne nous faisons aucune illusion : comme dans toute l’histoire des des luttes anti-nucléaire, les barricades de papiers tomberont, tôt ou tard les travaux seront régularisés. Quelques semaines, quelques mois : c’est une question de temps. À ce moment là, nous devrons être suffisamment fort-e-s, créati-ve-s, solidaires, ensemble pour les bloquer !

Dès maintenant que des dizaines et des dizaines de personnes profitent de ce bois, viennent y vivre, s’y balader et s’organiser. En cas d’expulsion ou de reprise des travaux, nous souhaitons que dés le lendemain des dizaines de personnes tentent de bloquer leurs machines. Et que le samedi suivant une marée humaine déferle sur eux pour défendre dans la diversité des tactiques la forêt libre, pour les arrêter !

Entre temps nous allons continuer de vivre, rire, attiser les braises et faire des étincelles, squatter des terres agricoles, aller aux champignons, construire nos nids un peu partout dans le coin, apprendre à nous connaître, tisser des liens, inventer quelque chose de beau et contagieux qui se répand.

Les chouettes hiboux hululant de la forêt de Mandres, entre octobre et novembre 2016.

Pour en savoir plus, c'est ici !

 

bure

 

Publicité
28 février 2019

Douzième festivité : La saltitude du bailleur de fonds

Douzième festivité : Un gros malin sans doute, parmi une multitude d'ingénieux spécialistes au sein d'un quelconque département marketing qui ne manqueraient pas bien sûr de l'applaudir bientôt pour son génie, trouva soudain plus que nécessaire et judicieux de vendre à l'humanité un sel sans sel : ce qui avait déjà réduit le clone - cet être réifié à l'extrême - à ne plus éprouver du sel de la vie que celui posé sur le rayon d'un supermarché, n'aurait pu tolérer plus longtemps que ce sel ne soit pas falsifié ; le spectacle-marchand en effet ne tolère de réel que celui de sa propre réalité, essentiellement fallacieuse.

Sel sans sel

3 octobre 2021

DETTE, 5000 ANS D'HISTOIRE

Dette 5000 ans d'histoire

DETTE, 5000 ANS D'HISTOIRE, de David Graeber.

4e de couverture : En remettant en perspective l'histoire de la dette depuis cinq mille ans, David Graeber renverse magistralement les théories admises. Il démontre que l'endettement a toujours été une construction sociale fondatrice du pouvoir. Aujourd'hui encore, les économistes entretiennent une vieille illusion : celle que l'opprobre est forcément à jeter sur les débiteurs, jamais sur les créanciers. Et si l'unique moyen d'éviter l'explosion sociale était justement... d'effecer les dettes ?
Cet essai essentiel et foisonnant, par une des plus grandes figures de la réflexion politique contemporaine (David Graeber a directement inspiré le mouvement Occupy Wall Street), permet de mieux comprendre l'histoire du monde, la crise du crédit en cours et l'avenir de notre économie.

Docteur en anthropologie, économiste et professeur à la London University, David Graeber (1961 - 2020) a été l'un des leaders du mouvement Occupy Wall Street. En France, aux éditions Les Liens qui Libèrent, sont notamment parus Dette : 5000 ans d'histoire (2013 ; Babel n° 1385), Brureaucratie (2015, prox Books du meilleur essai étranger ; Babel n° 1459) et le très remarqué Bullshit Jobs (2018).

Extrait N°1 : Les controverses sur la dette durent depuis cinq mille ans, voire plus. Pendant l'essentiel de l'histoire de l'humanité - du moins celle des États et des empires -, on a signifié à la plupart des êtres humains qu'ils étaient des débiteurs.

Extrait n°2 : Et dans les cinq mille dernières années, avec une remarquable régularité, les insurrections populaires ont commencé de la même façon : par la destruction rituelle des registres de dettes - tablettes, papyrus, grands livres ou autre support propre à une époque et à un lieu particuliers.

Extrait n°3 : [...] la monnaie est toujours restée un instrument politique. C'est pourquoi, quand les empires se sont effondrés et que les armées ont été démobilisées, tout le système s'est évanoui. Dans le nouvel ordre capitaliste émergent, la logique monétaire s'était vu accorder l'autonomie ; les pouvoirs politique et militaire se sont ensuite progressivement réorganisés autour d'elle.

Extrait n°4 : L'idée que se faisaient les paysans de la fraternité communiste ne venait pas du néant. Elle était ancrée dans leur expérience quotidienne concrète : l'entretien des communaux - champs et forêts -, la coopération de tous les jours, la solidarité entre voisins.

Extrait n°5 : Le grand non-dit historique de l'époque où nous vivons, c'est la façon dont ces anciens systèmes de crédit ont finalement été détruits.

18 octobre 2021

LES QUARANTE-HUITARDS

Les quarante-huitards

LES QUARANTE-HUITARDS, de Maurice Agulhon.

4e de couverture : 1848 est une révolution sans prestige. Face à la rigueur jacobine de 1793, à la pureté communarde de 1871, à l'efficacité bolchevique de 1917, elle paraît n'offrir que les contradictions, tantôt dérisoires, tantôt sanglantes, d'un mouvement incertain et bientôt liquidé. Maurice Agulhon rouvre ici le dossier d'une tentative malmenée par l'histoire. Qui étaient les quarante-huitards ? Quelle logique les a conduits des espoirs de Février à la répression sauvage de juin, à l'abdication entre les mains de Bonaparte? Voici leur générosité et leur inconséquence, la part de rêve et le poids des choses. Avec 1848, une nouvelle sensibilité politique s'est définie : c'est elle qui fait encore l'actualité d'une révolution manquée.

Extrait n°1 : En réalité il n'est - en soi - ni bon ni mauvais, ni glorieux ni ridicule, d'être conservateur, l'attitude vaut ce que vaut la chose à cconserver ; la "vieille barbe" sera jugée pitoyable ou vénérable suivant que "48" sera tenu pour mort ou pour vivant ; c'est bien là qu'il faut en venir.

Extrait n°2 : L'homme de 1789 reste un "patriote", celui de1793 un jacobin, celui de 1830 un libéral (ou un "bourgeois"), celui de 1871 un communard (ou communeux, ou communiste par adoption rétrospective), celui de 1917 un bolchevik, pourquoi celui de 48 n'a-t-il été que... quarante-huitard ?

Extrait n°3 : De même qu'il y avait des ouvriers dans le camp de l'ordre (et parfois entraînés au combat par leur propre patron), il y eut un certain nombre d'ingénieurs et de petits industriels du Paris de l'Est dans le camp populaire.

Extrait n°4 : M. Armand Marrast se montre à une fenêtre, et, salué d'une acclamation générale, il harangue le peuple. "Citoyens, dit M. Marrast au milieu d'un profond silence, nous venons d'avoir une belle journée, ne la gâtons pas. Le peuple a droit de demander des garanties et une réparation. Il faut donc qu'il exige: la dissolution de l'Assemblée, la mise en accusation des ministres, le licenciement de la garde municipale, les deux réformes parlementaire et électorale et le droit de réunion. Enfin n'oublions pas que cette victoire n'est pas seulement une victoire pour la France, c'en est une aussi pour la Suisse et pour l'Italie."

Extrait n°5 : Quoi qu'il en soit, l'appel est entendu, Paris se prépare au combat dans la nuit du 23, et le gagne dans la matinée du 24. Le roi Louis-Philippe abdique et s'enfuit.

21 novembre 2023

Vingt-huitième festivité : L'âge de rayon !

Vingt-huitième festivité : Au ponant du bon royaume de Francie, à quelques encablures des premières vagues bretonnes de l'océan atlantique, le centre de l'Empire-marchand érigeait son autorité sous le doux nom d'États-Unis ; or, ce fut alors qu'en cette contrée d'une étrangeté culinaire sans égale on n'en finissait plus de se bidonner, que quelques intelligences d'arrière-boutique, s'instruisant de ceci que l'augmentation de la misère poussait de plus en plus de badauds à pratiquer le vol à l'étalage des diverses denrées mangeables industriellement prémâchées, et généreusement vendues en masse par l'Empire, décidèrent de conciliabuler à l'arrière des boutiques, afin de décider de ce qu'il serait bien possible de décider pour se décider à se débarrasser de ce sinistre fléau du chapardage ; aussi finirent-ils par décider, donc, après moult chuchotements neuronaux d'un égal entendement, de retirer sans coup férir des rayons des mercaturales la plupart des indigestes marchandises proposées devant ça à la vue de tous.

Rayon vide

21 novembre 2023

Vingt-neuvième festivité : Alea projecta est !

Vingt-neuvième festivité : On s'inquiéta longtemps, au bon royaume de Francie – cette frêle province de l'Empire dont on prétendait qu'elle avait connu un glorieux passé – de ce que les bourgeois y envisageassent toujours plus de projets étranges. On s'apaisa toutefois bientôt en s'avisant de ceci qu'ils n'avaient eux aussi de lendemain que jetés dans la tombe... sans doute pourtant s'apaisa-t-on beaucoup trop, et surtout trop tôt, trop vite, car si les bourgeois meurent, la bourgeoisie reste !

Mega bassine

3 février 2024

Pourquoi je hais l'indifférence

Antonio Gramsci, Pourquoi-je-hais-l-indifference

Pourquoi je hais l'indifférence, de Antonio Gramsci.

4e de couverture : Le regroupement de ces textes nous met face à une des plus hautes figures de résistance intellectuelle que l'histoire européenne nous ait donné la possibilité d'admirer. Chez Gramsci (1891-1937), l'indignation ne suffit pas, si elle est le simple mouvement du cœur : elle commande l'analyse. Haïr l'indifférence, c'est à la fois haïr l'acceptation des choses comme elles vont et détester la confiance faite aux experts qui n'est autre que la paresse qui contribue au cours des choses quand elle ne se contente pas de la justifier.

On trouvera ici un bréviaire de rébellion contre les choses comme elles vont et des instruments d'analyse.

Extrait n°1 : L'indifférence, c'est l'aboulie, le parasitisme, et la lâcheté, non la vie. C'est pourquoi je hais les indifférents.
L'indifférence est le poids mort de l'histoire.

Extrait n°2 : Des faits murissent dans l'ombre, quelques mains, qui échappent à tout contrôle, tissent la toile de la vie collective et la masse l'ignore parce qu'elle ne s'en soucie pas.

Extrait n°3 : Pourtant ils sont rares ceux qui se reprochent leur indifférence, leur scepticisme, et plus rares encore ceux qui regrettent de ne pas avoir prêté leurs bras et leur activité à ces groupes de citoyens qui ont combattu et se sont proposé de procurer tel ou tel bien, précisément pour éviter ce mal.

Extrait n°4 : Je hais aussi les indifférents en raison de l'ennui que me procurent les pleurnicheries des éternels innocents.

Extrait n°5 : Dans l'activité politique aussi, l'imagination a un rôle immense ; mais dans l'activité politique, les hypothèses ne sont pas construites à partir de faits inertes, d'une matière sourde à la vie ; en politique l'imagination concerne les hommes, leurs douleurs, leurs affects et les nécessités qu'ils rencontrent dans leur vie d'hommes.

Extrait n°6 : Tartuffe se joue ainsi du vocabulaire, et offre un certain destin aux mots. Il a réhabilité le mot casseur, il anoblit le mot démagogie. Dans quelques temps, quand le mouvement socialiste aura assez de force pour imprimer aussi à la langue son sceau de bonté et de liberté, casseur aura définitivement le sens de gentilhomme, et vice versa, et démagogie signifiera une véritable méthode de politique et de propagande, fondée sur la réalité des faits, et non pas sur les apparences les plus éclatantes, et par conséquent les plus trompeuses.

Extrait n°7 : Ils nous ont traités de démagogues parce qu'il nous plaît d'appeler "requins" les marchands d'armes.

24 février 2024

Ni Marat, ni Roland. Opinion (Ed. 1792)

Anacharsis Cloots, Ni Marat ni Roland

Ni Marat, ni Roland. Opinion (1792), de Anacharsis Cloots.

Extrait N°1 : Puisque chacun imprime son opinion, je publie la mienne, d'autant plus qu'on répète inexactement mes expressions verbales. L'assemblée, après avoir ouï Louvet et Robespierre, a eu raison de consacrer la maxime : à bas les hommes ! à l'ordre du jour les choses ! Je recommande cette maxime à Roland et à Marat, deux êtres qui se donnent mutuellement une importance grotesque.

Extrait n°2 : La chaleur de Guadet me parut très suspecte ; mais ne lui ayant jamais entendu professer des hérésies politiques, j'en conclus qu'il avoit trop dîné. Peut-être suis-je trop indulgent.
Malgré les petits sophismes et les petites passions, la vérité triomphera sous le règne de la liberté ; la faction du genre humain l'emportera sur la faction Marat, et sur la faction Brissot.

Extrait n°3 : Brissot, avec sa marche tortueuse, ses mensonges officieux, et ses systêmes avortés, devoit être suspect aux républicains indivisibles ; Paris devoit naturellement l'avoir en horreur.

Extrait n°4 : Rien n'est plus oratoire que de montrer une chemise, trempée dans le sang, aux hommes foibles, aux femmes timides, et de s'écrier, avec le ci-devant châtelet : Le voilà donc connu le secret plein d'horreur !

Extrait n°5 : Il est démontré que des coquins ont volé, et que des scélérats ont proscrit des têtes civiques ; moi-même j'étois affiché dans les carrefours, sous les portiques, sur les colonnes, pour un homme pendable ; ma vie étoit entre les mains d'un Marat, comme la vie d'un brave officier est à la merci d'un lâche soldat, dans une bataille. Dieu sait tous les crimes particuliers qui se commettent après une victoire générale ! Cela n'empêche pas de chanter le Te Deum.

Extrait n°6 : Il faut avoir le courage de parcourir les groupes, et s'entretenir familièrement avec le peuple, avant de proposer un décret, dans les temps orageux. Ce n'est pas en provoquant les horreurs d'une troisième révolution, que nous prouverons notre amour pour l'humanité.

11 janvier 2024

Rendez-vous à partir du 9 janvier partout en France, Suisse et Belgique

Rendez-vous à partir du 9 janvier partout en France, Suisse et Belgique

Nous n'avons pas peur des ruines

Il en fallu du temps pour faire ce nouveau film ! Quatre ans ! Cela semble faire une éternité qu’on ne s’est pas revus dans les salles, n’est-ce pas ?
Souvenez-vous : pour nos trois films précédents, la puissance de votre bouche-à-oreille (et de quelques médias alternatifs) avait réussi à ridiculiser le silence des médias dominants… Au fil des semaines, les salles étaient pleines et les blockbusters crétins basculaient souvent en salle 2.
10 ans après « Ne vivons plus comme des esclaves », 8 ans après « Je lutte donc je suis » et 5 ans après « L’Amour et la Révolution », les choses ont parait-il changé. Les cinémas ont souffert de l’épisode covid et des Netflix et cie. Les perspectives politiques et écologiques sont inquiétantes. Les mouvements sociaux sont parait-il fatigués. Ah bon ?
Nous verrons bien. Ensemble, je l’espère. Tous ensemble, c’est-à-dire en convergence de luttes. Parmi les partenaires et soutiens des soirées, j’ai remarqué : les organisations libertaires, ATTAC, la LDH, RESF, les Amis du Diplo, la Horde, les CNT, Sud Solidaires, des UL de la CGT, des groupes antifascistes, libertaires, autonomes, écologistes, des associations d’aide aux migrants, le DAL et des réseaux de squats, des SEL, des enseignants membres de l’ICEM-Pédagogie Freinet, des réseaux de luttes locales et globales, des collectifs d’artistes, des cuisines solidaires et j’en passe… Et puis surtout, ici et là, la porte reste ouverte : si une projection va avoir lieu dans votre ville ou votre département, contactez-nous pour rejoindre l’arc des partenaires et soutiens de la soirée.
Si vous êtes fauché et que la projection est prévue dans un cinéma, ce qui valait pour les films précédents vaut toujours : contactez-nous via maud@paspeurdesruines.net et vous trouverez discrètement une invitation dans un enveloppe à votre nom à la caisse du cinéma. On l’a toujours fait, on le fera toujours, le fric ne sera jamais un obstacle pour voir nos films et être de la fête.
Ce qui n’est pas précisé sur la carte, c’est que dans chaque ville de projection, il y aura de un à trois fourgons sur place, qui partiront en Grèce à l’issue de la tournée (quatre d’entre eux partiront un peu plus tôt, dont deux en février et deux en mars, avant la grosse vague d’avril, dont une surprise formidable venue de Belgique). Mais là encore, il ne faut pas se sentir obligé de participer en apportant quelque chose pour les initiatives solidaires autogérées en Grèce, dont plusieurs sont présentées à l’écran. Chacun fait ce qu’il peut où il peut et, surtout, à sa façon. Venez les mains vides, c’est très bien aussi.
Lors de beaucoup de soirées, il y aura des animations, par exemple des chorales révolutionnaires, des concerts de musiciens ayant participé ou pas à la musique du film, des surprises à la pelle et des repas partagés, par exemple des soupes à prix libre. Parfois, il y aura les tables et infokiosques des partenaires et soutiens. Bref, venez tôt ! En plus, c’est mieux pour être sûr d’avoir de la place. Et puis, ce sera l’occasion de se revoir ou de se rencontrer.
Rendez-vous à partir de demain, ici ou là.
Et si vous trouvez que vous devez faire beaucoup de route jusqu’au lieu de projection le plus proche, pensez à nous en regardant à nouveau la carte.
On compte sur vous pour ridiculiser à nouveau les médias dominants et montrer, une fois de plus, qu’on n’a pas besoin d’eux.


Anarmicalement,
Yannis Youlountas



PREMIÈRES PROJECTIONS-DÉBATS
(EN PRÉSENCE DU RÉALISATEUR)
http://paspeurdesruines.net/spip.php?article20


Avant-premières (film en phase évolutive) :

09/01 ST-SULPICE (81)
10/01 BÉDARIEUX (34)
11/01 LUC/AUDE (11)
13/01 AUBAGNE (13)
14/01 CHAMBÉRY (73)
15/01 LONS-LE-SAUNIER (39)
16/01 LES LILAS (93)
17/01 CORBEIL-ESSONNE (91)
18/01 PARIS (75)
19/01 ST-POINT (71)
21/01 LE PUY-EN-VELAY (43)
22/01 ST-M-VALAMAS (07)
23/01 AUBENAS (07)
24/01 ROGNES (13)
25/01 AIX-EN-PROVENCE (13)
26/01 EYGUIANS (05)


Première du film en version cinéma (avec buffet grec et concert de rébétiko) :

27/01 PORT-DE-BOUC (13)

Puis :

28/01 ST-ÉTIENNE (42)
29/01 CLERMONT-FERRAND (63)
30/01 LIMOGES (87)
31/01 MELLE (79)
01/02 LA RÉOLE (33)
02/02 BORDEAUX (33)
03/02 BAIONA (64) puis
03/02 DAX (40)
04/02 ST-GAUDENS (31)
05/02 TOULOUSE (31)
06/02 CARCASSONNE (11)
07/02 CARMAUX (81)
08/02 MONTPELLIER (34)
10/02 ou 11/02 SAILLANS (26)

Puis :

02/03 BARJOLS puis
02/03 LA VALETTE (83)
03/03 SÈTE (34)
04/03 REVEL (31)
05/03 TOULOUSE (31)
06/03 STE-LIVRADE (47)
07/03 MARENNES (17) puis
07/03 ST-PIERRE-D’OLÉRON (17)
08/03 NANTES (44)
09/03 BREST (29) puis
09/03 GUINGAMP (22)
10/03 RENNES (35) puis
10/03 ST-BROLADRE (35)
11/03 ANGERS (49)
12/03 CAEN (14)
13/03 PARIS (75)
14/03 MONTREUIL (93)
15/03 ST-OUEN-L’AUMÔNE (95)
16/03 ROUEN (76)
17/03 LILLE (59) puis
17/03 DUNKERQUE (59)
18/03 BRUXELLES (BELGIQUE)
19/03 LIÈGE (BELGIQUE)
21/03 STRASBOURG (67)
22/03 BLENOD-LES-PONT-À-MOUSSON (54)
23/03 LURE (70)
23/03 MONTBELLIARD (25)
25/03 LYON (69)
26/03 MARSEILLE (13)
27/03 AVIGNON (84)
28/03 BARJAC (30)
29/03 LE VIGAN (30)
30/03 MOULAYRÈS (81)
01/04 MÂCON (71)
02/04 GENÈVE (SUISSE)
03/04 ANNEMASSE (74)
04/04 ou 05/04 GRENOBLE (38)
06/04 MARTIGUES (13)

Tous les détails ici :
http://paspeurdesruines.net/spip.php?article20
(lieux, horaires…) D’autres dates seront bientôt annoncées...

 

La bande annonce :

PS : pour partager cette lettre d'infos, vous pouvez utiliser sa publication sur le blog : http://blogyy.net/2024/01/08/j-1-rendez-vous-a-partir-de-demain-partout-en-france-suisse-et-belgique/

25 février 2024

Proverbes et maximes de Maguy Porète

Proverbes Bruegel 01

1 - Il ne faut pas seulement vouloir l'effondrement de la réalité capitaliste du monde - qui est déjà indubitable -, il faut conspirer* avec ledit monde à le refonder comme cette poésie réelle qu'il est réellement, ce qui s'avère plus difficile.

* Au sens de "respirer ensemble".

Courbet 00 Baudelaire

2 - L’écœurement, c’est l’ensemble innervé de ce que j’éprouve, et dont ma raison sait faire quelque chose.

Van Gogh 00

3 - Ciel étoilé n'a pas d'oreille.

Van Gogh 01

4 - La bêtise enfiellée d'un capitaliste est toujours si ductile qu'elle peut s'étendre à l'infini, et sans jamais rompre.

1200x680_joseph_keppler_j

5 - Croire qu'un bourgeois au pouvoir peut faire le bien, c'est s'en tenir à l'état de ce sectateur persuadé d'être conduit au septième ciel à chaque fois qu'il se fait violer par son gourou.

Raël

6 - A chaque fois qu'un croyant prétend que Lucifer est père et maître du mensonge, demande-toi par quel miracle il a la certitude de ne pas être lui-même possédé par le diable ; prêchant une religion, le croyant ne passe-t-il pas en effet son temps à mentir ?

Francisco_de_Goya_-_Escena_de_Inquisición_-_Google_Art_ProjectBlog

25 novembre 2014

A nos amis

a-nos-amis

A nos amis, du Comite Invisible, 2014.

4ième de couverture : A ceux pour qui la fin d'une civilisation n'est pas la fin dumonde; A ceux qui voient l'insurrection comme une brèche, d'abord, dans le règne organisé de la bêtise, du mensonge et de la confusion; A ceux qui devinent, derrière l'épais brouillard de "la crise", un théâtre d'opérations, des manoeuvres, des stratégies - et donc la possibilité d'une contre-attaque; A ceux qui portent des coups; A ceux qui guettent le moment propice; A ceux qui cherchent des complices; A ceux qui désertent; A ceux qui tiennent bon; A ceux qui s'organisent; A ceux qui veulent construire une force révolutionnaire, révolutionnaire parce que sensible; Cette modeste contribution à l'intelligence de ce temps.

Extrait n°1 : Nous ne sommes pas contemporains de révoltes éparses, mais d'une unique vague mondiale de soulèvements qui communiquent entre eux imperceptiblement. D'une universelle soif de se retrouver que seule explique l'universelle séparation. D'une haine générale de la police qui dit le refus lucide de l'atomisation générale que celle-ci supervise. Partout se lit la même inquiétude, la même panique de fond, à quoi répondent les mêmes sursauts de dignité, et non d'indignation.

Extrait n°2 : L'horizon de la catastrophe est ce à partir de quoi nous sommes présentement gouvernés. Or s'il y a bien une chose vouée à rester inaccomplie, c'est la prophétie apocalyptique, qu'elle soit économique, climatique, terroriste ou nucléaire. Elle n'est énoncée que pour appeler les moyens de la conjurer, c'est-à-dire, le plus souvent, la nécessité du gouvernement. Aucune organisation, ni politique ni religieuse, ne s'est jamais avouée vaincue parce que les faits démentaient ses prophéties. Car le but de la prophétie n'est jamais d'avoir raison sur le futur, mais d'opérer sur le présent : imposer ici et maintenant l'attente, la passivité, la soumission. Non seulement il n'y a pas d'autre catastrophe à venir que celle qui est déjà là, mais il est patent que la plupart des désastres effectifs offrent une issue à notre désastre quotidien.

Extrait N°3 : Le pouvoir contemporain est de nature architecturale et impersonnelle, et non représentative et personnelle. Le pouvoir traditionnel était de nature représentative : le pape était la représentation du Christ sur terre, le roi, de Dieu, le Président, du peuple, et le Secrétaire Général du Parti, du prolétariat. Toute cette politique personnelle est morte, et c'est pourquoi les quelques tribuns qui survivent à la surface du globe amusent plus qu'ils ne gouvernent. Le personnel politique est effectivement composé de clowns de plus ou moins grand talent ; d'où la réussite foudroyante du misérable Beppe Grillo en Italie ou du sinistre Dieudonné en France. A tout prendre, eux au moins savent vous divertir. Aussi, reprocher aux politiciens de "ne pas nous représenter" ne fait qu'entretenir une nostalgie, en plus d'enfoncer une porte ouverte. Les politiciens ne sont pas là pour ça, ils sont là pour nous distraire, puisque le pouvoir est ailleurs. [...] Le pouvoir, c'est l'organisation même de ce monde, ce monde ingénié, configuré, designé. Là est le secret, et c'est qu'il n'y en a pas.

10 mars 2021

Le Bachelier

Jules Vallès, Le Bachelier

Le Bachelier, de Jules Vallès.

4e de couverture : Inspiré de la vie de Vallès lui-même, le roman nous entraîne dans le sillon de Jacques Vingtras, bachelier qui monte à Paris, où il rencontre espoirs politiques et désillusions amoureuses. Mais Le Bachelier est aussi une anti-biographie : Vallès ne pouvait se contenter de dresser le portrait d'un jeune homme ; il fait de l'irruption de l'élan révolutionnaire dans la vie du héros le véritable sujet de son livre.
Anticlérical et révolutionnaire, ce roman est avant tout une prise de position de l'écrivain pour la multitude des bas-fonds. Au traditionnel roman de formation, Vallès superpose un camaïeu de voix : cris des rues et titres de journaux font intrusion dans la conscience du narrateur et concourent à la bouleverser.
Acte d'insurrection romanesque, Le Bachelier rend leur voix à ceux que l'histoire littéraire avait réduits au silence.

Extrait n°1 : J'ai peur que tout au moins un professeur, un marchand de langues mortes n'arrive s'installer auprès de moi comme un gendarme.
Mais non, il n'y a qu'un gendarme sur l'impériale, et il a des buffleteries couleur d'omelette, des épaulettes en fromage, un chapeau à la Napoléon.
Ces gendarmes-là n'arrêtent que les assassins ; ou, quand ils arrêtent les honnêtes gens, je sais que ce n'est pas un crime de se défendre. On a le droit des les tuer comme à Farreyrolles ! On vous guillotinera après ; mais vous êtes moins déshonoré avec votre tête coupée que si vous aviez fait tomber votre père contre un meuble, en le repoussant pour éviter qu'il ne vous assomme.

Extrait n°2 : "Eh bien, oui, j'ai eu tort ! L'imprimeur s'appelle Fessequedoit ou Vadelavant ! J'ai eu tort... Il faut d'abord agir, et ne pas jeter des bâtons dans les roues du char qui porte la Révolution."

Extrait N°3 : Oh ! ma jeunesse ! Je t'avais délivrée du jug paternel, et je t'amenais fière et résolue dans la mêlée !
Il n'y a plus de mêlée ; il y a l'odeur de la vie servile, et ceux qui ont des voix de stentor doivent se mettre une pratique de polichinelle dans la bouche. C'est à se faire sauter le caisson, si l'on ne se sent pas le courage d'être un lâche !

Extrait n°4 : Mes luttes contre l'Empire se terminent toutes par des courbatures - des blessures piteuses font saigner mes pieds. C'est bête et honteux comme la fatigue d'un âne.

Extrait n°5 : J'ai quelquefois sauvé le grain du pauvre en apparaissant sur les bords d'un champ, couvert et la barbe au vent... Je faisais peur aux oiseaux et j'étais utile à l'agriculture. Sainte mission !

23 octobre 2013

Vie et opinions de Tristram Shandy

Vie et opinions de Tristram Shandy (1760)

Vie et opinions de Tristram Shandy, de Laurence Sterne, vers 1760.

Extrait n°1 : Je crois avoir dit que cette bonne personne ne jouissait pas d'un mince prestige dans notre village et ses alentours, sa réputation s'étendant jusqu'à l'extrême limite de sa "sphère d'influence". Tout être vivant, qu'il porte ou non une chemise sur le dos, est ainsi environné d'une sphère d'influence et je demande seulement à Votre Grâce, quand on lui dira qu'une telle sphère était d'un grand poids en ce monde, de l'imaginer dilatée ou contractée proportionnellement au rang, à la profession, à la science, aux capacités, à la hauteur et profondeur (dans les deux sens) du personnage considéré.

Extrait n°2 : Aristote dit dans son grand ouvrage qu'un homme, quand il pense au passé, baisse son regard vers la terre et qu'il l'élève vers le ciel s'il songe au futur.
Mon oncle Toby ne devait penser ni à l'un ni à l'autre car son regard demeurait horizontal.

Extrait n°3 : Tandis que les gens du commun, guidés par ces lumières, s'affairaient à descendre au fond du puits où la Vérité tient sa petite cour, les savants n'en étaient pas moins occupés à en pomper l'eau dans les conduits de leur dialectique : eux ne recherchaient pas les faits : ils raisonnaient.
La Faculté, plus que tout autre corps savant, eût projeté des flots de lumière sur le sujet si elle avait pu ne pas le mêler à ses disputes sur le goître et l'enflure œdémateuse ; elle n'y réussit malheureusement pas, bien que le nez de l'étranger n'eût pas plus à faire avec l'œdème qu'avec le goître.
Il fut toutefois démontré de façon très satisfaisante qu'une masse aussi pesante de matière hétérogène ne pouvait croître sur le nez par congestion et conglomération, tandis que l'enfant était encore in Utero, sans rompre l'équilibre statique du fœtus et sans le faire choir la tête la première neuf mois avant terme.
Certains opposants accordèrent la thèse mais nièrent les conséquences.

Extrait n°4 : Il n'est pas étonnant qu'Eudamidas, fils d'Archimadas, ayant ouï Xenocrate disputer de la sagesse à soixante-dix ans, ait demandé gravement à quel âge le vieillard comptait user de cette sagesse dont il recherchait et discutait encore la nature.

26 octobre 2013

La Résistance au Christianisme

La résistance au christianisme (1993)La Résistance au Christianisme, Les hérésies des origines au XVIIIe siècle, de Raoul Vaneigem, 1993.

Extrait n°1 : Une rumeur veut que ces nicolaïtes, du nom de l'évêque Nicolas gouvernant leur communauté, aient fait l'objet de polémiques dont le texte grec de l'Apocalypse attribuée à Jean porte témoignage. Si l'on se souvient que le même nom de Jean revêt un évangile originellement tiré d'un midrash naassène, il n'est pas improbable qu'à l'original juif de l'Apocalypse se soit ajouté, à la din du Ier siècle - alors que s'affrontent à Éphèse, à Antioche, à Pergame, à Alexandrie, à Corinthe, des philosophes judéo-chrétiens comme Cérinthe, Satornil et les partisans de Saül/Paul -, un programme de réunification esséno-chrétienne excluant le vieux naasénisme. Le texte de l'Apocalypse attaque nommément (2, 6 et 15-16) les nicolaïtes influents à Éphèse et à Pergame, où ils semblent s'efforcer de concilier naasénisme et essénisme.

Extrait n°2 : Écrite vers quinze ou seize ans, l'oeuvre de celui que Jacques Lacarrière qualifie de Rimbaud gnostique relie l'égalité sociale au libre exercice des désirs. Sa critique de la propriété outrepasse la conception rousseauiste, et il faut attendre Fourier et la radicalité de l'anarchie individuelle, avec son principe : "Ne nous groupons que par affinités", pour que ressurgisse en écho le génie précoce d'Épiphane de Céphalonie.

Extrait n°3 : Le mouvement cathare, tel qu'il se propage en Italie du Nord, en Provence, dans la région rhénane, en Flandre et en Champagne, procède, à l'origine, des missions bogomiles. Les chasseurs d'hérétiques ne s'y trompent pas qui les appellent "bougres", c'est-à-dire Bulgares (la Chanson de la croisade, v. 18, nomme les albigeois "cels de Bulgaria"). Leur désignation par le terme "cathare", du grec catharos, "pur", donnera l'allemand Ketzer, "hérétique". La Flandre les connaît au début sous le nom de "piffles" et la Gaule les appelle "tisserands", par référence à une corporation prompte à s'insurger contre les tyrannies et à répandre les idées de liberté.

Extrait n°4 : Poussé par la famine, Dolcino provoquant l'ennemi à la bataille se jeta dans un affrontement hasardeux dont il sortit vainqueur, capturant des prisonniers qu'il échangea contre des vivres. Alors, Clément V, multipliant les bulles de croisade, les promesses de détaxation et les avantages de tous ordres, obtint des renforts militaires de Lombardie, du Piémont, du comte de Savoie. Au blocus s'ajoutèrent les machines de siège et des armées de mercenaires expérimentés. Rédigeant à l'époque sa Divine Comédie, Dante Alighieri ne dissimule pas les sympathies que suscite en lui la guerilla de Dolcino. Il le met en garde contre une tactique de repli où le climat jouera contre lui et le dépouillera des avantages que lui avait assurés la mobilité de ses troupes aguerries et bien nourries.

Extrait n°5 : Où la politique avait condamné Dolcino, les spirituels et Savonarole, elle sauve Luther et son mouvement, elle le porte au pouvoir en vertu de cette force qui, sous les dehors de la religion et des idéologies, commence à apparaître au grand jour comme le véritable mode de gouvernement des hommes : l'économie. Luther et Calvin entérinent les décrets obscurs de la libre entreprise jusque dans l'écrasement du communalisme paysan et dans la condamnation de ce libre-esprit si résolument inconciliable avec l'emprise économique exercée sur la vie des hommes.

5 juin 2013

L’écœurement N°3, la revue du désœuvrement actif

CouvLienRevue n°03

Le 22 mars 2012*, un « gamin » réussissait presque à lui seul à stopper une campagne électorale française pour la présidence dont le moins que nous puissions dire est qu'alors elle ne nous eût pas manqué, nonobstant l'immense qualité comique du spectacle. On a malheureusement les terroristes qu'on mérite, et Mohamed Merah fut bel et bien seulement à la hauteur du mérite français : sept morts n'auront finalement pas suffi pour qu'on se décide en haut-lieu à suspendre plus d'une minute le ridicule. On a même au contraire et de loin préféré ajouter du ridicule au ridicule, en comparant bientôt les tristes crimes du jeune Mohamed Merah à ceux du 11 septembre 2001, puisqu'après tout il est d'antédiluvienne certitude patent qu'en Amérique-sur-Garonne 7 est à peu près égal à 2800, et que quelques coups de feu y valent de longtemps trois tours pulvérisées et un pentagone légèrement soufflé...

 

Sommaire :

Page 3 à 5 : Edito (Léolo)

Page 6 : Perpetuum (Michel Ville)

Page 7 à 9 : Pour une métaphysique écœurante de l'écœurement - suite n°2 (Emile Henry)

Page 11 à 15 : Note sur la question des immigrés (Guy-Ernest Debord)

Page 15 : Générations perdues (Des écoeurés)

Page 17 à 22 : Retour sur la commémoration des 40 ans de mai 68 (Isabeau de Loère)

Page 23 à 24 : 40 mesures de guerre (Calavera)

Page 25 à 29 : D'une certaine réalité du trop ! (Léolo)

Page 31 à 32 : Parmi quelques seize écoeurèmes de nos merveilleux oublis (Le Dialecticien masqué)

Page 33 à 42 : Recette - Viande de Carême en sauce et son riz pilaf / P. 33, Heb Ken / P. 35, Victuailles & Yec'hed mat / P.36, Pour 4 commensaux / P. 37, Mijotage / P. 39, Conseils et variantes / P. 40, Monsieur, quand on a l'honneur... & Un dessert sans fromage... / P. 41, Plaisir monastique... & Ce que nous enseigne la philsophie... (Le Viandier)

 Page 43 à 44 : Un appel (Murgeman)

Avec des "illustrations" de Léolo, La belle Brasseuse, Florence M, Constant Nieuwenhuys, Le Viandier, Philibert de Pisan.

6 décembre 2012

Le fond de l'air est rouge

Le fond de l'air est rouge

bande-annonce d'un film de Chis Marker

(réalisé en 1977, réduit et retouché en 1996 par son auteur)

 

Philibert de Pisan AEC copier01

Quelques précisions : Si l'intérêt cinématographique de ce film s'avère peu discutable, il est à noter toutefois que son discours, lui, n'est pas sans faiblesses. L'angle choisi pour opérer une analyse historique des années 1960 et 1970 en particulier, en effet, ne lui permet pas toujours de faire bien saisir tous les enjeux politiques et "métaphysiques" de cette époque, ni non plus les "originalités" qui s'y sont exprimées, lesquelles sont assez souvent omises au profit d'une vision presque exclusivement concentrée sur les actions et orientations des partis de "pouvoir", "révolutionnaires" ou non. Or, l'une des singularités de cette période - si essentielle à la compréhension de la notre -, est d'avoir maintes fois connu une radicalité qui, quoique plus ou moins neuve dans l'aperception qu'elle avait de la situation mondiale et locale, contestait la plupart du temps sans la moindre ambiguïté l'existence même et du "pouvoir" et des partis susceptibles de s'en emparer. Aussi n'entendra-t-on pas parler, ou presque pas, durant ces trois heures d'un intelligent montage, des "enragés", des situationnistes, des "éléments" dits "incontrôlés" et des "autonomes" (entre autres), qui jouèrent pourtant un rôle parfois considérable en ces années historiques. Et rien n'est plus symptomatique de cette importante lacune que le peu de cas qui est fait de l'Italie, pays qui fut pourtant à "l'avant-garde" de toutes les "transformations" de l'époque susdite, tant d'ailleurs du point de vue de la contestation que de la répression. Une fois ces considérations bien comprises, on regardera quand même cette oeuvre avec avantage en la prenant pour ce qu'elle est : l'écho de la mémoire d'un homme traversé par son temps, l'écho de la mémoire de Chris Marker.

Philibert de Pisan

24 mai 2018

Pour Maxime

Pour Maxime, mutilé sur la ZAD le 22 mai 2018

Lettre de Robin, mutilé à Bure le 15 août 2017

Robin est un jeune père de famille blessé grièvement à Bure en Août dernier par une grenade explosive GLI-F4. Il nous a fait parvenir une lettre qu’il a transmis à Maxime, dont la main a été arrachée par une grenade explosive GLI-F4 hier sur la ZAD. "Il est tombé près de 4000 grenades explosives sur la ZAD depuis le début de son invasion par les gendarmes mobile". Elles avaient déjà fait plusieurs centaines de blessés depuis le début de l’opération.

Explosion grenade à la ZAD 2018


"Mettre des mots sur l’horreur. Ne pas céder à la résignation. Au terrorisme d’État. Malgré le stylo qui tremble, écrire. Témoigner. Ne pas se laisser écraser par le concert d’opérations sémantiques, de propagande préventive et de censure qui cherche à nous couper de notre empathie et de la révolte qu’elle devrait spontanément engendrer.

Maxime vient de perdre sa main. Sa main droite. Pour toujours. Il rejoint bien plus gravement encore, l’enfer que j’ai vécu durant 9 mois. Le 15 août 2017, à Bure, l’explosion d’une grenade GLI-F4 tirée par les gendarmes mobiles creusait mon pied gauche sur un diamètre de 13cm et jusqu’à 3cm de profondeur arrachant peau, veines, nerfs, muscles et pulvérisant les os. C’était pendant une manifestation contre le projet Cigéo d’enfouissement de déchets radioactifs à 500m de profondeur. Il y a eu 30 blessés dont 4 graves.

Contrairement à ce que leur nom indique, les grenades GLI-F4 contiennent de la TNT et explosent ! Leurs déflagrations font 1m de diamètre et peuvent tuer si elles touchent une partie vitale. Les appellations de « lacrymogènes » ou d’« assourdissantes » que la préfecture et les ministres leur donnent dans les médias servent à masquer la vérité à leur sujet : CE SONT DES ARMES DE GUERRE !

L’État utilise des armes de guerre pour terrasser le peuple. Dans le cas présent, les conséquences sont bien pires qu’un tir à balle réelle.

Déjà, à l’époque, j’avais alerté sur les dangers des grenades explosives en organisant une manifestation pour exiger leur interdiction mais les grandes chaînes ont cantonné l’information à la région Lorraine. La majorité des français ignore encore la vérité sur ce sujet. Il est tombé près de 4000 grenades explosives sur la ZAD depuis le début de son invasion par les gendarmes mobiles. Provoquant des centaines et des centaines de blessés notamment à cause des éclats de métal qu’elles projettent. Où est la violence ?

Maxime est actuellement à l’hôpital.

Outre les intenses douleurs et le fort traumatisme qui le suivront nuit et jour, il devra désormais supporter ce handicap inimaginable : vivre avec une seule main. Cette main, que l’explosion lui a arraché sur le coup, l’État lui a volé pour prix de son combat, pour prix de notre combat. Dans les dernières décennies, la militarisation du maintien de l’ordre a fait couler trop de sang.

Combien d’éborgnés ? Combien de mutilés ? Combien de vies déchirées par l’utilisation criminelle des flashballs et des grenades explosives ? La violence de l’État pour mater toute résistance est extrême. Elle cherche à nous terroriser, à nous acculer à la résignation. Face à cela, la solidarité est notre arme et jamais la peur ne doit nous arrêter.

Proches, moins proches et tous ceux qui croiseront la route de Maxime, prenez soin de lui ! Tenez bon ! Il y a mille et une manières de lui apporter ce qui lui permettra de vivre. Écoutez-le, cherchez, trouvez !

La vie continue, le combat pour elle aussi. Maxime tiens bon !"

Source : Nantes Révoltée

7 janvier 2019

La police dans la poche

La police dans la poche

Un policier utilise un telephone a partir d un bateau dans une rue inondee a Bath, inondation 1947 récadrée

Ce n'est pas un hasard si dans certains pays comme la Grèce et l'Allemagne, les manifestants font tout pour interdire les photographes/vidéastes au sein des mouvements. Régulièrement, des photos/vidéos offrent les visages des activistes aux bases de données de la police.

Trop souvent des images servent à réprimer et à ficher les manifestantes et manifestants, soit directement comme simples constats prouvant l'implication de ces derniers dans telle ou telle agitation sociale et politique, soit en tant que moyens de pression lors de procès ultérieurs.

Prendre des photos/vidéos en manifestation n'est dès lors jamais innocent, et ne devrait pas se faire sans avoir pris un certain nombre de précautions.

Il n'est pas rare de voir la police obliger un manifestant ou une manifestante à donner ses photos. En garde à vue notamment, les moyens de pression sont nombreux. Qui plus est, le développement de la reconnaissance faciale permet le plus souvent d'ores et déjà de connaître presque instantanément l'identité des personnes photographiées ou filmées, que ce soit à partir des originaux ou des mises en ligne sur facebook par exemple, ou encore periscope.

C'est pourquoi si le ou la photographe n'agit pas de manière responsable, il ou elle prend le risque d'être traité comme un auxiliaire des forces dites de l'ordre et des tribunaux.

Plusieurs éléments sont donc à prendre en compte au moment où les photos et les vidéos sont prises comme au moment de leur retouche :

1 - Le support sur lequel la police sera susceptible de collecter les images : carte mémoire, facebook, indymédia,...

2 - Les éléments susceptibles de rendre une personne reconnaissable : visage, taille, vêtements, cagoule enlevée puis remise,...

3 - Les éléments qui rendent le ou la photographe/vidéaste reconnaissable : les méta-données, en particulier, peuvent signaler la marque de l'appareil, la date et l'heure de l'enregistrement ainsi que la position GPS.

4 - La présence d'un ou une photographe/vidéaste peut dissuader quelques personnes de manifester, décourager certains gestes de ruptures nécessaires à l'avancée de la manifestation, ou encore contraindre à se masquer celles et ceux qui pourtant ne l'auraient aucunement souhaité sans cela.

5 - Nul photographe/vidéaste n'a à imposer aux autres manifestantes et manifestants sa propre conception du rapport à l'image et à l'action, et ce d'autant moins que dans la plupart des cas, si ses images ont des conséquences pénales, entre autres, ce ne sera pas elle ou lui qui en fera les frais.

Dans la rue :

1 - Toujours être prêt à détruire une carte mémoire ou au moins se trouver en capacité d'effacer les images enregistrées le plus rapidement possible.

2 - Ne jamais photographier ou filmer une scène susceptible d'entraîner des conséquences pénales.

3 - Eviter autant que possible de photographier ou filmer une personne ayant fait savoir qu'elle ne le souhaitait pas.

Sur le web :

1 - Penser à nettoyer les méta-données : heures, lieux, marque de l'appareil, identité du propriétaire...

2 - Toujours flouter les visages des manifestantes et manifestants.

3 - Rendre méconnaissables les vêtements et chaussures portés, ainsi que tout signe distinctif, si ceux-ci apparaîssent par trop identifiables.

4 - Avoir à l'esprit que plusieurs photos/vidéos prisent de différents points de vue et à des moments différents peuvent parfois s'avérer plus utiles encore à la police en lui permettant de reconstituer l'ensemble d'une séquence compromettante, que d'ailleurs le "délit" ait été réel ou non : un montage bien ficelé pouvant faire croire à tout et n'importe-quoi.

original du texte à voir sur Secours Rouge, ici légèrement modifié par nos soins

La police dans la poche revue par AEC copier

25 juin 2013

L'Intuition de l'instant

L'intuition de l'instant (1931)

L'Intuition de l'instant, de Gaston Bachelard, 1931.

Extrait n°1 : Qu'on se rende donc compte que l'expérience immédiate du temps, ce n'est pas l'expérience si fugace, si difficile, si savante, de la durée, mais bien l'expérience nonchalante de l'instant, saisi toujours comme immobile. Tout ce qui est simple, tout ce qui est fort en nous, tout ce qui est durable même, est le don d'un instant. Pour lutter tout de suite sur le terrain le plus difficile, soulignons par exemple que le souvenir de la durée est parmi les souvenirs les moins durables. On se souvient d'avoir été, on ne se souvient pas d'avoir duré.

Extrait n°2 : Et nous rêvons à une heure divine qui donnerait tout. Non pas l'heure pleine, mais l'heure complète. L'heure où tous les instants du temps seraient utilisés par la matière, l'heure où tous les instants réalisés dans la matière seraient utilisés par la vie, l'heure où tous les instants vivants seraient sentis, aimés, pensés. L'heure par conséquent où la relativité de la conscience serait effacée puisque la conscience serait à l'exacte mesure du temps complet. Finalement, le temps objectif, c'est le temps maximum ; c'est celui qui contient tous les instants. Il est fait de l'ensemble dense des actes du Créateur.

Extrait n°3 : "[...] Nous venons de loin avec notre sang tiède... et voici que nous sommes l'Ame avec les ailes et la Pensée dans l'Orage !..." Un si long destin prouve qu'en retournant éternellement aux sources de l'être, nous avons trouvé le courage de l'essor renouvelé. Plutôt qu'une doctrine de l'éternel retour, la thèse roupnelienne est donc bien une doctrine de l'éternelle reprise. Elle représente la continuité du courage dans la discontinuité des tentatives, la continuité de l'idéal malgré la rupture des faits. Toutes les fois que M. Bergson parle d'une continuité qui se prolonge (continuité de notre vie intérieure, continuité d'un mouvement volontaire) nous pouvons traduire en disant qu'il s'agit d'une forme discontinue qui se reconstitue. Tout prolongement effectif est une adjonction, toute identité une ressemblance. Nous nous reconnaissons dans notre caractère parce que nous nous imitons nous-mêmes et que notre personnalité est ainsi l'habitude de notre propre nom. C'est parce que nous nous unifions autour de notre nom et de notre dignité - cette noblesse du pauvre - que nous pouvons transporter sur l'avenir l'unité d'une âme. La copie que nous refaisons sans cesse doit d'ailleurs s'améliorer, ou bien le modèle inutile se ternit et l'âme, qui n'est qu'une persistance esthétique, se dissout.

n

30 novembre 2009

« L’INSURRECTION QUI VIENT », CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET ALTERNATIVE EXISTENTIELLE

    Le texte qui suit n'est pas le fait du comité stéphanois (qui l'avait publié en son temps sur son propre blog), et moins encore celui des AECiens (qui n'existaient pas à cette époque), et nous tenons à préciser qu'il mérite évidemment d'être débattu. Il nous a toutefois paru intéressant de le proposer sur notre blog le plus tôt possible, afin justement de l'ouvrir à la discussion et aux diverses réponses qu'il est susceptible de recevoir. Nous proposerons nous-mêmes d'ici quelques temps un retour sur ce qu'il avance, la question identitaire nous semblant en effet se poser dans L'insurrection qui vient, mais pas nécessairement à la manière dont l'analyse l'auteur dudit texte - du moins ne sommes nous pas pleinement en accord avec ses "conclusions".

« L’INSURRECTION QUI VIENT »

CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET ALTERNATIVE EXISTENTIELLE

 

Ce texte n’est pas une étude critique des thèses exposées dans le livre L’insurrection qui vient, ni une tentative de « démontage théorique » de celui-ci. L’idée m’est d’abord venue de l’aborder ainsi, et je ne suis sans doute pas le seul. Bien des choses avancées dans ce livre pourraient en effet être discutées. Mais rapidement, j’ai eu le sentiment de l’inutilité de cette démarche. Ce sentiment, cette intuition plutôt était celle de l’impossibilité du dialogue avec ce livre, ou d’un dialogue toujours rompu en un point déterminé. J’ai eu le sentiment décourageant que ce texte ne pouvait pas être critiqué : il m’a semblé qu’autre chose était en jeu, qui n’était pas quelque chose dont on puisse discuter, pas une simple divergence de vues, que ce qui était central dans le texte n’était pas ce qui y était affirmé, mais l’affirmation elle-même.
Cette volonté rageuse d’affirmation, c’est ce qui donne sa force au texte, mais aussi sa raideur, c’est ce qui le rend imperméable au dialogue. Je n’y vois pas seulement un effet de style, mais une structure profonde, propre à tous les énoncés doctrinaux.
Il m’est donc apparu ceci : si l’IQV défend bien des idées, une vision du monde ou un projet politique, ce qu’expose ce texte est toujours conditionné par l’affirmation d’une identité. C’est sous cet angle que je l’aborderai.

L’identité et ses propriétés
Il n’est pas nécessaire de définir ce qu’est une identité pour la connaître, pas plus qu’il n’est nécessaire de définir un chat pour savoir ce qu’est un chat.
Un individu peut avoir des tics, c’est un individu ; mille individus qui ont les mêmes tics, cela peutêtre une coutume ou une épidémie ; mille individus qui défendent un tic, c’est une identité.
Une identité, c’est ce qui fonde un groupe en permettant à chaque individu qui s’y implique de se définir activement à travers elle. Pour l’individu, c’est une démarche de sujétion active qui lui permet de revendiquer cette identité. En retour, l’identité confère à l’individu le bénéfice d’un renforcement subjectif. Le bénéfice le plus simple est de pouvoir dire : « Je suis », et surtout « Je ne suis pas » ceci ou cela.
Une identité se distingue par des contiguïtés, des frontières, des confins. Il y a Nous et les autres, qui se définissent par rapport à Nous.
L’identité veut être repérable. D’où gestes, costumes, paroles et leur utilité directe : assurer la visibilité, le tranchant de l’identité. De ce point de vue, il est assez évident que les masques ne sont pas là pour cacher des visages, mais pour manifester une identité.
Une identité, ça ne résout rien, mais ça a réponse à tout. Face à tout problème, toute contradiction, toute mise en danger, elle réagit spontanément, avec pour seules finalités sa sauvegarde et son renforcement. Comment se distinguer, comment trancher, comment reconstituer autour d’elle l’ordre scénographique de son monde : elle répond à tout ceci avec la promptitude d’un réflexe vital.
L’ordre scénographique de son monde : aucune identité ne repose sur une simple vision du monde, mais sur une mise en scène active de celui-ci. Le monde est activement construit comme un récit, au sein duquel l’identité joue un rôle éminent ou tragique. L’identité déteste le superflu, l’indéterminé, ce qui ne permet pas de juger ou de prendre position. L’identité aime l’ordre. « Mettre de l’ordre dans les lieux communs de l’époque. »
Pour l’individu qu’elle habite, l’identité est toujours à construire. Quelque chose échappe toujours à la parfaite identification de l’individu : il y a toujours des failles, toujours de nouveaux renforcements à créer. L’identité est toujours une quête d’identité.
L’identité occulte l’ennemi sitôt qu’elle le fait paraître. Parce qu’elle le fait paraître selon ses propres besoins scénographiques, elle parvient à le désigner, mais pas à le connaître. Elle en polit aussitôt les aspérités contradictoires et superflues. L’ennemi n’est comme toute autre chose que prétexte à sa propre confirmation. L’identité, en ceci comme ailleurs, sélectionne.
L’identité, trouvant en elle-même tout ce dont elle a besoin, ne sent pas ses propres limites : elle est semblable en cela à l’alcoolique ou au drogué, gueule de bois et descente en moins. Une identité, c’est l’ivresse permanente du Moi.
Désir de l’unité du Moi, de la mise en conformité des idées et de la vie, horreur du doute et de l’informe, besoin d’affirmation, de cohérence, cohésion, contraction : identité.
Une identité ne peut, sans se mettre en danger, se connaître comme identité. Que les philosophes du XVIIIe siècle aient pu montrer les gestes de la religion comme des gestes, c’était la preuve d’une fêlure irrémédiable dans l’identité chrétienne. Et vice versa.
Une identité, objet social, a son utilité propre dans l’économie du social. En particulier, les identités marginales jouent un rôle de vaccin pour l’identité globale (la société), qu’elles aident à se redéfinir et à se renforcer. Le christianisme n’a pas survécu longtemps à la fin des hérésies qu’il a lui-même produites. Et vice versa.
L’identité est une réalité cognitive ancrée dans des individus, mise au service de besoins sociaux particuliers.
Etc., etc.

Au début était le Moi
Ce bref détour un peu aride et forcément incomplet par la description générale de ce que j’entends par le terme d’identité permet de saisir un peu mieux celle qui se manifeste dans l’IQV.
On comprend en particulier pourquoi elle est si attachée aux problématiques du Moi : c’est qu’elle a quelque chose à en faire. L’IQV est une offre d’identité. Elle se sent en mesure de proposer un projet de vie à des Moi à la dérive. Ce qu’elle offre, c’est moins un projet politique qu’une alternative existentielle.
Ce qui était explicite dans l’Appel, à savoir la volonté de constituer des groupes idéologiquement et existentiellement distincts et cohérents, se retrouve à l’état dilué dans l’IQV, dans une version « grand public ». Le propos est cependant toujours le même : convaincre, appeler, rallier. Le premier renforcement auquel songe l’identité, c’est le renforcement numérique. « On n’est pas assez nombreux » reste son perpétuel lamento. Il faut sans cesse convaincre, balayer les objections, acculer les autres groupes à la reddition : convertir.

Pour ce faire, pour rendre cette offre crédible et nécessaire, L’IQV trace d’abord le tableau d’un monde en ruines. Les sept cercles de l’Enfer ne sont pas de trop pour décrire cette ruine matérielle et spirituelle. Matérielle d’abord, et cela tout le monde le sait, les images de la catastrophe encombrent les écrans et les statistiques. Mais « spirituelle » surtout, car c’est bien la déliquescence supposée du sujet qui offre un espace propice à la reconstruction identitaire proposée. On ne rebâtit que sur des ruines. Et donc la première figure de l’enfer, c’est le Moi-tout-seul, le sujet isolé et sa fière devise, « I am what I am ». Et derrière lui, le sujet véritable, souffrant, inadapté, déprimé, qui ne se ressaisit de sa propre réalité que dans la révolte, c’est-à-dire dans l’endossement de l’identité proposée. « Rejoins-nous, et tu seras sauvé ».
Alternative existentielle, l’IQV a besoin de présupposer un « présent sans issue », afin de barrer le passage aux Moi qui seraient tentés de s’accommoder de cet insupportable monde, de s’y trouver des niches. Il leur faudra au contraire traverser avec dégoût les cercles de l’Enfer, afin de trouver le Paradis d’un projet, d’un but, d’une certitude : un choix de vie.

La traversée des cercles de l’Enfer et le projet auxquels elle mène relève de cette dynamique de récit propre à l’identité, conçue comme sujet actif et central du monde : c’est elle seule qui lui donne le sens dont il est par lui-même dépourvu.

Je ne manquerai pas de signaler au passage mon accord relatif avec la définition du Moi comme point de passage d’une expérience singulière et collective du monde, et la rapide critique du coinçage identitaire dont elle est assortie. Je regrette simplement que les conséquences n’en aient pas été tirées. Je regrette surtout que cette définition ne s’étende pas à ce qui détermine socialement le Moi, mais se borne à en faire une chose neutre, une subjectivité pure égarée dans un monde socialement indifférencié. Et l’oubli de tout ce qui fait que le monde est pour certains « Moi » moins ce qui les traverse que ce à quoi, perpétuellement, ils se heurtent.

Cependant, l’expérience singulière comme réalité du sujet disparaît très rapidement derrière la valorisation du « lien ». On ne l’a donc détaché un instant, le Moi, que pour lui flanquer la frousse, la peur du vide, et pour de nouveau lui proposer la fraternelle ligature. Le lien, le lien personnel s’entend, et non pas le bête « lien social » dont parlent les politiques, est ce qui est de nouveau proposé au Moi pris de vertige. Et qu’est-ce qui lie mieux qu’une identité particulière, restreinte, chaleureuse et de surcroît révolutionnairement extensible à tous, le Nous ?
Outil de conversion, L’IQV retrouve les bonnes vieilles méthodes de la prédication : faire peur d’abord, faire entrevoir l’enfer, et proposer ensuite une planche de salut. Méthode rhétorique, méthode de dressage et d’appropriation aussi ; faire sauter un bébé en l’air pour le rattraper aussitôt, menacer un ennemi pour lui tendre la main ensuite. Une identité est avant tout un processus de sujétion, et elle en connaît et en applique d’instinct tous les ressorts.

« Le bon moment, qui ne vient jamais »
Et naturellement, le Moi n’a pas le choix : consentir à continuer à vivre dans la couveuse anxiogène du monde tel qu’il est, c’est se condamner à périr avec lui. Puisque la cause est jugée : la Babylone mondiale est en voie d’effondrement. Dès lors, la seule alternative est périr avec, ou vivre contre. Enfin, de nouveau, « la liberté ou la mort ».
Nulle part n’est évoquée, ne serait-ce qu’à titre d’hypothèse, la possibilité que le capitalisme dure encore un peu, que son effondrement puisse être légèrement différé, ou peut-être si lent qu’il risque de prendre plusieurs siècles. Que ferons-nous dans ce cas ? Cette possibilité doit-elle influer sur notre action, ou est-il plus sage de n’en tenir aucun compte ? Dans quelle temporalité situons-nous notre action ? Naturellement, ces mesquins calculs rationnels puant le libéralisme répugnent à notre identité révolutionnaire, qui ne rêve que de brandir de nouveau « l’étendard de la bonne vieille cause » et de monter à l’assaut, dût-elle y périr.
Scénographiquement, pour une identité, des propositions du genre « ce n’est peut-être pas le bon moment » sont parfaitement nulles. Une identité ne se construit pas sur des scénarios du genre Désert des Tartares. Elle aime bien mieux entendre les clairons de la bataille. On ne constitue pas une identité sur des incertitudes.
C’est pourquoi il est bien inutile d’argumenter sur les difficultés pratiques ou le caractère inopportun de telle ou telle entreprise où l’identité se sera engagée : on ne discute pas de problèmes pratiques avec une identité qui a besoin de se manifester. Le possible et l’impossible, ça n’existe pas pour une identité, et c’est bien sa force, puisque c’est la force qu’elle cherche, son propre renforcement à travers celui des individus qui la portent. Elle ne s’ajuste pas au monde en fonction de réalités objectives.

Dire que le bon moment ne vient jamais, c’est dire qu’on ne sait jamais avec certitude si c’est le bon moment ou pas : il faut bien franchir le pas sans avoir l’assurance de réussir. C’est vrai, mais cela ne signifie pas qu’il ne faille pas tenir compte du moment, c’est-à-dire questionner le réel, et pas attendre qu’il réponde à nos désirs. Quitte à foncer dans le tas le moment venu.
Le « bon moment » pour les luttes ne dépend directement d’aucun des acteurs, il n’est soumis à la décision ou au choix d’aucun comité, invisible ou pas. En réalité, il est toujours l’objet d’un conflit. C’est vrai en particulier aujourd’hui, où les luttes sont de moins en moins dépendantes des partis et des syndicats, cherchent de plus en plus à se donner d’autres formes, sans doute pas plus « radicales », mais en tout cas moins saisissables. On en a vu l’exemple avec la lutte contre le CPE de 2006, où le mouvement censé être terminé après le retrait du CPE s’est tout de même étiré en longueur, parce que simplement tout le monde n’était pas d’accord pour s’arrêter là. Il a pourtant bien fallu s’arrêter, même à contrecoeur, parce que continuer aurait été absurde. Un mouvement social est aussi construit comme un récit, avec un début, un milieu et une fin. Il a donc, qu’on le veuille ou non, des moments. Pour reprendre l’exemple de 2006, son vrai bon moment aurait été de pouvoir continuer le « mouvement », alors que ça n’était « plus le moment ». Mais les « bons moments » viennent et passent ; ils ne dépendent pas seulement de nos choix. Il ne s’agit pas de céder à la mauvaise temporalité des mouvements sociaux qui ne veulent que rester ce qu’ils sont, mais de mettre en conflit cette temporalité.

« Le sentiment de l’imminence de l’effondrement »
La mort imminente du capitalisme, voilà bientôt deux siècles qu’on nous la prédit. Tous ceux qui ont désiré la fin du capitalisme ont aussi essayé d’en faire un destin historique. Dans les formulations marxistes, on a eu droit aux « contradictions mortelles », à la « décadence ». Voilà maintenant qu’il « s’effondre ».
L’Effondrement a ses caractéristiques : lorsqu’un bâtiment s’effondre, c’est que les matériaux qui le constituaient, et lui permettaient jusqu’ici de rester debout, se sont dégradés et corrompus, de telle sorte qu’ils ne le soutiennent plus. C’est un processus d’ensemble, d’abord lent et insensible, qui atteint une phase critique, et enfin une brusque accélération, où les parties encore solides cèdent sous le poids de celles qui sont totalement dégradées. On peut le diagnostiquer, mais pas en prévoir le moment précis.
C’est un processus d’ensemble, mais un processus de désolidarisation. Chaque pièce de l’ensemble se détache du tout, cesse d’en faire une unité organique. Du point de vue biologique, cela ressemblerait à la décomposition d’un corps.
Ce qui est dénié au capitalisme, et plus largement à tout le monde social, à travers la notion d’effondrement, c’est sa capacité à faire un tout cohérent.
À ce manque supposé de cohésion, l’identité oppose sa cohérence éthique propre, infiniment supérieure à cette chose informe. À cette désolidarisation s’oppose la solidarité, la densité des liens, voire l’imperméabilité du groupe.
À ces liens qui se défont, l’identité oppose la puissance des liens qu’elle réinstitue. Toute identité, club de supporters ou secte quelconque, a son moment scissionniste, qui est aussi bien celui de sa fondation.

Il est évident que dans cette conception le capitalisme (ou l’empire, ou comme on voudra) est conçu comme une chose, et comme une extériorité. Cela peut aussi être une machine, que l’usure de ses pièces finit par détruire.
La chose extérieure est bien ce dont une identité à besoin pour se constituer. Son souci de rejeter à l’extérieur tout ce qui n’est pas elle lui fait répugner à l’idée qu’elle puisse participer à ce qu’elle déteste. Le capitalisme, c’est l’ennemi. L’ennemi ne peut pas être en Nous, il est hors de Nous, c’est une extériorité, une chose.
Son destin d’effondrement décrit donc le capital comme extériorité pure, face à laquelle on n’est contraint que superficiellement, puisqu’elle ne saurait nous habiter ou influer sur nos choix autrement que de façon occasionnelle. Face à cela, la débrouille et les combines sont des réponses amplement suffisantes.
Le capitalisme est nié non seulement comme rapport social, mais comme rapport social contraint. Le fait que l’on puisse être obligé de travailler, et que là est bien le problème, est complètement occulté.
Si le capitalisme s’effondre, c’est aussi parce qu’il est devenu une fiction, à laquelle personne ne croit plus. Tous les efforts que fait l’empire pour survivre se limitent à ceci : maintenir la fiction de sa propre existence. Ce monde n’est pas réel, il fait semblant d’exister. C’est un néant, une abstraction, qu’il faut moins abattre que dissiper.

L’« imminence » de l’effondrement donne son cadre tragique aux aventures de l’identité : c’est la toile de fond, le décor de son récit. L’« imminence » inscrit ce récit dans une temporalité de l’urgence permanente. Le temps du monde ne s’écoule plus sans direction déterminée, au gré de fluctuations contingentes : il a un sens, et un sens tragique.
Si rien n’est dit de véritablement précis à propos de l’effondrement, c’est qu’il n’est pas nécessaire qu’il soit réellement envisagé : ce qui importe, c’est bien le sentiment que l’on en a. La conviction de vivre dans cet effondrement renforce le besoin que l’on a de l’identité, pour dépasser la crainte de l’effondrement, y survivre, en faire l’opportunité d’un nouveau renforcement, voire d’une réalisation totale du contenu identitaire. Micro contrat social, l’identité garantit protection et salut à ceux qui y adhèrent.
Que l’effondrement ne vienne jamais, cela n’est pas un problème : on pourra toujours en décrypter les signes, à l’infini. Les millénaristes, qui cent fois ont prédit la date du Millénium et ne l’ont jamais vu arriver, ne se sont pas découragés pour autant. La foi, c’est-à-dire l’aveuglement collectivement organisé, les soutenait.

La « décomposition des rapports sociaux » est une idée très répandue. La plupart du temps, elle s’appuie sur la nostalgie des « vrais » rapports sociaux d’autrefois. Est supposé un temps meilleur, ou chacun avait sa place sociale déterminée, attribuée une fois pour toutes. Cette nostalgie un peu vague se superpose aujourd’hui à la nostalgie citoyenne des Trente glorieuses, d’un temps où l’État veillait paternellement sur nous.
La réalité est que le capitalisme entraîne une décomposition sociale perpétuelle, et que c’est sa façon de survivre. Il lui a fallu pour se constituer détruire un monde paysan millénaire, afin de créer un monde ouvrier qu’il entreprend aujourd’hui de détruire (c’est-à-dire de recomposer) à son tour, du moins dans les pays développés. Identifier cette dynamique de destruction vitale à un effondrement est un leurre, parce que cela renvoie le cours du capital à un processus naturel de décomposition, sans permettre de percevoir les enjeux qui sont engagés dans ce processus. On ne peut comprendre le sens d’une guerre simplement par la description des dégâts qu’elle occasionne. Dire « on a rasé Dresde » ne dit rien sur la Seconde Guerre mondiale. Dire « les rapports sociaux se défont » ne dit rien sur le capitalisme. Il faut encore montrer pourquoi ils se défont. Mais pour une identité, qui veut sans cesse polariser le monde selon les nécessités du récit qui lui permet de s’y engager, comprendre, c’est accepter. Le monde ne « cesse d’être supportable » que dès lors qu’il apparaît « sans cause ni raison ».
L’identité qui se constitue autour d’un refus considère comme une compromission le fait de tenter de comprendre ce qu’on refuse. Le refus suffit bien : à quoi bon tenter de comprendre ? Chercher à comprendre, c’est le début de la trahison. Il suffit de manifester son refus, sa révolte, et si l’on doit comprendre des choses, c’est seulement en vue d’alimenter cette révolte. Le reste est superflu.
Il y a bien des causes et des raisons au monde capitaliste, mais ce que sous-entend l’IQV, c’est que ces raisons sont folles, c’est-à-dire injustifiables. Que le capitalisme ne soit pas éthiquement justifiable ne lui ôte en rien sa réalité ni sa cohérence propre, pour notre malheur. Le refus éthique ne suffit pas. Les raisons du capitalisme ne sont certes pas les nôtres. Saisir ce que sont ces raisons est ce qui permet d’affirmer le caractère inconciliable de ce conflit, et de le situer avec précision.

« Ce qui se passe quand des êtres se trouvent »
Le tableau de désolation que l’IQV nous fait du monde finit par aboutir à une idylle. Soudain, des « êtres » se trouvent.
Ayant soigneusement barré le chemin à toute forme de regroupement qui ne serait pas elle, l’identité nous fait entrevoir la récompense. Enfin, nous serions des « êtres ». Pas des sujets sociaux, conflictuellement ancrés dans une classe, porteurs de contradictions, mais simplement des « êtres ».
Des « êtres » enfin défaits de tous liens, libres et indifférenciés, décapés de toutes les scories que l’existence sociale y a déposées. L’IQV dit les « êtres » comme l’humanisme dit l’Homme. Les « êtres » ont la transparence des anges et des belles abstractions. Ils peuvent prendre toutes les formes, se choisir librement. Enfin nettoyés de tout particularisme, ils sont prêts à endosser les habits neufs qu’on leur propose.
Le conflit étant rejeté à l’extérieur, il règne à l’intérieur une ambiance fusionnelle, étant acquis que ce qui se forme entre les « êtres » ne peut pas être un horrible « milieu », puisque les milieux ont été sévèrement critiqués. Le lien entre les « êtres » est d’une toute autre nature, pure et ineffable. L’identité ne peut se penser comme identité. On voit mal toutefois en vertu de quelle magie ces « êtres »-là échapperaient de la sorte à toute conflictualité, autrement que par la suspension de leur propre jugement critique.

Ce qui se dessine là, à travers la libre constitution des « êtres » en « communes », c’est la perspective d’une société entièrement pacifiée, transparente à elle-même, dépourvue d’antagonismes : le vieux rêve millénariste d’un communisme naturel, reposant sur l’idée d’une nature communiste de l’homme. Que ce soit sous la forme d’un Age d’or édénique, ou sous la forme anthropologique d’un « communisme primitif » qui prendrait sa source à l’aube du social, c’est toujours le communisme, l’égalité absolue entre les hommes, qui sont présupposés comme étant la véritable nature sociale des hommes.
On a ainsi tendance à valoriser la tribu, la bande, ou même la meute, censées être plus naturelles, plus véritablement sociales que les sociétés « complexes » du monde capitaliste.
Le « primitif » est censé ne pas avoir de problème d’identité : il est strictement ce qu’il est, c’est-àdire sa propre place au sein de la tribu. Il est défait du poids de sa propre singularité. Il est une identité pure, accomplie. Il est l’essence anthropologique de l’homme : le communisme.
Dès lors, la révolution n’est qu’un problème d’organisation matérielle : il suffit de couper l’herbe sous le pied à toutes les institutions de la société complexe pour que le naturel social revienne au galop : c’est tout de suite le communisme.
Le communisme, nature sociale de l’homme, s’est égaré en chemin au cours de l’histoire : il suffit de lui ouvrir la voie pour qu’il resurgisse aussitôt. L’exemple des catastrophes naturelles comme l’ouragan Katrina le montre : il suffit qu’une brèche s’ouvre dans l’organisation capitaliste pour que la « base » s’organise elle-même, retrouve ses instincts partageurs, se communise.
Mais le réel est certainement plus complexe. Si l’humain n’est pas la créature de Hobbes, celle de la guerre originelle de chacun contre tous qui fonde tous les contrats sociaux, s’il est immédiatement social, cette socialité ne se manifeste pas seulement par une tendance innée au partage. La tendance sociale à la domination, la structuration sociale autour de l’appropriation par quelques-uns du pouvoir et /ou des biens, et même celle à l’accumulation maniaque des biens, est bien plus ancienne que le capitalisme (auquel elle a sans doute ouvert la voie), et sûrement plus ancienne que l’homme lui-même. L’homme est un animal social comme les autres. Il y a des chefferies chez les grands singes aussi : le mâle dominant s’approprie la meilleure part de la nourriture et les femelles. Cela n’empêche pas l’entraide entre les individus du groupe. Simplement, pour des raisons ayant trait à la sélection naturelle, les dominants mettent d’emblée en place des dispositifs qui les rendent encore plus forts, et affaiblissent encore les faibles. Pourquoi l’homme serait-il par nature différent ?
Bien entendu, l’homme pense ses propres sociétés, et agit sur elles. Sa plasticité sociale est infiniment supérieure à celle de ses congénères non-humains. Il a un rapport à sa propre socialité. Mais ce rapport n’est pas simplement un rapport instrumental : il prend souvent l’aspect d’une idolâtrie. L’homme est la créature qui fétichise sa propre société. Et c’est le fétiche qui finit par prendre le contrôle de ses adorateurs. Une identité n’est rien d’autre que ce genre de fétiche.
Le communisme n’est pas une variante particulièrement avantageuse du contrat social. Défaisant les liens construits autour de l’appropriation, de la domination, de l’accumulation, du territoire, il ne défait pas seulement une société, mais l’être social lui-même. Ce que crée la communisation, c’est un monde au-delà du sacrifice de chacun socialement consenti au bénéfice d’un tout supposé : le social. Cette idée est aussi difficile à concevoir aujourd’hui qu’un monde sans Dieu au XIIIe siècle. L’idée d’un monde au-delà du social n’évoque spontanément que la barbarie ou la bestialité : elle fait peur, comme l’idée d’un monde sans Dieu aurait terrifié un chrétien du moyen-âge.
Une telle idée est manifestement dangereuse, et on voit bien tout ce qu’elle peut susciter de délirant. Il est clair que cette idée est propre à créer une panique irrationnelle, non seulement chez ceux qui y seraient opposés, mais encore chez ceux qui pourraient l’accepter. Une des manifestations de cette panique est la conception d’un état fusionnel entre les individus, ou d’une fusion des individus avec le social, c’est-à-dire une conception régressive du dépassement du social.

Nier le social dans la perspective de l’établissement d’un pur rapport fusionnel entre des « êtres », c’est vouloir dépasser le social en l’ignorant. La négation des classes sociales n’est pas la négation de leur existence, c’est au contraire à partir de leur existence conflictuelle qu’elle doit être pensée. Nier l’existence du capitalisme, des classes, des rapports sociaux est ce à quoi aboutit nécessairement cette construction identitaire qu’est l’IQV. Nous avons montré que la tendance au déni du réel est au coeur de toute identité, parce qu’une identité ne perçoit pas le réel, mais seulement sa propre existence comme identité. Elle s’affirme donc en déniant l’existence à tout ce qui n’est pas elle.
Mais nier l’existence du capitalisme ne le fera pas disparaître. Et cette négation même trouve ses racines dans la réalité du monde capitaliste, et en particulier dans sa réalité en tant que société de classes.

La complainte des classes moyennes (chanson réaliste)
En réalité, l’identité qui se pense comme universelle, et partant sans identité, c’est une certaine classe sociale : l’upper middle class occidentale. Elle est sans identité, parce qu’elle est la classe sociale étalon, le référent abstrait de toutes les autres classes, et donc de l’Homme en général. C’est ce qu’elle nomme « universalisme ». C’est bien elle qui est décrite, sans jamais être nommée, par l’IQV. C’est aussi, naturellement, vers elle (et contre elle) que l’IQV dirige son discours.
C’est elle qui ne perçoit la société que comme un « vague agrégat » d’institutions et d’individus, une « abstraction définitive ».
C’est elle qui ne voit dans toute la vie des « cités » que des policiers et de jeunes émeutiers.
C’est bien elle pour qui travailler signifie négocier et vendre au meilleur prix ce qui n’est plus « force de travail » mais compétence cognitive et relationnelle, et qui souffre logiquement de ce avec quoi elle travaille.
C’est elle qui cultive son précieux et problématique Moi à coups de développement personnel, de yoga et de psychanalyse.
C’est elle qui souffre de la « castration scolaire » et rêve, en son enfance, de brûler son école, parce qu’elle est la voie nécessaire de son intégration, et ne le fait pas, pour la même raison.
C’est elle encore qui, cernée de marchandises dont elle veut ignorer qu’elles ont bien dû être produites, trouve que le travail industriel est obsolète, les ouvriers surnuméraires et que l’économie est désormais « virtuelle ».
C’est elle seule qui existe politiquement, se soucie écologiquement et vote démocratiquement.
C’est elle aussi dont une partie de la jeunesse va se constituer en black blocs contre tous les G20 de la terre.
C’est elle enfin « la classe qui nie toutes les classes », non pas pour qu’elles disparaissent mais pour qu’elles existent à jamais.
Ceci dit non pour expulser cette classe hors du champ des luttes, mais pour montrer qu’aucune identité ne peut se situer hors d’un monde socialement déterminé.

« La joie d’éprouver une puissance commune »
Si ce texte a une utilité, c’est de parvenir à susciter un peu plus de méfiance envers les groupes que nous sommes amenés à constituer. Se rassembler est nécessaire. Mais trop souvent, le dicton selon lequel « qui se ressemble s’assemble » a tendance à se renverser. La question n’est pas de ne ressembler à personne, mais d’être attentifs à ne pas laisser une identité s’emparer de nous.
Ne pas laisser, par exemple, une identité nous mettre ses mots dans la bouche, ne pas se laisser séduire par la promesse d’obtenir une cohérence plus grande que celle que nous pourrions produire par nous-mêmes, au prix du renoncement à notre capacité de juger. Il faut se méfier aussi de la cohérence. Rien n’est plus cohérent ni mieux organisé qu’un cristal, dernier stade de la minéralisation, rien n’est plus mort aussi.
Aujourd’hui, l’identité promue par l’IQV se manifeste entre autres par l’essaimage de ses mots dans de nombreuses bouches : on entend « amitiés », « corps », « flux », « s’organiser », on sait ce qui parle, et on n’entend plus rien. On n’établit pas un langage commun avec des perroquets.
Mais il n’y a pas que l’IQV : si j’ai parlé en particulier de celle-ci, c’est qu’elle est suffisamment explicite et cohérente, et aussi assez largement connue pour en faire le point de départ d’une discussion collective. Il y a d’autres identités, celles par exemple pour lesquelles les mots « lutte des classes » et « guerre sociale » sont moins des questions qui se posent qu’autant d’étendards qu’on agite, pour mieux se distinguer de l’identité d’en face. La lutte entre les identités est littéralement sans fin.

Il est clair qu’aucun groupe isolé ne peut aujourd’hui s’abstraire du monde et réaliser le communisme dans son coin. Cela ne nous empêche pas, et nous le faisons déjà, de rechercher des pratiques anti-hiérarchiques, de questionner nos modes d’appartenance, etc. Tout en sachant que cela aussi peut se figer en coinçage identitaire.

On peut participer à un groupe sans pour autant s’y identifier. La fonction d’un groupe devrait être de donner plus d’autonomie à ceux qui y participent, de permettre le développement de leurs capacités. Le surinvestissement affectif dans un groupe finit trop souvent par ne créer que des dépendances, et par susciter d’affectueuses chefferies.
Un groupe n’est pas une fin en soi. L’amitié n’y est pas nécessaire. On peut se regrouper provisoirement pour une tâche précise, et à cette fin s’entendre, et le groupe peut n’exister qu’à cette fin précise, sans déborder pour autant sur d’autres domaines. Il y a des gens qui sont nos amis, avec lesquels on ne fait rien, que partager de bons moments, et d’autres avec lesquels on se regroupe pour accomplir une tâche, mener un projet, et qui ne sont pas pour autant nos amis. Le communisme n’est pas la communauté. Il n’y a pas à faire perdurer un groupe au-delà des fins pour lesquelles il nous est nécessaire.

Un groupe constitué pour des fins particulières peut même se permettre de se donner des « chefs », employés à des tâches précises. Pour manoeuvrer un trois-mâts, il est impératif que quelqu’un dirige la manoeuvre : c’est une question de coordination. Par contre, on peut se passer d’un capitaine, et prendre ensemble les décisions qui régissent la vie du navire, choisir la direction à prendre, etc.

Nous avons spontanément tendance à survaloriser nos groupes, et plus un groupe est marginal, plus cette survalorisation est intense. C’est un mécanisme essentiel du renforcement identitaire. Le déceler et s’en méfier, c’est déjà commencer à lui faire barrage.
De plus, la survalorisation identitaire de groupes marginaux (ce qui peut simplement vouloir dire « restreints ») les conduit à se marginaliser plus encore, les conduisant à devenir d’utiles repoussoirs pour l’ensemble de la société. Quelques punks consolident beaucoup de cadres. Et ceci n’est pas une erreur stratégique de la part des identités, mais est produit socialement : on finit par devenir ce que l’on veut que nous soyons. Tout groupe restreint court donc le risque de se changer en sa propre caricature, pour exister selon le mode socialement attendu de lui.

Se constituer d’emblée en sachant qu’on n’est qu’une partie d’un ensemble plus vaste, au sein duquel on existe au même titre que ceux qu’on considère comme ses ennemis, qu’on existe dans un monde ouvert et non pas polarisé selon les nécessités d’un récit, c’est une base sur laquelle on peut tenter de constituer des groupes qui ne se referment pas en identités. Exister dans les luttes qui le permettent sur cette base-là serait un bon début. Personnellement, il m’a semblé en voir une esquisse dans l’« AG en lutte » de la rue Servan, à Paris, en 2006.

Il est clair toutefois que l’enfermement identitaire est bien souvent ce à quoi nous restons socialement acculés. On ne peut qu’espérer que repérer cet enfermement, le rendre visible là où il s’opère, peut permettre de commencer à le rompre. S’en défaire complètement est l’objet d’une révolution communiste.

Alain C.

Le PDF du texte : pdf

Pour d’autres points de vue sur cette question, notamment en ce qui concerne « l’affaire de Tarnac » et ses suites, on peut lire le texte Contribution aux discussions sur la répression antiterroriste (voir ci-dessous), disponible sur Internet. Je souscris largement à ce qui y est dit, et je me suis donc dispensé de revenir sur des points qui y sont déjà traités.

26 octobre 2013

On the university mall of banalities

PDF On the university mall of banalitiesclick the image above to have the PDF of the book

Voici enfin la version anglaise de "Dans le patio universitaire des lieux communs" dans son intégralité et mise en page. Jordan et Le Viandier (merci à eux, la difficulté était grande) ont traduit cet ouvrage de la Cellule H1N1. Nous essaierons bientôt, à partir de cette traduction, de sous-titrer le film qui en a été tiré .

Here is finally the English version of "Dans le patio universitaire des lieux communs" ("In the university mall of banalities") in its entirety and layout. Jordan and Le Viandier (thanks to them, the difficulty was big) translated this work of the Cellule H1N1. We shall soon try to subtitle the movie, by means of this translation.

Extract : The strategic subtlety of the present western "democracies" essentially consists in the fact that they have made all the forces of resistance that have risen to oppose them simultaneously express a total approval of domination itself. This is why whenever and wherever the will to be liberated from some specific form of submission is found, one hardly ever finds anything but the demand for equal submission to the general whole.

 

 

Here is allways the movie in VF

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 > >>
Publicité